Toutes les choses ont une fin. On arrive donc à la deuxième et dernière partie de ce top musical. L’année 2024 a été de très bonne tenue et pour certains albums, il a été impossible de départager. Vous ne serez donc pas étonnés de voir quelques ex aequo dans la liste. Sans plus attendre, voici donc cette deuxième partie de ce qui sera la bande originale de l’année car, si beaucoup de choses sont à jeter sur plusieurs plans, sur le plan musical, c’était grandiose.
#125 Saxon – Hell, Fire and Damnation (Silver Lining Music) (Angleterre)
On n’arrête plus la bande à Byford ces dernières années qui nous sort un album par an, et ce malgré le départ récent de l’historique Paul Quinn, remplacé haut la main par Brian Tatler de Diamond Head. Deux ans après Carpe Diem, Saxon sort une nouvelle ogive avec l’impressionnant Hell, Fire and Damnation. Puissant, classieux, riche en riffs sublimes et en démonstration de force rythmique à la basse comme à la batterie, riche aussi en termes de songwriting avec encore une fois un Byford en très grande forme, ce nouvel opus montre un Saxon sur lequel les années ne semble pas avoir de prises.
#124 Nemedian Chronicles – The Savage Sword (No Remorse Records) (France)
Depuis la parution de l’œuvre de Robert E. Howard et surtout l’adaptation de Milius avec le concours de l’affichiste Frank Frazetta, les aventures de Conan le Cimmérien ont inspiré le jeu de rôle, les jeux vidéo, le cinéma et la musique, notamment le power metal des 80s avide d’histoires de héros virils. On l’a vu avec des groupes comme Manowar ou Eternal Champion. Derniers venus dans le registre, les toulousaings de Nemedian Chronicles qui sortent un premier album épique regroupant 12 chansons comme autant d’histoires reprenant l’univers de Conan dans son ensemble (la chanson dédiée à Red Sonja est un bijou), avec une ambiance très bien travaillée et des compositions dignes des cadors du genre. Ne manque plus qu’une production plus boostée pour les barbares de Toulousie (et je ne parle pas ici d’impies qui osent dire « pain au chocolat ») mais pour un premier essai, c’est réussi dans les grandes largeurs.
#123 Aborted – Vault of Horrors (Nuclear Blast) (Belgique)
Cette année 2024 est l’année de la finesse puisqu’avec la sortie du dernier Benighted, les belges d’Aborted sortent leur 12ème album. A l’instar de la pochette, Aborted fait dans le bucolique et offre un petit festin auquel est invitée une palanquée d’invités (un titre, un feat) qui à l’instar de Poltrone Sofa du bourrin, sont des artigiani della brutalita: Ben Duerr de Shadow of Intent, Francesco Paoli de Fleshgod Apocalypse, Oliver Rae Aleron d’Archspire, Matt McGachy de Cryptopsy, Jason Evans d’Ingested, ou encore Alex Erian de Despised Icon. On savait Sven de Caluwé cinéphile comme il nous l’a montré dans les clips et artworks de ses autres groupes, mais là il pousse jusqu’à tourner Vault of Horrors entièrement autour du cinéma de genre, d’Evil Dead à Massacre à la Tronçonneuse, en passant par Hellraiser, Halloween ou encore (et ça, c’est moins banal), le Golgothan, ce sosie de Pierre Ménez fait de merde dans Dogma. Au final, c’est un raffinement de gore, de glauque, de sale formidablement mis en musique, hyper technique et où (chose rare) le défilé d’invités ne se fait pas au détriment de la qualité d’ensemble.
#122 Oceans of Slumber – Where Gods Fear to Speak (Season of Mist) (Etats-Unis)
Deux ans après un Starlight and Ash plus atmosphérique, Oceans of Slumber renoue avec un son plus puissant et une alternance chant clair/guttural, le bassiste Semir Özerkan assurant de nouveau le growl. Encore une fois, on est impressionné par la voix chaleureuse, puissante et tout simplement magnifique de Cammie Gilbert qui se sort les tripes à chaque note. Comme à leur habitude, les Texans mêlent la richesse du metal progressif et la puissance du death avec des ajouts de gothic. Mikael Stanne (Dark Tranquility) et Fernando Ribeiro (Moonspell) assurent des featurings de haute tenue. Au niveau des covers traditionnelles, c’est au tour de Wicked Game de Chris Isaak de passer à la sauce Oceans of Slumber. Pour son sixième album, le combo de Houston ne révolutionne pas sa recette mais continue de proposer un album très solide, maîtrisé de bout en bout et généreux.
#121 Madam – Thanks for the Noise (Baco Records) (France)
Après plusieurs EP remarqués et une réputation grandissante grâce à des prestations live solides, Madam déboule avec un premier album. Au menu, un garage rock immédiat mené tambour battant, entêtant et hyper pêchu et des incursions à la limite d’un dance-rock qui ferait presque penser au Gossip de Standing in the Way to Control avec là aussi une production aux petits oignons. L’envie de bouger son cul est très vite là, le rock abrasif et énergique de Madam est doublé d’une très belle maturité de composition. Ce trio a un bel avenir.
#120 Neck Deep – Neck Deep (Hopeless Records) (Pays de Galles)
Cinquième album pour Neck Deep, groupe de pop-punk venu du Pays de Galles. Si les critiques ont déploré un côté plus pop dans les productions récentes, avec cet album éponyme, le quintet remet les pendules à l’heure. Dès le premier riff, on sent l’influence d’un Blink-182 des grands jours et Neck Deep nous offre un pur condensé de pop-punk à l’ancienne, hyper carré dans la production, bien gaulé dans ses mélodies et hyper pêchu. Avec ce cinquième effort en dix ans, Neck Deep donne une cure de nostalgie à tous les fanatiques de la glorieuse époque du genre de la fin des 90 au début des années 2000. Un pop-punk simple, bien exécuté et carrément jouissif.
#119 Lofofora – Coeur de Cible (At(h)ome) (France)
35 ans d’existence et une colère toujours intacte pour les Parisiens de Lofofora qui signent leur 11ème album. Le contexte social, économique et politique en France comme à l’étranger ne pouvait être qu’un terreau fertile pour la plume toujours aussi acérée de Reuno Wangermez. Un Reuno qui, depuis le début du groupe, se pose comme un des meilleurs lyricistes de l’alternatif français, et il le prouve encore une fois non seulement par des paroles profondes mais aussi des jeux de mots et autres allitérations. La langue française est son terrain de jeu et, à nouveau, il nous gratifie de numéros de voltige. Sa voix est toujours en place et le gars est bien déterminé à brûler des scènes. De son côté, Daniel Descieux nous livre les meilleurs riffs de gratte Lofofora depuis des lustres. Voix des sans voix, figure de proue de la scène alternative engagée française, Lofofora sort un nouvel album de patron, dans une discographie quasi-parfaite.
#118 Brother Dege – Aurora (Prophecy Productions) (Etats-Unis)
Cinquième album pour Brother Dege, et il n’y en aura hélas pas d’autre car l’auteur, musicien et écrivain venu de Louisiane s’est brutalement retiré du monde terrestre à l’âge de 56 ans. Amateur du rock des années 60/70, des vieux bluesmen et de la poésie de Dylan et de Waits, Brother Dege a fait infuser tout ça dans une folk crépusculaire et organique, une balade dans le Sud aride des USA sous un soleil de plomb. Avec sa musique minimaliste mais immersive et son grain de voix imparable, Brother Dege sait distiller une ambiance intense pour nous tirer larmes et frissons.
#117 Clavicule – Incoming Blaze (Le Cèpe Records / VLAD) (France)
A peine un an après le très bon Full of Joy, Clavicule revient avec un troisième album toujours solidement ancré dans un garage rock, superbement exécuté, hyper pêchu, plein de riffs et d’énergie communicative. Un troisième effort qui permet à Clavicule de dominer de la tête et des épaules (clavicule…épaules…. hu hu) une partie de la scène rock hexagonale, même mainstream.
#116 The Libertines – All Quiet on the Eastern Esplanade (EMI) (Angleterre)
La bande à Pete Doherty et Carl Bârat sort un quatrième album neuf ans après Anthem for Doomed Youth. Cette fois, le quatuor s’est partagé les compos qui ne sont plus signées Doherty et Bârat et ce dernier prend d’avantage de place. Classieux, le nouvel album des Libertines est du pur rock britannique de dandy, entre morceaux énergiques et ballades douce-amères où Doherty semble imiter Albarn au niveau de son timbre. On a même une petite incursion jazzy du plus bel effet. Britpop pur jus au bon sens du terme comme l’étaient les Beatles ou les Kinks, All Quiet on the Eastern Esplanade est un album racé et élégant jamais noyé dans une production trop chargée et avec des refrains imparables.
#115 The Quill – Wheel of Illusion (Metalville) (Suède)
10ème album en plus de 30 ans pour The Quill, groupe vétéran de la scène stoner/heavy rock suédoise. Entre rock psychédélique des 70s et stoner contemporain, The Quill ne choisit pas et offre un buffet gargantuesque hyper riffu avec des morceaux riches, variés et profonds. Énergique, The Quill emporte tout sur son passage avec une musique imparable et entraînante porté par un chant tour à tour doux et tout en force. Ce 10ème opus a de quoi mettre d’accord les amateurs de stoner dans leur ensemble.
#114 Better Lovers – Highly Irresponsible (SharpTone) (Etats-Unis)
Depuis l’explosion d’Everytime I Die, les membres du groupe n’ont pas chômé. Keith Buckley a fondé Many Eyes. Quant au batteur Clayton Holyak, au bassiste Stephen Micciche et guitariste Jordan Buckley, soit 3/5 d’EID, ils ont formé Better Lovers avec au chant Greg Puciato (ex-The Dillinger Escape Plan) et Will Putney (Fit For an Autopsy) à l’autre gratte. Un superbe casting pour un résultat de très bonne tenue entre les riffs chaotiques et imprévisibles de la paire Buckley/Putney, la grosse basse, la batterie acharnée et l’énergie de Puciato. Un régal pour les amateurs des groupes précités.
#113 20 Seconds Falling Man – Resilience (Auto-production) (France)
De la violence et de l’apaisement entremêlés dans des compositions riches et alambiquées, c’est ce que nous propose Resilience des nantais 20 Seconds Falling Man, groupe entre post-hardcore, hardcore chaotique convergesque et sludge. On est tout le temps entre deux états contradictoires tant le groupe change d’esprit avec aisance. Resilience a beau être un brin aride, il en demeure d’une beauté folle.
#112 Djiin – Mirrors (Klonosphere) (France)
Trois ans après le très bon Mandering Souls, les Rennais de Djiin reviennent avec un troisième album, toujours dans un registre doom-stoner psychédélique. Cette fois, l’album est scindé en deux entre lumière et ombre, comme deux facettes d’un miroir. Commençant dans un registre lumineux, fier et pêchu, l’album se termine dans une ambiance plus pesante, plus dure, plus massive. Le concept est bien, la mise en musique au cordeau, les thèmes forts et douloureux (handicap, maladie, violence domestique) et la palette vocale de la chanteuse encore plus large qu’au précédent opus, le tout pour un album qui pousse encore le curseur niveau qualitatif.
#111 Coltre – To Watch with Hands to Touch with Eyes (Dying Victims Productions) (Angleterre)
Coltre est un groupe londonien qui est marqué par un amour pour le heavy original des Black Sab’ et les groupes qui les ont influencés comme Cream, Blue Oÿster Cult voire Coven. To Watch with Hands to Touch with Eyes est un premier album léché avec des morceaux classieux, autant travaillés que la production vintage et parfois prog. Les mecs ont bien digéré leurs influences sans faire de copier-coller, dans un esprit similaire à des groupes comme Tanith et le rendu est superbe.
#110 The Cold Stares – The Southern (Mascot Records) (Etats-Unis)
En France, le Sud inspire la bonne bouffe, le soleil et, plus à l’est, la Cagolie. Aux USA, le Sud c’est plus hostile, poisseux et empreint des fantômes d’un passé douloureux où la musique se fait viscérale (enfin, la vraie, pas la merde boostée à l’autotune, au screwed-n-chopped et aux dents en diamant). C’est dans cet univers que prend pied le nouvel album des Cold Stares, groupe adoubé par Joe Bonamassa himself. Sur ce nouvel album, les Cold Stares s’enrichissent d’un troisième homme, un bassiste qui leur donne un son plus chaud, plus groovy. Moins fuzzy que le précédent, plus sudiste, moite, The Southern alterne moments psychédéliques et plus terre-à-terre entre hard rock et blues musclé. Mâture dans son propos comme ses compositions, The Southern multiplie les morceaux de bravoure et les éclairs de génie aux cordes.
#109 Greenleaf – The Head & The Habit (Magnetic Eye Records / Art & Sound) (Suède)
L’artwork a beau être réputé réalisé sous IA, c’est chiadé, mais le reste de l’album est bio. 3 ans après l’excellent Echoes from a Mass, Greenleaf revient avec un neuvième album, le troisième d’affilée sans changement de line-up (et c’est un petit évènement). Le groupe acquiert par conséquent des automatismes et une certaine maturité de composition. The Head & The Habit est un condensé de riffs jouissif, un pur album d’un stoner frais qui sent les effluves de……euh……botanique, un stoner hyper pêchu, débordant d’énergie communicative, entrainant, entêtant qui donne envie de détacher les cheveux (même quand les a très court), d’ouvrir les fenêtres et de tracer la route pied au plancher. Les Suédois font ce qu’ils font de mieux, une musique dégoulinant par tous les pores d’un pur esprit rock n’roll et épris de liberté. Un parfait album pour l’été.
#108 Diablation – Irrévérence (Osmose Productions) (France)
Conçu comme l’aboutissement d’un cycle, le troisième album de Diablation en 4 ans d’existence, se vit comme la clôture d’un chapitre, voire d’un livre (fin du groupe? Départ du chanteur ? Dur de comprendre devant le communiqué ambigu du label). Diablation lâche donc les chevaux avec une œuvre encore plus grandiose et aboutie, variée dans ses registres black metal et riche d’une ambiance fascinante et immersive, et de textes intelligemment écrits, fins et littéraires.
#107 Sordide – Ainsi Finit le Jour (Les Acteurs de l’Ombre)(France)
Cinquième album pour Sordide. Trois ans après le très engagé Les Idées Blanches, Sordide n’a pas calmé ses ardeurs. A croire que le climat glauque entourant les européennes et les législatives leur a donné du grain à moudre, le constat de Sordide sur notre société délétère, refermée sur elle-même (et sur notre époque de catastrophes en tout genre) est implacable et sans concession. Un propos dur et nécessaire porté par un black metal revêche, rêche, sans fioritures et en même temps plutôt sophistiqué. Se démarquant franchement sur un plan idéologique d’une partie de la scène black metal, Sordide continue de tracer son sillon avec brio et intelligence.
#106 ex aequo Eivør – Enn (Season of Mist) (Iles Féroé)
Onzième album en solo pour Eivør Pálsdóttir chanteuse féroïenne qui s’est fait un nom d’albums en albums jusqu’à participer à des BO de jeux vidéo et de séries. Entièrement chantées en féroïen, les chansons ont été co-écrites avec le poète local Syderbø Kjelnæs. Riche et varié au niveau des techniques de chant avec même un morceau en chant guttural, Enn varie entre dark folk et dream pop, entre Terre et Paradis.
#106 Beth Gibbons – Lives Outgrown (Domino) (Angleterre)
Après trois albums au sein de Portishead, groupe dont la productivité est inversement proportionnelle à l’aura, ainsi qu’un album avec Rustin Man, Beth Gibbons débarque avec son premier album 100% solo. Produit par James Ford (qui a bossé avec Arctic Monkeys, Depeche Mode ou encore Blur) et Lee Harris qui avait bossé sur l’album de Gibbons et Rustin Man, Lives Outgrown œuvre dans un registre chamber pop prenant et immersif mais où le style de Beth Gibbons invoque son travail dans Portishead. Sans trop radicalement changer de registre, Beth Gibbons nous livre un petit évènement en soi qui ne dépaysera pas les fans du combo trip-hop de Bristol, fans dont les oreilles seront gentiment choyées.
#105 Faulty Cognitions – Somehow, Here We Are (Cercle Social Records) (Etats-Unis)
Après une première demo, le tout jeune groupe Faulty Cognitions déboule avec un premier album orné d’une pochette qui vaut 1000 discours. Faulty Cognitions nous sert un pop-punk véhément, engagé mais surtout hyper énergique et aux mélodies savamment travaillées. 12 titres et autant de bombinettes et de tubes en puissance, fédérateurs et immédiats avec un cachet old school bien senti comme l’avaient fait Civic et Grade 2 en 2023. La relève est assurée.
#104 Thou – Umbilical (Sacred Bones) (Etats-Unis)
Un rythme hyper plombant, massif, menaçant, des riffs distordus à fond et grumeleux à souhait et un vocaliste hydraté au Destop qui multiplie les imprécations d’un possédé, Thou n’est pas là pour faire rire mais pour plaquer la tronche de l’auditeur contre le bitume tout en conduisant (ceux qui ont vu Dobermann auront l’image). Huitième album du groupe de Baton-Rouge, Umbilical est un album de sludge/doom angoissant, effrayant, et se vit comme un bain de poix, d’huile bouillante et de chaux vive et laisse des traces un bon moment après la dernière note.
#103 Sidewinder – Talons (Auto-production) (Nouvelle-Zélande)
Il y a deux ans, les wellingtoniens Sidewinder nous sortaient un premier album de stoner classique mais de bonne facture. Cette fois, le groupe a nettement monté le curseur. Ce qui a changé ? Le chanteur Jason Curtis qui a laissé sa place à la chanteuse Jem, et non seulement Sidewinder a mis davantage de puissance et de densité avec un son plus massif, mais en plus Jem possède un organe surpuissant, une voix chaleureuse dont le registre rappelle celui de Laura Donnelly de King Witch et ça change du tout au tout. Talons surpasse son prédécesseur en tous points et s’avère aussi riche que majestueux.
#102 ex aequo Whispering Void – At the Sound of the Heart (Prophecy Productions) (Norvège)
Whispering Soul est la réunion de musiciens reconnus des scènes black et pagan norvégiennes. Ronny Stravestrand (Trelldom), Iver Sandøy (Enslaved) et les chanteurs Gaahl (Trelldom, Gaahl’s Wyrd, Gorgoroth) et Lindy-Fay Hella (Wardruna) unissent leur force, non pour un projet black metal mais pour un mix entre dark folk et rock ambient hyper planant aux compositions tour à tour psychédéliques et atmosphériques où la voix d’ange de miss Hella se mêle à merveille à celle hyper grave de Gaahl. Whispering Void livre ici un premier album fortement marqué par une ambiance scandinave, un album cocon idéal pour les froides journées d’hiver.
#102 Slomosa – Tundra Rock (MNRK Heavy) (Norvège)
Jeune groupe qui a connu une ascension rapide, Slomosa sort un deuxième album. Groupe de desert rock venu du coin le moins désertique du monde, Slomosa a rebaptisé son style « tundra rock », d’où le nom de l’album. Les gars ont beau venir de Bergen, ville plus connue pour sa scène black metal, on a l’impression que le mercure a grimpé jusqu’à faire sauter le thermomètre tant l’album regorge de riffs écrasants, de lignes de basse lourdes et de compositions qui donnent l’impression d’un trek dans la vallée de la mort, le tout porté par un chant puissant et chaleureux.
#101 Fit For An Autopsy – The Nothing That Is (Nuclear Blast) (Etats-Unis)
Deux ans seulement se sont passés et Fit For an Autopsy est de retour pour un septième album. Encore une fois, le combo du New Jersey met des kilomètres de distance à la concurrence de la scène deathcore, sans révolutionner leur recette mais avec des musiciens aussi créatifs que monstres de technique et d’une précision chirurgicale. Que ce soit la frappe supersonique et chirurgicale de Josean Ortea, les lignes vertigineuses de la triplette de gratteux ou le growl de mammouth de Badolato, l’hydre à 6 têtes donne son maximum pour que chaque plan donne le tournis et encore une fois, dans le deathcore, il y a Fit For An Autopsy et les autres.
#100 Sangue de Bode – Eu Sou a Derrota (Helena Discos / Vertigem Discos / Two Beers or not two Beers) (Brésil)
Sangue de Bode nous vient de Rio de Janeiro et n’a pas vraiment envie de nous faire danser la samba. Entre thrash, groove et death metal, Sangue de Bode nous livre une musique sombre au possible où se glissent des vocalises à la limite du pétage de cordes vocales et par moments un riffing et des plans de batterie typiques du black metal, comme pour rappeler que le Brésil a été un des pays précurseurs du genre. On peut souligner également l’énorme prestation du bassiste Jose Luis Ferraz qui, certes, ne fait pas dans les partoches hyper complexes mais fait une jolie démonstration de rapidité d’exécution. Sangue de Bode opte donc pour un large éventail de genres qui se mélangent parfaitement pour créer un monstre de puissance et de chaos ravageur et laisser l’auditeur KO.
#99 ex aequo Morbid Saint – Swallowed by Hell (High Roller Records) (Etats-Unis)
Formé il y a 40 ans, le combo Morbid Saint a réussi à devenir culte malgré une productivité à faire passer un sénateur pour un stakhanoviste. Après un split de 26 ans faisant suite à la discographie impressionnante de…. 1 album, le groupe a sorti ce qui est son troisième album. Et pourtant, les mecs déboulent avec une rage de jeunes premiers. Aidés par une production bien ficelée, Morbid Saint débarquent avec un thrash véloce, agressif et violent. Les gars mélent blast et mid-tempo, et des attaques de grattes en éjaculant de grosses giclées de riffs et de solis vertigineux. Ça ne réinvente certes pas la roue mais c’est un festival de tout ce qu’on aime dans cette musique.
#99 Carnal Savagery – Graveworms, Cadavers, Coffins and Bones (Moribund Records) (Suède)
Mais à quoi carbure Carnal Savagery? Malgré un changement de line-up et un nouveau passage de trio à duo et l’appel à un guitariste lead de session en la personne de Matias Quiroz, Carnal Savagery enquille un nouvel album dix mois après Into the Abysmal Void. Et en plus, le duo réussit à faire mieux que le précédent dès l’introduction du premier morceau, bijou de brutasserie où le groupe colle de grosses mornifles en guise de présentation. Riffs de mammouth, grosse basse, batterie variée, bon growl qui tâche, artwork tout choupinou et festival d’un Quiroz qui nous gratifie de morceaux de bravoure à la six-cordes et de solis tous plus jouissifs les uns que les autres, Carnal Savagery nous gâte avant Noël.
#98 Darkest Hour – Perpetual | Terminal (MNRK Heavy) (Etats-Unis)
Depuis 1995, Darkest Hour a multiplié les aller-retours entre death mélodique et metalcore. C’est encore le cas avec ce 10ème album, sorti 7 ans après Godless Prophets & the Migrant Flora. Aidés d’un nouveau guitariste lead en la personne de Nico Santora (ex-Suicidal Tendencies passé brièvement par Fallujah), les washingtoniens sortent un album hyper solide, tant par la production que la qualité des compositions. Il faut dire que Santora fait un magnifique travail à la gratte, nous gratifiant de soli jouissifs et la paire qu’il fait avec l’historique Mike Schleibaum fonctionne très bien. Dès le premier riff lancinant à souhait, on sent qu’on va avoir un joli festin et on n’est pas déçu. Travis Orbin est lui aussi énorme, bourrin ce qu’il faut, cognant comme un bœuf tout en se montrant subtil et offrant un boulevard pour que John Henry beugle à cœur joie des lyrics implacables. Variant superbement les registres pour arriver à une conclusion massive comme il faut, ce 10ème album est un régal.
#97 Dååth – The Deceivers (Metal Blade Records) (Etats-Unis)
Après 14 d’absence, Dååth revient avec un line-up en grande partie changé dont deux des trois gratteux, le bassiste et le batteur (ce dernier officiant aussi chez Septicflesh, excusez du peu). The Deceivers déboule avec un sens tout particulier de la sobriété (en gros aucune) entre death, sympho et indus. Et comme si c’était pas assez monstrueux, le groupe convie un joli casting de guitariste dont Per Nielson (Scar Symmetry), Dan Sugarman (Ice Nine Kills), Dean Lamb (Archspire) dans son style turbo-virtuose habituel, Mark Holcomb (Periphery) lui aussi très solide ou encore Jeff Loomis (ex-Nevermore, ex-Arch Enemy). The Deceivers nous offre une superbe expérience, un album immersif, parfois froid et à l’orchestration monumentale où les six-cordes sont à la fête. Technique sans être dans le branlage de manche mais aussi généreux et très mélodique, The Deceivers est un véritable retour en fanfare pour la bande à Zatorsky, un album à la fois implacable et classieux.
#96 Ponte del Diavolo – Fire Blades From the Tomb (Season of Mist) (Italie)
Venus de Turin, Ponte del Diavolo sort son premier album après avoir livré 3 EP. Ne cherchant pas à faire comme les autres, Ponte Del Diavolo mélange un black metal mystique à un doom massif et psychédélique. Le mélange opère à merveille entre riffs tantôt pachydermiques, tantôt plus véloce et agressifs, alternance blast beat et frappes de mammouth, et à chaque fois, la voix majestueuse d’Elena Camusso alias Erba Del Diavolo. Avec son mélange improbable mais fonctionnant à merveille, Ponte del Diavolo construit un album puissant, majestueux et singulier.
#95 ex aequo Schammasch – The Maldoror Chants: Old Ocean (Prosthetic Records) (Suisse)
Sept ans après l’EP The Maldoror Chants : Hermaphrodite, Schammasch revient dans l’univers des Chants de Maldoror du poète français Isidore Ducasse. Un texte surréaliste qui trouve échos dans la musique de Schammasch où le black metal du groupe se pare de chœurs fantomatiques, d’une ambiance plombante doomeuse, de compositions étranges et envoûtantes. La musique hors-normes des helvètes en laissera plus d’un sur le carreau mais le voyage vaut franchement le ticket.
#95 Corpus Diavolis – Elixiria Ekstasis (Les Acteurs de l’Ombre) (France)
La moindre chose qu’on peut dire c’est que l’artwork signé Kerbcrawlerghost (qui n’a pas pour habitude de s’échapper) a le don de ne pas faire les choses à moitié et de mettre dans l’ambiance. 3 ans après Apocastase, Corpus Diavolis revient avec un cinquième album et c’est pas pour caresser les fans du messie (pas le footballeur, l’autre) dans le sens du poil. Véhément, furieux, sauvage, Elixiria Ekstasis est délicieusement malsain et malfaisant. Une avalanche d’adjectifs certes mais à la hauteur de ce black metal superbement ficelé, baignant dans une ambiance de messe noire, entre imprécations et vocalises liturgiques du plus bel effet.
#94 Nick Cave and the Bad Seeds – Wild God (Bad Seed / Play It Again, Sam) (Australie)
On avait laissé Nick Cave and the Bad Seeds avec un album terrassant, aussi beau que pétri d’un chagrin des plus viscérals. Si nul doute que la douleur de Nick Cave est et restera toujours là, son nouvel effort prend le contre-pied. Wild God est à l’image de sa pochette, léger, lumineux, baigné d’une clarté aveuglante et, par moments, spirituel. Surprenant à plus d’un titre tant le bonhomme n’est pas du genre hyper joyeux, Wild God est un bijou riche, profond et prenant, et donnerait presque envie d’embrasser la lumière.
#93 The Old Dead Tree – Second Thoughts (Season of Mist) (France)
5 ans se sont écoulés depuis l’EP The End qui marquait un sursaut de vie dans un long hiatus. Une longue pause durant laquelle chaque membre a pu s’épanouir dans son groupe respectif, de Lux Incerta à Arkan. The Old Dead Tree revient à la vie pour un cinquième album placé sous le signe de gothic doom aux incursions rock, tour à tour atmosphérique ou plus rugueux mais toujours entêtant, entraînant, riche en riffs ciselés et en vocalises riches, entre growl et chant clair. Un cinquième album moderne, riche et passionnant qui marque durablement après écoute.
#92 Octoploid – Beyond the Aeons (Reigning Phoenix Music) (Finlande)
Octoploid est un jeune groupe qui réunit le bassiste d’Amorphis Olli-Pekka Laine (ici à la basse), Kim Rentala (ex-Amorphis, passé dans plein de groupes), le batteur Mikko Pietinen comparse de Laine dans Mannhai et Peter Salonen de Death Ex à la gratte. Octoploid signe ici un premier album avec plusieurs guests au chant comme Mikko Kotamäki de Swallow the Sun, Tomi Koivusaari (Abhorrence), Jani Muurinen (Mannhai), Tomi Joutsen (Amorphis), Petri Eskelinen (Feastem) et Jón Aldará (Hamferð, Barren Earth). Outre le catalogue de guests, la particularité d’Octoploid est de proposer des vocalises mélodeath sur une base stoner psychédélique/early heavy metal du plus bel effet. Et ça marche à merveille avec cet album qui souffle le chaud et le froid, les growls plombés et les envolées de guitares fuzzy et aériennes. Plutôt couillu, original et passionnant de bout en bout.
#91 Mörk Gryning – Fasornas Tid (Season of Mist) (Suède)
Groupe en place depuis l’âge d’or du black metal scandinave, Mörk Gryning s’était fait un peu oublier avant un retour en fanfare à la fin des 2010’s. Avec son septième album Fasornas Tid chanté en anglais et en suédois, Mörk Gryning nous livre un black metal majestueux avec un Goth Gorgon en feu à la basse, une batterie vertigineuse, des vocalises riches entre un chant clair à la Borknagar et un growl véhément. Ancré dans un metal old school jouissif, Fasornas Tid fascine et envoûte avec un black metal riche et plein de nuances.
#90 ex aequo Uncut – Space Cowboy (Klonosphere) (France)
Après l’excellent Blue, Uncut revient avec un nouvel album sorti en autoproduction mais avec le soutien de Klonosphere. Si le blues-rock du précédent est toujours là, un blues-rock riffu à souhait porté par des lignes de guitares racées et un chant habité, sur Space Cowboy, on trouve aussi des élans de stoner, de space-rock avec des plans parfois bien planants. Encore une fois, la somme de talents au sein d’Uncut nous sert un album d’une élégance rare.
#90 KO KO MO – Striped (Les Disques en Chantier/ LMP Musique) (France)
Dans la scène rock française, le duo KO KO MO s’est fait un nom et une place dans les festivals sans chercher à faire du consensuel. Un nom mérité à l’écoute de ce quatrième album, toujours dans un registre blues rock psychédélique avec quelques touches un peu pop. Loin de la soupe d’Izia, Feu Chatterton et consorts, KO KO MO sert un rock abrasif, pêchu, entraînant et boosté par des putain de riffs immédiats qui donnent envie de danser et de dévorer la vie. Tour à tour endiablée et sensuelle, leur musique s’inscrit sans mal avec les quelques révélations que sont Patrón et Animal Triste et a suffisamment d’arguments pour s’imposer à l’étranger.
#89 The Black Crowes – Happiness Bastards (Silver Arrow Records) (Etats-Unis)
15 ans que les Black Crowes n’avaient pas sorti d’albums. 40 ans après leur formation, le combo d’Atlanta nous revient avec une nouvelle galette, du pur Black Crowes dans le texte. Ça commence très fort avec un pur blues-rock énergique qui donne une frénétique envie de bouger de la tête et du cul. La bande aux frères Robinson nous livre une nouvelle salve de pur rock sudiste entre morceaux électriques rentre-dedans et ballades acoustiques. Fidèle à ses bases, les Black Crowes nous offre un nouvel album généreux et hyper efficace.
#88 Kula Shaker – Natural Magick (Strange F.O.L.K. Records) (Angleterre)
Deux ans après un album aussi drôle que conceptuel, Kula Shaker revient pour un 7ème opus toujours dans cette veine rock psychédélique 60s qui lui sied à merveille depuis le début. On a l’impression de naviguer en terrain connu et certains plans semblent sortis de la dernière partie de la discographie des Beatles. C’est toujours aussi bien foutu et jouissif du début à la fin, que ce soit des morceaux pêchus comme pour les ballades, ça regorge de mélodies entêtantes et de morceaux fédérateurs.
#87 ex aequo Crobot – Obsidian (Megaforce Records) (Etats-Unis)
Deux ans seulement après le très bon Feel This, le combo de Harrisburg Crobot revient avec un cinquième album, toujours dans ce mélange stoner/hard rock immédiat, blindé à la gueule de tubes en puissance hyper catchy qui donne envie de bouger ou de tracer la route, de titres qui sentent bon l’été. Les compositions sont somme toute classiques mais sont hyper efficaces et Crobot ne se perd pas en digressions inutiles pour nous emmener à leur grosse teuf enfumée et c’est tant mieux.
#87 Melvins – Tarantula Heart (Icepac Recordings) (Etats-Unis)
Véritables légendes du sludge, du stoner et du doom, les Melvins, avec 40 ans d’existence et quasiment 30 albums au compteur, n’ont rien à prouver et peuvent se faire plaisir en expérimentant, quitte à en laisser plus d’un sur le carreau comme avec ce Tarantula Heart long de 38 minutes pour 5 morceaux dont un monolithe expérimental de presque 20 minutes, des mélodies étranges, des boucles hypnotiques, et des accords improbables. Et cette audace, cette originalité paye avec un album certes aride et déroutant mais de très haute tenue.
#86 Mad Caddies – Arrows Room 117 (SBAM Records/ 55 Rose) (Etats-Unis)
Formés en 1995, les Mad Caddies ont depuis rejoint le cercle des incontournables du ska-punk. Neuvième album du groupe, Arrows Room 117 est le premier album depuis 6 ans et le premier album de compos depuis 10 ans. Entre temps, le groupe a connu un radical ménage de printemps puisque Chuck Roberson est le seul membre d’origine. Un nouveau line-up et de manière concomitante un léger virage musical puisqu’au ska-punk-reggae cher au groupe se sont greffées des orientations cowpunk et blues. Le tout pour un album à fleur de peau, riche et généreux, plus profond et touchant.
#85 Ruff Majik – Moth Eater (The Lorekeeper’s Bible) (Sound of Liberation) (Afrique du Sud)
A peine un an après Elektrik Ram, Ruff Majik revient avec un nouvel album, cette fois en ayant changé de crémerie (exit Mongrel, cap chez les Allemands de Sound of Liberation) et surtout une volonté de clore une trilogie entamée avec The Devil’s Cattle en 2020. Quatre ans et trois albums qui ont vu les sudafs écumer l’Europe dans des conditions épiques au cœur de tournées riches en (més)aventures. Pour clore ce chapitre, Ruff Majik a voulu, dans son album, dresser le bilan de ces années et continuer à élargir leur base sonore en incluant des plages blues ou des élans funky voire même franchement metal et avec l’appui d’invités comme Arvid Hällagård de Greenleaf. Toujours armé de cette volonté de ne pas se renouveler et de surprendre, Ruff Majik nous entraîne encore une fois vers de nouvelles contrées.
#84 Romuvos – Spirits (Hammerheart Records) (Lituanie)
Un groupe lituanien basé en Allemagne et dont la moitié des musiciens est Israélienne, Romuvos est, déjà sur le papier, l’incarnation de la mondialisation culturelle dans ce qu’elle propose de mieux. Dès la première seconde, on part en voyage dans les steppes dans une ambiance proche de The Hu et de Wardruna avec une musique profondément immersive, prenante, superbement maîtrisée.
#83 The Lumberjack Feedback – The Stronghold (Argonauta Records) (France)
En quelques années et à la faveur d’albums salués, les Lillois de The Lumberjack Feedback se sont fait un nom. Troisième album du groupe, The Stronghold (au superbe artwork) continue la philosophie du groupe avec ce doom/sludge/post-metal instrumental savant, tortueux bardé de riffs aussi variés que les ambiances et de lignes de basse bien groovy pour un rendu riche et passionnant.
#82 ex aequo Hideous Divinity – Unextinct (Century Media Records) (Italie)
En quelques années et grâce à des albums salués, Hideous Divinity s’est fait un nom dans la scène death européenne. Et le cinquième album des romains a de quoi les confirmer dans leur statut tant à l’écoute, on se prend un monolithe en pleine gueule. Riffs tortueux, batterie bulldozer, growl pachydermique et densité à broyer les os, Unextinct est taillé dans la roche massive et destiné à pulvériser l’auditeur. Hideous Divinity ne fait pas dans la demi-mesure et s’avère une grosse baffe dans le genre brutal death.
#82 Skeletal Remains – Fragments of the Ageless (Century Media) (Etats-Unis)
En une dizaine d’années et cinq albums, les californiens de Skeletal Remains se sont taillé un statut d’incontournables de la scène death et en plus de garants du revival d’un death historique dans la droite lignée de glorieux ainés. Et ce n’est pas ce cinquième album qui fera mentir cette réputation. Malgré un line-up à moitié changé avec un nouveau batteur et un nouveau bassiste, le groupe livre un album hyper solide, tant dans les compositions certes classiques mais efficaces et explosives, une production au cordeau avec ce qu’il faut de crade, une ligne rythmique basse/batterie dingue, des riffs qui pètent les nuques et le chant bien hargneux d’un Chris Monroy habité.
#81 Dark Tranquillity – Endtime Signals (Century Media Records) (Suède)
4 ans après Moment, Dark Tranquillity revient avec un 13ème album, orné d’une pochette sublime (il convient de saluer encore une fois le travail de Niklas Sundin, ancien guitariste du groupe et illustrateur de pochette pour pléthore de groupes). Dark Tranquillity revient avec un bijou de death mélodique hyper soigné jusque dans les détails, avec des riffs monstrueux, un majestueux travail de guitares et comme à son habitude un Mikael Stanne capables de growls hargneux et puissant ou d’un chant clair qui prend aux tripes et qui rappelle celui de Mikko Kotamäki de Swallow the Sun. Après plus de 30 ans d’existence et alors qu’ils n’ont rien à prouver, Dark Tranquillity nous sort un nouveau joyau et se montre encore une fois digne de sa stature.
#80 ex aequo Kerry King – From Hell I Rise (Reigning Phoenix Music) (Etats-Unis)
Depuis la séparation de Slayer (du moins en dehors de la scène), un album solo était attendu au tournant : l’historique Kerry King sort enfin un album sous son nom. Pour ce faire, il s’est entouré d’une jolie brochette de pistoleros : son compère Paul Bostaph à la batterie, l’ex-Vio-lence, ex-Machine Head Phil Demmel (aussi gratteux live pour Slayer) à l’autre guitare, Kyle Sanders de Hellyeah à la basse et le frontman de Death Angel Mark Osegueda au micro. On a vu pire comme line-up. Bien sûr, les détracteurs ne se sont pas fait attendre entre ceux qui disent que c’est du Slayer (c’est Kerry King, vous vous attendiez à quoi? du folk progressif existentialiste?) et ceux qui sortent que c’est du Slayer au rabais. Non, il ne faut pas s’attendre à un album du niveau d’un Reign in Blood ou d’un South of Heaven, malgré l’ego de King, c’est plus un gros kiff qu’il se fait. Et ce kiff, il est communicatif, dès les premières notes. Les attaques de guitare de la grande époque? Check. Un bombardier en guise de batterie, qui cogne dur et fort? Check. Même le chant d’Osegueda (superbe pioche) impressionne et se montre un ton au-dessus par rapport aux pourtant très bons albums de Death Angel. Kerry King propose ce qu’il fait de mieux : un thrash sur-burné où le plus célèbre guitariste avec une tresse de barbe s’épanouit, bien entouré par des musiciens très talentueux (que ce soit la paire King/Demmel hyper incisive, la grosse basse de Sanders ou un Bostaph bien sec) et aidé par un chant habité et old school. Peut-être que From Hell I Rise ne sera pas l’album de thrash ultime de l’année, peut-être que si. L’avenir nous le dira, mais en attendant, chaque morceau fait prendre un pied phénoménal et les nuques bougent frénétiquement d’elles-mêmes. En live, ça promet une belle guerre.
#80 Deicide – Banished By Sin (Reigning Phoenix Music) (Etats-Unis)
Glen Benton a toujours eu un penchant pour la provoc. Il faut dire que quand tu appelles ton groupe Deicide, que tu centres les paroles autour d’un anti-christianisme virulent, que tu déclares que tu veux te flinguer à 33 ans comme Jésus et que tu te tatoue une croix inversée sur le front au fer rouge, ça coule de source. Mais cette fois, tonton Glen pousse le bouchon quitte à se mettre une partie du public à dos en ayant recours à l’IA pour la conception de la pochette du tout nouveau méfait (et ça ne manquera pas de faire débat) des vétérans du death US. C’est d’ailleurs la seule faute de goût ici car Deicide nous offre une nouvelle tarte, encore plus grosse que le déjà excellent Overtures of Blasphemy. Sur ce nouvel opus, Deicide étrenne un nouveau guitariste lead en la personne de Taylor Nordberg, homme au CV très fourni (The Absence, Umbilicus, Inhuman Condition, Infernaeon, ex- Massacre et ex- Wombbath) et qui (en plus de former une superbe paire de six-cordes avec Kevin Quirion, et de mettre pas mal la main à la patte niveau songwriting), balance des solis monstrueux qui font passer les morceaux dans une autre dimension et qui donnent un côté un poil heavy en plus du death old school crassouille distillé par Deicide. Bien sûr et ça va de soi, Benton est, à 56 ans et malgré ses excès, en très grande forme avec du growl bien dégueu et l’autre historique Steve Asheim, sans être dans la branlette, livre une performance aux fûts simple mais d’une efficacité infernale. Tous les ingrédients sont réunis pour que Banished By Sin soit l’un des meilleurs albums de la discographie de Deicide.
#79 Folterkammer – Weibermacht (Century Media Records) (Etats-Unis)
Folterkammer, c’est un groupe new-yorkais avec des mecs sapés comme des inquisiteurs espagnols et une chanteuse suisse qui aime parler de BDSM mais surtout un groupe qui mélange un black metal furieux et théâtral et un chant d’opéra avec une soprano qui fait parfois de la vocalise black. L’ensemble est hyper original, classieux même en tournant autour du cul sous un rapport dominatrice/dominé et l’ensemble en live doit avoir un superbe rendu tant la production est majestueuse.
#78 Category 7 – Category 7 (Metal Blade Records) (Etats-Unis)
Le visuel donnerait à penser à un énième nanar opportuniste de chez Asylum pour surfer sur le succès de Twister. Que nenni (oui, j’ai dit « que nenni »), il s’agit du premier album du supergroupe Category 7. Category 7, c’est Jack Gibson (Exodus), le batteur Jason Bittner (Shadows Fall, ex-Overkill), Mike Orlando (ex-Adrenaline Mob) et Phil Demmel aux six-cordes et John Bush (Armored Saint, ex-Anthrax) au chant. Un gros CV ne veut pas forcément dire que ça matche systématiquement, et de ce côté, Category 7 nous rassure dès les premières notes. Si John Bush a la fougue et son chant puissant fonctionne bien, les musiciens sont tous monstrueux entre basse vertigineuse, batterie qui tuste vite et fort mais aussi fait de superbes variations, la paire Orlando/Demmel nous balance quelques-unes des meilleures lignes de gratte de l’année, des riffs vertigineux et des soli à la fois très techniques et d’une classe folle. Si un exemple est nécessaire, le dernier morceau, instrumental, met pas mal de monde sur le cul. Préparez les digues, Category 7, c’est une tempête de heavy/thrash qui dévaste tout.
#77 Johnnie Carwash – No Friends No Pain (Howlin’ Banana Records/ Johnnie Carwash Production / Luik Music) (France)
Deuxième album pour les Lyonnais Johnnie Carwash, groupe qui propose un mélange garage/pop-punk frais et galvanisant riche en influences comme les Breeders, Hole ou Mudhoney. C’est frais, c’est pêchu, la voix de la chanteuse est très agréable et c’est communicatif autant en album qu’en live.
#76 Les Idiots – Trésors Modestes (10H10) (France)
Héritiers de formations comme Pigalle, La Rue Kétanou, Les VRP ou Les Ogres de Barback, Les Idiots livrent leur second album. Initié par Guillaume Boutevillain alias Slobodan, frontman de Condkoï, d’Opium du Peuple et des Oreilles Rouges, et Mikaël Garcia, compositeur (et directeur artistique sur cet album) accompagnés de Simon Barde, le trio a encore étoffé ses instrumentations depuis l’excellent premier opus. Dans Trésors Modestes, Guillaume ressuscite l’esprit de Mon HLM de Renaud, fait une incursion dans la chanson de marin, explore l’amour par les plaisirs hédonistes avec malice, parle de ses filles ou se fait poignant avec une chanson sur le deuil. Comme dans Tout le Monde le Sait, Les Idiots se montrent irrévérencieux quand il s’agit de parler de religion avec un morceau délicieusement anticlérical ou en adressant un gentil tacle à la soupe « musicale » qu’aiment les jeunes tout en rendant hommage à leurs compagnons de la scène française, de cette chanson réaliste parfois prise de haut par les tenants de la variété institutionnelle. On passe par toutes les émotions à fleur de peau à l’écoute des 9 titres tous plus fédérateurs les uns que les autres. Avec une profonde humanité et porté par la gouaille et la voix aussi chaleureuse que rocailleuse de leurs chanteurs, Les Idiots nous offrent bien plus qu’un modeste trésor.
#75 Aara – Eiger (Debemur Morti Productions) (Suisse)
Eiger fait partie des Alpes bernoises et culmine à près de 4000 mètres et depuis 1935, une soixantaine d’alpinistes ont perdu la vie en essayant de gravir la face Nord, ce qui lui a valu le surnom de Mordwand (Mur du meurtre). Après une trilogie consacrée à Melmoth ou l’Homme Errant, Aara s’attaque au récit d’une ascension du Mordwand en 1936 où quatre alpinistes ont disparu. Ici, la montagne, et la relation compliquée entre elle et ceux qui essaient de la dompter, sont au cœur de l’album. Une montagne lieu de spiritualité mais aussi cimetière à ciel ouvert, une dualité qui se reflète dans la musique d’Aara avec des compositions de Berg par moments atmosphériques, riche et planantes couplées avec les cris torturés de Fluss. Plus encore que lors de la trilogie précédente, la musique d’Aara est intense et méditative, immersive et inspirante.
#74 Weather Systems – Ocean Without a Shore (Music Theories Recordings) (Angleterre)
En 2020, le cœur d’Anathema a été mis en pause suite aux incertitudes que le contexte sanitaire a fait planer sur les tournées. Suite à cette pause déchirante pour les membres du groupe, Daniel Cavanagh, tête pensante du groupe, s’est lancé dans plusieurs projets dont ce Weather Systems (du nom de l’album d’Anathema préféré de Cavanagh) avec son comparse batteur Daniel Cardoso (autre figure importante du défunt groupe) et d’autres musiciens gravitant autour de la sphère d’Anathema. Si la musique peut sembler familière, c’est parce que 80% de Ocean Without a Shore a été composé sous Anathema, et Weather Systems reprend l’esprit, l’optimisme et le côté lumineux de leurs derniers albums. La frappe de batterie de Cardoso est, comme à son habitude, parfaite et les compositions sont un brin plus heavy par moments, plus catchy et plus lumineuses. Hommage sincère, dépourvu de cynisme, de Cavanagh, Cardoso et compagnie à leur précédent groupe, Ocean Without a Shore est clairement marqué par une émotion brute, difficile de ne pas embarquer dans le voyage.
#73 Swallow the Sun – Shining (Century Media Records) (Finlande)
Le guitariste Juha Raivio avait prévenu en interview qu’écrire un nouvel album comme Moonflowers pourrait le tuer, alors pour son neuvième album, après deux décennies à sonder la noirceur la plus profonde et après trois albums coup sur coup marqués par des tragédies personnelles, le combo finlandais de doom/death continue dans ses ténèbres habituelles mais avec une noirceur différente, moins opaque, moins étouffante et laissant davantage passer la lumière et par conséquent, davantage de chant clair. Pour autant, Swallow the Sun ne se renie pas et si les Finlandais ont un chouia adouci le ton, vous n’irez pas ambiancer un mariage avec Shining. Un brin en-deçà des précédents albums, Shining possède tout de même un haut niveau de solidité.
#72 Septaria – A* (Klonosphere) (France)
Jeune groupe venu du Vaucluse, Septaria sort un premier album dans un registre death/prog hyper complexe et varié, tant au niveau du chant alternant clair et growl, de la section rythmique avec un batteur à la palette très riche et n’hésitant pas à aller dans des plans à la Tool que des compositions de guitare alambiquées. On pense à du Gojira et à d’autres moments du Dead Can Dance, A* (prononcer Astar) en laissera plus d’un sur le carreau mais, dès le premier album, Septaria subjugue par sa maturité et sa virtuosité.
#71 Kanonenfieber – Die Urkatastrophe (Century Media) (Allemagne)
Deuxième salve tirée par les artilleurs allemands de Kanonenfieber, jeune tout-seul band bavarois qui retranscrit la 1ère guerre mondiale avec un blackened death mélodique superbement produit. Seul aux commandes de son canon (du moins en studio), le chanteur-toutiste Noise délivre des compositions de gros calibre, tout en proposant une palette vocale assez riche. A l’instar de 1914 mais en moins brut de décoffrage, Kanonenfieber arrive à retranscrire la Grande Boucherie en trouvant une certaine poésie et de la grâce dans la mise en musique de récits de cette sombre période. La dernière piste, plus acoustique, n’en ressort que plus tragique.
#70 Waidelotte – Celestial Shrine (Debemur Morti Productions) (Ukraine)
Premier album pour Waidelotte, nouvelle signature Debemur Morti (label gage de qualité). Basé en Ukraine, Waidelotte compte dans ses rangs Andrii Pechatkin le chanteur de White Ward, ou encore Zlatoyar de Soen à la composition et à la basse. Mêlant folk-death progressif et black metal, Waidelotte nous propose un black metal original et ambitieux avec des plans de basse racés et élégants judicieusement mis en avant dans le mix mais également des instruments typiques d’Europe de l’Est et des chants Ukrainiens traditionnels qui cultivent une ambiance particulière. Fortement marqué par son identité musicale comme pour rappeler la fierté d’un pays qui vit sous les bombes, Celestial Shrine se veut pourtant tourné autour de la spiritualité. Un mélange des genres qui ne rend ce premier album que plus fort.
#69 Crippled Black Phoenix – The Wolf Changes Its Fur But Not Its Nature (Season of Mist) (Angleterre)
Crippled Black Phœnix fête ses 20 ans d’existence et a choisi de célébrer ça avec la manière en recréant 8 titres piochés dans leurs différents albums. Aux côtés de Justin Greaves (guitare, batterie, basse, sample) et Belinda Kordic (chant), c’est un line-up composé de dix musiciens et chanteurs qui contribuent aux différents morceaux. Habitué à nous offrir des albums ovni inclassables, Crippled Black Phœnix nous sort un exercice de style hyper foutraque, complexe, pas toujours accessible et par moments perché que le groupe. En se faisant plaisir pour ses 20 ans, c’est surtout à nous que CBP fait un cadeau.
#68 Caligula’s Horse – Charcoal Grace (Inside Out Music) (Australie)
Charcoal Grace est né à l’époque où le monde était paralysé par la pandémie et les confinements, alors que Caligula’s Horse n’a pu défendre son album Rise Radiant. Tournant autour d’une chanson centrale de 24 minutes divisée en 4 parties et parlant d’abandon et de la relation père-fils qui en découle, Charcoal Grace parle d’isolement, de perte de repères ou de la beauté du silence. Des thématiques joyeuses, sublimées par une musique élégante, raffinée, complexe et cinématographique. Les compositions touchent au sublime, elles sont profondes et riches et offrent un écrin à la superbe voix de Jim Grey et son falsetto prenant. Généreux dans son développement, ce sixième album des Australiens se pose comme un incontournable de l’année prog.
#67 The Clamps – Megamouth (Heavy Psych Sounds) (Italie)
Les pochettes de stoner italien sont souvent improbables (coucou Demonio) et celles de The Clamps poussent les potards assez loin. The Clamps c’est un trio venu de Bergame et qui propose un stoner-punk référencé, probablement amateur du groupe culte de psychobilly mais surtout mélant la vitesse et l’efficacité de Motörhead, et le stoner de Kyuss. On croirait les cousins spirituels de Bokassa et pour cause, Megamouth est un album survitaminé, jouissif, rentre-dedans et très créatif. Ça passe presque trop vite tant c’est superbement emballé et fun de bout en bout.
#66 Suicidal Angels – Profane Prayer (Nuclear Blast) (Grèce)
Groupe reconnu de la nouvelle scène thrash européenne, Suicidal Angels sort son 8ème album en 23 ans d’existence. Aidés par une superbe production et armés d’une magnifique doublette de 6-cordes, les hellènes nous sort probablement l’un des plus beaux albums de thrash de l’année avec un thrash prog bardé de riffs sublimes, d’arpèges et de soli hyper bandants et globalement d’un son dense, léché et de mélodies immédiates, Profane Prayer à de quoi mettre d’accord les thrashers. Et que dire de Deathstalker qui convie Sakis Tolis de Rotting Christ et le duo Karadimas/Benardo de Nightfall ou encore le monumental final introduit par un chant féminin évanescent, sans compter ces passages acoustiques fort bien négociés. Du caviar.
#65 Merrimack – Of Grace and Gravity (Season of Mist Underground Activists) (France)
30 ans après leur formation, Merrimack fait partie des pionniers du metal noir francophone. Avec cette sixième galette, Merrimack déboule à nouveau avec un black metal occulte d’une puissance spectaculaire et d’une violence terrifiante. Prenant, délicieusement lugubre, tendu, Of Grace and Gravity est un album riche, généreux et passionnant.
#64 Datcha Mandala – Koda (Discos Macarras) (France)
Troisième album pour les Bordelais de Dätcha Mandala, groupe bercé par le rock puissant et énergique des 70’s. Après 15 ans d’existence, Dätcha Mandala s’est fait une jolie réputation avec des concerts remarqués. Masterisé à L.A. par Jett Galindo auBakery Studio L.A. (Deep Purple, Pink Floyd, Iggy Pop…), Koda jouit d’un certain soin au niveau de la production qui met en valeur le talent de musiciens qui sont loin d’être des manches, notamment le batteur au jeu particulièrement inspiré et varié. D’une très grande homogénéité, Koda est un album puissant et mature, une œuvre solide et généreuse où le groupe ne fait pas digérer ses influences mais apporte une pierre solide à l’édifice.
#63 Matrass – Cathedrals (Auto-production) (France)
Premier album pour les Bordelais Matrass, financé par une campagne de crowdfunding à succès. Après un EP remarqué, Matrass s’est doté d’un nouveau batteur à la frappe précise. Influencé par des groupes comme Psychonaut ou The Ocean, Matrass oscille entre contemplatif et rugueux, porté par la chanteuse Clémentine Browne, à l’aise pour switcher de registre et autant à l’aise dans la douceur mystérieuse que dans le chant rageur et hargneux. Somme de talents à tous les postes de mecs qui jouent avec élégance et finesse, Cathedrals mélange les registres et offre un post-metal riche et pluriel sentant autant le soufre que la fleur de jasmin.
#62 LizZard – Mesh (Pelagic Records) (France)
Trois ans après le sublime Eroded, LizZard revient avec un cinquième album, toujours chez Pelagic Records. Si Mesh commence avec un morceau hyper énergique qui donne envie de battre la mesure de la tête et des pieds, on retrouve très vite les riffs stratosphériques, les lignes de basse subtiles et les ambiances rock alternatif / art rock /prog douces amères qui collent parfaitement à l’automne et aux ballades. Mesh, comme Eroded, devient très vite un album cocon, un moment suspendu, une œuvre dans laquelle on se sent bien et qui nous entoure, qui appelle la touche repeat encore et encore et nous fait décoller.
#61 High on Fire – Cometh the Storm (MNRK Heavy) (Etats-Unis)
Il aura fallu 6 ans pour qu’on connaisse un successeur à Electric Messiah, album qui leur a valu un Grammy. High on Fire revient avec un neuvième album, à la fois gras, boueux, puissant furieusement rock n’roll mais qui accorde des moments plus inattendus et légers. Aidés d’un nouveau batteur hyper solide, les californiens appuient sur le charisme de l’indéboulonnable Matt Pike et son chant presque lemmyesque ainsi que ses riffs bien copieux. Mené tambour battant, ce Cometh the Storm s’avère être une pièce de choix dans l’année stoner/sludge.
#60 Coilguns – Odd Love (Humus Records) (Suisse)
Quelques mois après un split album avec Birds in Row, Coilguns revient avec un nouvel album incendiaire. Plus feu de révolte déclenché par un cocktail molotov ou œuvre d’un pyromane révolté que feu de briquet à la Johnny, c’est un vrai brasier tant au niveau de la musique que des paroles que les helvètes ont allumé. Entre noise et post-hardcore, Odd Love nous gratifie d’un core magnifiquement ciselé avec, dans l’ADN, du Refused ou même du Deftones. Riffs abrasifs, plan de batterie précis, chant habité, constat implacable sur notre monde apocalyptique et mélodie immédiate, Coilguns livre un des meilleurs albums du genre de l’année.
#59 Slift – Ilion (Sub Pop) (France)
La pochette avec des êtres chelous qui crachent des spaghettis à la tomate a de quoi déconcerter. Et pourtant derrière se cache la nouvelle livraison de Slift, groupe toulousain de stoner signé chez Sub Pop (oui, le mythique label de grunge, excusez du peu). Il faut dire que le combo de mangeurs de chocolatines (car oui, on dit chocolatine et puis c’est tout!) repense les lignes du stoner et de mur de son, prêt à les repousser à grands coups de lignes de grattes inventives mais surtout grâce à un batteur chirurgical, d’une grande finesse tout en possédant un groove immédiat et entêtant. Avec sa générosité, son talent de composition, son chant massif, Slift appelle les qualificatifs les plus dithyrambiques et pose comme un nouveau poids lourd de la scène stoner hexagonale.
#58 Anciients – Beyond the Reach of the Sun (Season of Mist) (Canada)
Depuis 8 ans, ils n’avaient rien sorti et les Canadiens d’Anciients reviennent pour un troisième album, orné d’une pochette magnifique et un petit changement de line-up avec de la nouveauté à la basse et à la seconde guitare. Compact, homogène, ce troisième effort est pour autant riche dans ses expérimentations et varié dans ses ambiances, créatif, puissant. La section rythmique livre une prestation 5 étoiles, tout est fin et carré et le chanteur offre une palette très riche, le tout sublimé par une production au cordeau.
#57 In Vain – Solemn (Indie Recordings) (Norvège)
Six ans après le très bon mais un poil trop simple Currents, In Vain sort un cinquième album, fidèle à un death progressif riche. Avec des morceaux dans l’ensemble plutôt longs, In Vain se fait plaisir avec des compositions hyper complexes, flirtant même parfois avec le jazz avec des placements de cuivre hyper léchés. Niveau chant, le duo chant clair/chant guttural fait des merveilles, et que dire des lignes de basse ou du travail de cogneur de Tobias Solbakk le tout magnifié par une production à la hauteur. Tous les ingrédients sont réunis pour que Solemn soit une vraie claque et c’est exactement le cas.
#56 Sólstafir – Hin helga kvöl (Century Media) (Islande)
Près de trente ans après sa formation, Sólstafir sort un huitième album. Quatre ans après un Endless Twilight of Codependant Love certes beau mais un brin chiant, les Islandais sortent un disque nettement plus varié, toujours empreint d’une mélancolie viscérale. Est-ce les sorties de Bastarður et Isafjørd qui ont ragaillardi Aðalbjörn Tryggvason? Toujours est-il que le frontman de Sólstafir semble plus inspiré. Le quatuor opère à deux reprises un retour à ses racines black metal/punk, des plages rock énergiques et d’autres plus ancrées dans le post-metal qui fleure bon les paysages d’Islande. Riche et varié, Hin Helga Kvöl est une nouvelle sortie solide pour un groupe qui a souvent fait dans la bonne qualité d’ensemble.
#55 Could Seed – The Drop Crisis (Klonosphere) (France)
Après un premier EP, les manceaux de Could Seed (au sein duquel on trouve des anciens de HamaSaari) ont signé chez Klonosphere. Entièrement instrumental, The Drop Crisis propose un post-rock/post-metal aux inspirations psychédéliques et offrant une vraie expérience de lâcher prise tant la musique de Could Seed est immersive. Entre Elder, Mogwai et God Is An Astronaut, Could Seed transporte loin l’auditeur vers de nouveaux rivages. Superbement produit, tout en puissance et paradoxalement en délicatesse, The Drop Crisis fait du bien.
#54 The Linda Lindas – No Obligation (Epitaph) (Etats-Unis)
Deux ans après un très bon premier album validé par des pointures comme Morello, les Linda Lindas sortent déjà un deuxième album voué à connaître la même destinée. Bela Salazar, Eloise Wong et les sœurs Lucia et Mila De La Garza, toutes quatre âgées de 14 à 20 ans montrent encore une fois une impressionnante maturité de composition. À la fois engagé, intelligent, bardé de tubes en puissance irrésistibles, entraînants et entêtants, No Obligation est une bouffée d’air frais (sans compter la qualité de production de papa De La Garza), un petit bijou punk/pop-punk garage convoquant l’esprit de groupes comme Go Betty Go. C’est dépourvu de la moindre faute de goût, enthousiasmant de la première à la dernière note et ça réussit à faire mieux que l’album précédent.
#53 Seth – La France des Maudits (Season of Mist) (France)
Un album sorti symboliquement le 14 juillet, un personnage de bourreau armé d’une faux regardant Paris, Seth avait encore une fois des choses à dire et les dit à sa manière sans prendre de gants. 3 ans après l’excellent La Morsure du Christ et sa pochette incendiaire, la bande à Alsvid sort un 7ème album toujours marqué de ce metal noir baroque et théâtral, savamment orchestré avec cette ambiance de Révolution qui colle à l’actualité du pays et porté une nouvelle fois par un Saint Vincent en feu. Avec la majesté qui caractérise son œuvre, Seth livre encore une fois un monstre, un album d’une grande richesse.
#52 The Foreshadowing – New Wave Order (Lifeforce Records) (Italie)
L’an dernier, The Foreshadowing rompait un silence de 7 ans avec le magnifique EP Forsaken Songs, regroupant des chansons inédites conçues durant les albums passés. Cette fois, The Foreshadowing revient avec un cinquième album et enfin de nouvelles compositions. Durant cinquante minutes, les romains nous offrent du gothic metal de grande classe avec ambiance raffinée et mélancolique, des compositions au cordeau, de superbes lignes de guitares et puis ce chant magnifique de Marco Benevento qui prête à penser à du Stainthorpe ou du Ribeiro. Sans connaître la renommée de My Dying Bride ou de Moonspell, The Foreshadowing se pose, avec New Wave Order, en potentiel cador.
#51 Big Scenic Nowhere – The Waydown (Heavy Psych Sounds) (Etats-Unis)
Big Scenic Nowhere est de retour avec un troisième album. Les morceaux ici ont été enregistrés entre 2018 et 2021 pour une bonne partie. Le jam band réussit pourtant à marquer une hausse de niveau depuis les livraisons précédentes. Le stoner de Big Scenic Nowhere est dangereusement riffu, hypnotique, envoûtant, psychédélique avec des envolées que n’aurait pas renié Monster Magnet. On se prend en pleine gueule un trip orgasmique dans l’espace. Allez les gars, resservez-nous une dose très vite.
#50 Norah Jones – Visions (Blue Note) (Etats-Unis)
Cela faisait un moment que je ne m’étais pas penché sur un nouvel album de Norah Jones, depuis Little Broken Hearts, très sympathique mais pas mon préféré. Bien m’en a pris car Visions est un album solaire, une vraie bouffée de vitamine D, un disque parfait pour les balades avec les premières météos estivales. Norah Jones fait des incursions dans la pop, le rock voire un peu de folk et de soul dans son jazz et fait à chaque fois preuve d’une élégance éclatante. Bardé de tubes, de mélodies entraînantes, de refrains immédiats, avec des touches de guitare électrique ou d’orgue Hammond, intimiste et fédérateur, Visions est sans conteste un des meilleurs albums d’une Norah Jones flamboyante et généreuse.
# 49 ex aequo Eye – Dark Light (New Heavy Sounds) (Pays de Galles)
Chanteuse du combo de stoner/sludge/doom Mammoth Weed Wizard Bastard, Jessica Ball s’est lancée dans un nouveau projet à la suite de la maladie de son ami proche Paul Davies. Épaulée du producteur Chris Fielding (MWWB, Conan), Ball livre une musique planante entre dreampop, dark folk et des groupes comme Mazzy Star et Portishead à coups de nappes éthérées et portée par la voix délicate de Ball. Difficile de ne pas se laisser porter.
# 49 Ellereve – Funeral Songs (Eisenwald) (Allemagne)
Un an après son dernier album aux influences post-rock, Ellereve ressort ses chansons en mode acoustique et nous offre un véritable moment suspendu, un album cocon où il fait bon se lover en hiver, porté sur sa voix d’ange et des mélodies qui rentrent instantanément en tête. Difficile de ne pas être bercé par cette dark folk solaire et empreinte d’une douceur mélancolique.
#48 Lucifer – Lucifer V (Nuclear Blast) (Allemagne/Angleterre/Suède)
On aurait pu croire que Nicke Andersson allait se consacrer uniquement aux Hellacopters après leur retour fracassant de ces derniers en 2022. Que nenni, son autre projet Lucifer revient, trois ans après le 4ème opus. De moins en moins sous influence doom, le combo germano-anglais désormais basé à Stockholm assume plus son côté occult/hard rock entre Black Sab’ et Blue Oÿster Cult et si la voix de Johanna Sadonis est toujours aussi envoûtante et pleine de ce charme vénéneux de prêtresse satanique, les riffs d’Andersson, gorgés de cette énergie des Hellacopters sont lumineux et entraînants, sans parler de son jeu de batterie bien rentre dedans. Encore une fois, Lucifer monte le curseur au niveau de la qualité pour nous offrir un gros morceau de bravoure qui s’installe direct comme un des gros coups de cœur de l’année.
#47 ex aequo Inner Landscapes – 3h33 (Klonosphere) (France)
Julien Gachet, Alexandre Covalciuc et le bassiste Thibaud Bétencourt jouaient depuis 18 ans ensemble quand, en 2020, ils intègrent le batteur Adrien Bernet, venu du jazz. Il faudra attendre 4 ans pour qu’Inner Landscape sorte son premier album chez Klonosphère. 4 ans et un drame difficile vécu par Julien Gachet, au chevet de son père malade jusqu’à la mort de ce dernier à 3h33. Cette tragédie est au cœur même de ce premier album très personnel et, au chant de Gachet, on ressent qu’il a mis ses tripes. Le chant growlé empreint de colère et de tristesse est compensé par des compositions d’une intelligence et d’une finesse rares, les lignes de cordes sont tout en subtilité et le jeu de batterie, très élégant, impressionne. Bijou de sensibilité, le post-hardcore/post-metal d’Inner Landcape fait des merveilles et 3h33 sera à n’en pas douter l’un des meilleurs albums du genre cette année.
#47 Julie Christmas – Ridiculous and Full of Blood (Siviana / Red Creek) (Etats-Unis)
Deuxième album solo pour Julie Christmas, chanteuse qui s’est fait un nom, d’abord au sein du groupe de noise rock Made Out of Babies puis dans le supergroupe de post-metal Battle of Mice avant une collaboration avec Cult of Luna. Cette fois, elle s’entoure de musiciens comme Johannes Persson (qui nous gratifiera d’un superbe duo de voix) de Cult of Luna ou Andrew Schneider de KEN Mode. Entre noise rock, post-rock, post-metal et un peu de pop, Julie Christmas nous livre une musique bipolaire où la douceur se dispute avec l’agressivité, la vocaliste montrant une capacité très impressionnante à varier les registres. Qu’elle berce ou qu’elle éructe dans la seconde qui suit, Julie Christmas ne nous offre pas un voyage linéaire mais plutôt chaotique comme un ensemble de personnalités différentes au sein d’une même femme. Et ça marche à merveille.
#46 ex aequo They Came From Visions – The Twilight Robes (Eisenwald) (Ukraine)
Depuis deux ans, dire que l’Ukraine connaît un contexte anxiogène relève de l’euphémisme. Depuis que Poutine a décidé d’envahir le pays avec toute sa puissance militaire, le quotidien des Ukrainiens est réglé au rythme de quartiers détruits, de crimes de guerre, de contre-attaque face à l’occupant et de la litanie des proches brutalement fauchés. Un contexte de terreur permanente où la création elle-même est un acte de résistance. Malgré ça, le tout jeune groupe They Came From Visions a réussi à sortir un deuxième album, où l’influence de Drudkh n’est pas loin. Un album à la fois épique et glaçant, qui réutilise de manière cathartique le contexte glaçant dans lequel vit le groupe pour en sortir un album viscéral, lugubre et où la folie n’est pas loin.
#46 Salò – L’appel du Néant (Source Atone Records) (France)
Après un EP remarqué, les Cherbourgeois Salò déboulent avec un premier album comme une déclaration de guerre mais à la russe avec pilonnage de la première à la dernière minute. Dans un style proche de Pilori, Salò balance un mélange entre crust, black metal et un peu d’indus, le tout pour un album d’une violence inouïe et d’une noirceur insondable renforcée par l’ajout de samples de films comme 13 Tzameti et de passages d’œuvres comme 1984 et La Servante Écarlate. L’appel du Néant ne fait pas spécialement dans la joie de vivre jusqu’aux invités, Diego Janson de Karras et Manon de Mütterlein qui finissent d’enfoncer le clou. A côté, Soulages, c’est aussi coloré que Gauguin.
#45 Givre – Le Cloître (Eisenwald) (Canada)
Le trio de Rouyn-Noranda très porté sur l’histoire religieuse revient deux ans après Destin Messianique. Sur Le Cloître, Givre raconte des histoires de saintes et leur rapport à la souffrance. De la poésie symboliste d’Hildegard Von Bingen à l’histoire dérangeante de Marthe Robin, les paroles sont tirées des hagiographies de 6 saintes pour relater les aspects les plus austères de la foi et le rapport à la douleur. Rien de bien joyeux donc et c’est retranscrit dans un black metal tourmenté, tour à tour atmosphérique et contemplatif et sauvage et limite flippant avec des vocalises parfois presque fantomatiques et des samples qui renforcent l’aspect dérangeant et presque malsain. Le tout pour un album immersif, intransigeant et prenant de bout en bout.
#44 Mork – Syv (Peaceville Records) (Norvège)
Thomas Eriksen, chanteur/toutiste de Mork a encore frappé, un an après Dypet et quelques mois après la déflagration de son autre projet Udåd (c’est à se demander si le type dort ou s’il fait encore plein d’activités). Mais hyper-productivité ne veut pas dire baisse d’inspiration ou de qualité, loin de là. Et une nouvelle fois, le septième opus de Mork est du travail d’orfèvre, bijou d’un black metal pur jus, parfois brut, parfois mélancolique, parfois crade et glauque, mais sans la moindre faute de goût et toujours sincère. Un black metal inspiré, inspirant, fort, varié, au riffing tranchant et à l’atmosphère soignée. Le tout finit avec une plage acoustique du plus bel effet. Eriksen sait décidément tout faire.
#43 Akhlys – House of the Black Geminus (Debemur Morti Productions) (Etats-Unis)
Quatre ans après le traumatisant Melinoë, Akhlys refait surgir de la partie la plus noire de notre subconscient un quatrième album, un aboutissement d’un travail commencé avec le premier effort Supplication en 2009. Depuis, le one-man band est devenu trio et la bête prend sa forme finale, un album encore plus flippant, sombre et violent que son prédécesseur, un album où les phases permettant de reprendre son souffle sont rare. Avec l’appui d’une section rythmique qui multiplie les coups de boutoir et offre un rendu glacial quasi indus, Akhkys livre un album à l’ambiance cauchemardesque où le chant torturé de Nass Alcameth finit d’achever ce sentiment d’angoisse primitive. Avec ce nouvel album, Akhlys se hisse dans le cercle fermé de ceux qui pousse la dissonance dans ses derniers retranchements (et nous avec).
#42 Godspeed you Black Emperor – No Title As Of 13 February 2024 28,340 Dead (Constellation) (Canada)
Enregistré pendant ce qui fût appelé l’hiver des bombes et alors que le Proche-Orient sombrait dans l’horreur totale, le huitième album des révolutionnaires du post-rock Godspeed You! Black Emperor est chargé de ce contexte douloureux et ce, dès le titre faisant référence au nombre de gazaouis morts au moment de la création de l’album avec pour postulat « Chers fans, beaucoup de sang a été versé de l’autre côté du monde, vous n’aurez pas droit à un titre ». La musique des Canadiens s’en fait donc l’écho. Une musique à la fois lourde, massive, parfois répétitive avec des plages atmosphériques empreintes d’une profonde mélancolie. Pas de fausse note, juste une orchestration intelligente et toute en justesse et une superbe exécution. Pas besoin de paroles, la musique se suffit pour retranscrire l’horreur de ce monde.
#41 Ulcerate – Cutting the Throat of God (Debemur Morti Productions) (Nouvelle-Zélande)
Quatre ans après Stare into Death and be Still, Ulcerate revient avec un 7ème album, le deuxième chez Debemur Morti (gros coup du label de les avoir signé). Le trio n’a pas l’intention d’adoucir son death metal technique dissonant à souhait et à l’ambiance malsaine au possible. Ne cherchez pas la zone de confort dans la musique de Ulcerate, il n’y en a pas une once. Au milieu de ce tourbillon vertigineux l’indétrônable Jamie Saint Merat qui, quelques mois après son autre groupe Verberis, livre une nouvelle prestation impériale aux fûts, toujours aussi créatif et complexe, se posant comme l’un des meilleurs dans son registre. On peut mentionner les riffs lugubres et anxiogènes de Michael Hoggard ou le growl rageur de Paul Kelland. Encore une fois, Ulcerate livre un album compact, dense et hyper glauque. On plonge dans les marécages putrides et quand on pense sortir la tête, on est happé tout au fond par un monstre d’un autre âge, un monstre du nom de Cutting the Throat of God.
#40 Chelsea Wolfe – She Reaches Out To She Reaches Out To She (Loma Vista) (Etats-Unis)
Ce qui est bien avec Chelsea Wolfe, c’est que la routine n’existe pas, les albums se suivent et ne se ressemblent pas. Après un album dark folk et un autre avec Converge, elle revient dans un registre art rock/expérimental, un brin folkisant dans l’esprit et avec des touches d’indus. Sur She Reaches To She Reaches Out To She, on croirait entendre au niveau de la musique du Björk de la grande époque avec cette pop électro chaotique, avec bien sûr la sublime voix de Chelsea Wolfe qui donne un donne un côté crépusculaire et désenchanté à l’ensemble.
#39 Inter Arma – New Heaven (Relapse Records) (Etats-Unis)
Difficile de catégoriser la musique d’Inter Arma tant le combo mélange les genres, notamment dans ce 6ème album où se bousculent un sludge boueux, noir, chaotique, des accents death et l’instant d’après, des moments suspendus, des arpèges planants et prenants dans un style plus post-metal. New Heaven c’est cette dichotomie permanente entre émotions extrêmes, à l’image de la batterie au registre très varié et fin, des lignes de guitare tour à tour torturées et pleines de légèreté, du chant qui nous ferait presque flipper au début et pleurer à la fin. Chaos et harmonie, à l’image de l’homme et de notre époque.
#38 Tomorrow’s Rain – Ovdan (AOP Records) (Israël)
A l’image du nom du groupe et de la pochette de l’album, on peut se douter que le deuxième album de Tomorrow’s Rain ne fera pas dans la gaudriole. Et en effet, Ovdan est à l’image de la météo de 2024 : pas hyper jouasse. Un condensé de doom mêlé de black mais aussi avec des incursions de gothic, des ambiances plombantes magnifiées par une orchestration au cordeau et des invités de renom, que ce soit Attila Csihar de Mayhem, Andreas Vingback de Dark Funeral, Tony Wakeford de Sol Invictus, Michael Denner de Mercyful Fate, King Diamond ou encore Ben Christo des Sisters of Mercy. Le buffet est bien dressé, il est garni et malgré l’ambiance pesante, le repas est non seulement copieux mais d’excellente qualité. Un must.
#37 Vestige – Janis (Season of Mist) (France)
Premier album pour Vestige, groupe alliant un metal bien lourd, moderne mais pas que et shoegaze. Teasé par deux EP, Janis est sans compter l’un des tours de force de la pourtant extrêmement riche et foisonnante nouvelle scène alternative française. Ici, on côtoie Hangman’s Chair, des growls de death moderne et des élans lyriques fortement influencés par Deftones. Tour à tour atmosphérique, hyper planant ou tout en puissance et en agressivité, Janis est l’œuvre d’un groupe qui ne cherche pas un chemin mais les prend tous à la fois et dispose d’une assez grande maturité de composition et de talent pour que ça fonctionne parfaitement et avec une précision chirurgicale. La présence de Neige d’Alcest dans un registre rugueux n’est pas un hasard tant par moments, on croirait être sur les terres des Discrets. On pourrait citer également Opeth dans les influences sans que ça fasse name-dropping injustifié. Janis empile et digère les influences les plus prestigieuses. Vestiges est d’ores et déjà un nom à retenir tant le groupe a de quoi marquer les esprits.
#36 ACOD – Versets Noirs (Hammerheart Records) (France)
Nouveau label pour ACOD (après Les Acteurs de l’Ombre, ils ont signé chez Hammerheart) et qui dit nouveau label dit nouvel album. Les voilà donc qui sortent un 5ème album, deux ans après Fourth Reign Over Capacity and Beyond. Le duo est accompagné pour l’occasion de Nicolas « Ranko » Muller (ex-Hyrgal, ex-Otargos, ex-Svart Crown) aux fûts. ACOD ne fait pas les choses à moitié et commence Versets Noirs avec un monolithe de 20 minutes de pur blackened death envoyé en pleine gueule de l’auditeur et à peine on a le temps de se remettre que le reste de l’album s’avère tout aussi puissant et implacable tout en restant très mélodique. Pour son cinquième, ACOD montre d’avantage les muscles et ils sont suffisamment saillants pour ne pas se faire prendre de haut par les cadors du genre.
#35 Griffon – De Republica (Les Acteurs de l’Ombre) (France)
Troisième album pour Griffon. Griffon s’inscrit dans cette black metal littéraire qui nous abreuve de superbes albums, à l’instar d’Abduction l’an dernier. Férus d’Histoire, les quatre parisiens nous parlent d’évènements historiques pour faire échos à l’actualité, qu’ils évoquent Jaurès, la laïcité, la répression étatique disproportionnée, les aspirations révolutionnaires du peuple ou celles des présidents de la Vème République à un statut de quasi-monarque. Les textes sont intemporels et la qualité d’ensemble de la musique décuple leur puissance évocatrice.
#34 Trelldom – …by the Shadows… (Prophecy Records) (Norvège)
Ça faisait 17 ans que Trelldom n’avait pas sorti un album. Les vétérans du black metal norvégien formés au tout début de la deuxième vague du genre reviennent aux affaires avec un quatrième album, un album qui a décontenancé les fans, certains s’étant même mis à fondre dès les premières mesures. Il faut dire que la bande à Gaahl a recruté un nouveau batteur, que le bassiste est devenu gratteux et que Kjetil Møster est venu en renfort pour jouer du saxophone et de la clarinette et ça change tout car le black metal froid se pare de textures free/acid jazz déstructuré et d’un côté franchement expérimental. Le résultat est un album étrange, psychédélique et passablement barré qui ne va pas plaire à tout le monde mais qui ose, se montre audacieux, ambitieux et passionnant.
#33 Verberis – The Apophatic Wilderness (Norma Evangelium Diaboli) (Nouvelle-Zélande)
Seulement deux ans se sont écoulés depuis Adumbration of the Veiled Logos et son monumental morceau final de 20 minutes que débarque The Apophatic Wilderness, troisième méfait de Verberis, tournant autour de thématiques occultes complexes. Encore une fois, on est face à un blackened death tortueux aux riffs vertigineux et tourbillonnant, à la basse menaçante, aux vocalises habitées et surtout avec le travail monstrueux de Jamie Saint Merat aux fûts. Ancien cogneur de 8 Foot Sativa et en exercice chez Ulcerate, il allie le bourrinage massif à une certaine subtilité, de la classe et de la technique. A eux quatre, les mecs accouchent d’un nouveau Leviathan colossal, compact et monstrueux taillé pour broyer les os en poudre et transformer les pits en cendriers.
#32 Job for a Cowboy – Moon Healer (Metal Blade) (Etats-Unis)
10 ans que les poids lourds du death progressif Job For a Cowboy n’avaient pas sorti de disque. 10 ans, ce qui n’empêche pas le combo de jouer la carte de la continuité et c’est tout naturellement qu’à un Sun Eater réponde un Moon Healer. Avec sa pochette bien perchée, on se doute qu’on ne va pas se trouver avec un skeud de death lambda et, bonne nouvelle, on en a pour notre argent. La production est superbe, les partoches ce qu’il faut de tarabiscottées, la doublette Alan Glassman/Tony Sannicandro nous offre de monstrueuses démonstrations de force à la six-cordes, mais surtout le bassiste Nick Schendzielos balance des plans de classe mondiale. Après 10ans, Job For A Cowboy revient avec un album à la hauteur de son statut, musclé comme il faut.
#31 JD Simo & Luther Dickinson – Do the Rump! (Forty Below Records) (Etats-Unis)
Guitariste de sessions au CV énorme, JD Simo a pris du galon d’abord avec son groupe Simo avant de se faire une carrière solo en enquillant pépite sur pépite. Cette fois, il s’allie à Luther Dickinson, guitariste qui a bossé avec le jazzfusionneux de Gutbucket, le combo blues/southern North Mississipi Allstars, ou encore sur le très bon Warpaint des Black Crowes. Le duo de six-cordes s’entend à merveille et ça se sent au fil de cet album groovy à souhait où Simo nous gratifie encore une fois de son toucher unique. Réunion au sommet de deux tueurs à la guitare qui mériteraient une plus grande exposition, Do the Rump est un bonbon pour les oreilles.
#30 Concrete Age – Motherland (Soundage Productions) (Angleterre)
Il aura fallu à peine plus d’un an pour que Concrete Age donne un successeur à l’excellent Bardo Thodol. Et vu la qualité d’ensemble, c’est à se demander si les mecs ont dormi ne serait-ce qu’une nuit, entre les concerts et l’enregistrement, tant, encore une fois, le travail sur les arrangements et la production ainsi que sur la richesse de l’orchestration est colossal. Sur ce huitième album (en 14 ans de carrière, excusez du peu), Concrete Age continue dans sa synthèse entre ethno-thrash, death et folk metal avec des inspirations slaves et balkaniques. Fiers de leur terre d’origine du kraï de Stravopol (région de Russie proche de la Georgie et peu éloignée de l’Azerbaïdjan), les quatre russanglais mêlent orchestration classique du metal à des instruments comme l’oud ou l’accordéon. Si les parties death sont un brin moins nombreuses que sur Bardo Thodol (ils demeurent néanmoins puissants, lourds et rugueux), on retrouve quelques pointes de power metal pour donner aux morceaux un caractère épique. Les grincheux diront que le groupe n’invente rien car Sepultura avait tout inventé à l’époque, on n’est pas dans la même catégorie et on retrouve l’aspect foutraque et innovant de Bloodywood entre autres. Avec ce nouvel album, le quartette continue de tracer son sillon dans une voie qui est la sienne, débordant d’énergie communicative, variant sans cesse les tonalités entre grandiloquence et ambiances très dansantes (impossible de résister à l’envie de bouger son cul) et moments plus bruts de décoffrage. Redéfinissant les contours du metal extrême, Concrete Age propose une musique foisonnant d’idées et passionnante de bout en bout, où Emir Kusturica et Orphaned Land aurait partouzé joyeusement et encore une fois, c’est un condensé d’euphorie galvanisante qui mériterait une bien plus large exposition.
#29 ex aequo Pallbearer – Mind Burns Alive (Nuclear Blast) (Etats-Unis)
Cinquième album pour Pallbearer, groupe qui s’est installé peu à peu comme une valeur sûre de la scène doom américaine. Au menu, Pallbearer nous propose des compositions racées, élégante prenant leur temps, bardée de riffs et d’envolées lyriques et servant d’écrins à la voix puissante et chaleureuse de Brett Campbell, faisant de chaque morceau une bombinette en puissance, le tout au service d’un doom flamboyant et fédérateur multipliant les instants de grâce pure.
#29 Monkey 3 – Welcome to the Machine (Suisse) (Napalm Records)
Cinq ans après Sphere, Monkey 3 revient dans un cube pour Welcome To The Machine, où la machine en question s’avère une métaphore de l’IA et son emprise catastrophique sur le monde. Avec son ambiance SF hyper soignée, ce 8ème album s’inspire de films comme 2001, Matrix ou encore 1984. Dans ce contexte, le stoner/space-rock instrumental et progressif du groupe fonctionne à merveille, le combo n’hésitant pas à piocher dans des influences floydiennes pour nous délivrer une musique spectaculaire et cinématographique où les musiciens rivalisent d’élégance et d’inventivité. On a un vrai bouquet final sonore bardé d’envolées et de riffs sublimes.
#28 Grumpster – Grumpster (Etats-Unis) (Pure Noise Records)
On a beau se dire que la Californie possède l’un des plus grands viviers de talents musicaux (au point qu’il semble inépuisable), on arrive toujours à dénicher un groupe qui va coller une plus grosse branlée que les autres. C’est le cas de Grumpster, groupe d’Oakland qui sort son troisième album en seulement quelques années d’existence. Si Grumpster parle essentiellement de santé mentale et de sujets douloureux et personnels, le groupe ne le fait pas de manière plombante mais opte pour un pop-punk garage enthousiasmant, blindé de mélodies imparables, de refrains immédiats qu’on a envie de chanter. Si l’ensemble peut paraître classique, le chant comme les riffs qui récitent à la fois la grammaire pop-punk mais aussi celle du rock alternatif des 90s font de cet album éponyme une succession de perles qu’on pourrait écouter 100 fois sans se lasser.
#27 Oranssi Pazuzu – Muuntautuja (Nuclear Blast) (Finlande)
Depuis ses débuts, Oranssi Pazuzu s’est démarqué par un black metal complètement jeté, hyper hostile et expérimental. Après plusieurs albums avec de fortes inclinaisons psychédélique 70s, sur Muuntautuja, son sixième album, le groupe opte pour une orientation indus glaciale avec des touches d’un electro planant mais aussi étrange. Par moments éthérée, la musique d’Oranssi Pazuzu devient brutale, violente avec des vocalises de fou furieux. Blut Aus Nord et Deathspell Omega ne sont pas loin. Le tout se concluant par un instrumental étrange. L’album le plus étrange, le plus dérangeant mais aussi le plus fouillé de l’année? Il est ici.
#26 ex aequo Botanist – Paleobotany (Prophecy Productions) (Etats-Unis)
La sphère post-black a beau proposer des groupes qui essaient de défricher de nouveaux territoires, Botanist fait partie des OVNI même pour cette scène. Et pour cause, non seulement le sujet du groupe, c’est essentiellement la botanique mais en plus, le groupe n’a aucun guitariste et préfére le dulcimer, un instrument à cordes frappées proposant des accords tout en nuance. Mariant chant clair et growl, boosté par une basse virevoltante et un jeu de batterie tout en subtilité, Paleobotany impressionne par la richesse des compositions qu’offre le dulcimer mais aussi la qualité d’ensemble au service d’une écriture soignée. Passionnant dans la forme et le fond, foisonnant d’idées, Paleobotany est une œuvre complexe et généreuse tout en se montrant accessible. Botanist assied définitivement son statut de formation à part.
#26 Ershetu – 黄泉 / Yomi (Debemur Morti Productions) (France)
Un an après l’excellent Xibalba, Ershetu revient avec un deuxième album, toujours chapeauté par Void. Cette fois, c’est sans Lazare de Borknagar, Vindsval (Blut Aus Nord, Forhist) prenant le micro, en plus de la basse et de la guitare. Ershetu continue son exploration de tout ce qui touche à la mort dans les pays étrangers et s’intéresse cette fois au royaume des morts japonais. Pour coller au mieux au sujet, le groupe inclut des instruments traditionnels comme le koto, le shamisen et la flûte shakuhachi. Comme pour le premier album, Ershetu propose un travail fouillé, passionnant de bout en bout et musicalement immersif.
#25 Fazi – Folding Story (Pelagic Records) (Chine)
Quand on pense à Pelagic Records, on pense à des genres comme du post-metal, du metal/rock prog plutôt fort et cinématographique. Mais parfois, y a des ovnis comme les chinois de Fazi qui sortent leur 5ème album. Folding Story mêle des éléments post-punk, post-rock, psyché et une énorme dose d’ambient de dream pop. Le résultat, un monument de douceur ouatée, un album cocon taillé pour braver le froid de l’hiver, un album où se sent bien au chaud.
#24 Envy – Eunoia (Temporary Residence Limited) (Japon)
Quatre ans après le sublime The Fallen Crimson, Envy revient avec un neuvième album, moins mélancolique, plus intimiste mais toujours à la pointe de leur post-hardcore/post-rock/post-metal/post-à souder/post tout ce que vous voulez. Encore une fois, ce qui impressionne, c’est la capacité de switcher d’une ambiance à l’autre, de l’énervé au contemplatif, du rugueux au planant avec toujours cette envie d’innover leur musique. Bien sûr, tout ça est aidé par le chant unique de Tetsuya Fukagawa, aux variations de la triplette Nobukata Kawai / Tsuyoshi Yoshitake / Yoshimitsu Taki à la gratte et de Manabu Nakagawa à la basse ou encore d’un Hiroki Watanabe chirurgical aux fûts mais surtout à cette cohésion, cette envie d’avancer ensemble qui fait de chaque album d’Envy une expérience unique.
#23 Blood Incantation – Absolute Elsewhere (Century Media) (Etats-Unis)
Tangerine Dream sur un album de death? Rares sont les groupes de la scène qui pourraient faire une telle collaboration et Blood Incantation en fait partie. Devenu, en quelques albums, un combo phare de la nouvelle génération du death américain, Blood Incantation se distingue par cette volonté d’explorer des territoires plus larges que le simple death. Entre death classique et prog à la lisière du space rock, ce troisième opus s’articule autour de deux gros morceaux découpés chacun en trois pièces où le growl, le blast beat et les gros riffs sont entrecoupés de plages méditatives où peuvent s’exprimer des musiciens comme Thorsten Quaeschning (Tangerine Dream) ou Nicklas Malmqvist (Hällas). Pas toujours facile d’accès, d’une beauté folle, évoluant entre les entrailles de la Terre et les espaces infinis du cosmos, Absolute Elsewhere est un album passionnant, foisonnant d’idées et hyper audacieux et ambitieux, à la hauteur du statut de ce groupe déjà incontournable.
#22 Snuff – Off On the Charabanc (10 Past 12 Records / SBÄM Records) (Angleterre)
Avec une belle régularité qui n’entache en rien la qualité d’ensemble, les londoniens de Snuff sortent un nouvel album chaque année. Après un album entièrement acoustique, ils offrent une galette moitié électrique moitié unplugged. Si la partie électrique est plutôt riche et variée entre punk hardcore véloce et punk mélodique prenant et blindé de tubes en puissance aux refrains immédiats, la moitié acoustique prend littéralement aux tripes et actionne la machine à frissons avec un final splendide. Meilleur album de punk de l’année.
#21 Jerry Cantrell – I Want Blood (Auto-production) (Etats-Unis)
Trois ans après Brighten, Jerry Cantrell revient avec un nouvel album. Loin de la folk/americana brillante sur l’album précédent, celui qui est le cœur même d’Alice In Chains revient avec une musique qui rappellera aisément celle de son groupe (et en attendant ou espérant un successeur à Rainier Fog, ça fait du bien). Accompagné de Greg Puciato aux chœurs, de Duff McKagan et Robert Trujillo à la basse, de Gil Sharone (Team Sleep) et Mike Bordin (Faith No More) à la batterie, Cantrell nous propose des petites bombinettes d’un grunge bien plombé. Le son d’Alice in Chains, groupe le plus obscur et torturé de la scène grunge est là. La voix et les riffs typiques de Cantrell font des merveilles. Toute la noirceur charbonneuse du bonhomme transpire à chaque note. Compositeur hors-norme et hors pair, gardien du temple du son authentique des 90s, figure totémique du grunge canal historique, Jerry Cantrell assied encore plus son statut incontestable. Le grunge n’est pas mort et des albums comme I Want Blood s’en assurent.
#20 Benighted – Ekbom (Season of Mist) (France)
Le syndrome d’Ekbom est une maladie rarissime où le sujet est fermement convaincu que des parasites voire des insectes grouillent sur et/ou sous sa peau, se plaint d’un prurit permanent et peut souffrir de lésions cutanées parfois sévères causées par les démangeaisons. Bon appétit et bienvenue dans l’univers chamarré de Benighted, titans du brutal death/grindcore français depuis plus de 25 ans. Emmenés par Julien Truchan, infirmier psychiatrique de son état, les stéphanois n’ont pas leur pareil pour concevoir des albums autour d’histoires de pathologies mentales. Encore une fois, l’ambiance est délicieusement glauque dès les premières notes. Encore une fois aussi, le groupe pousse encore le curseur dans le malsain mais aussi dans la qualité d’écriture et la technique. Aux fûts depuis deux albums maintenant, Kévin Paradis (ex-Svart Crown, ex plein de groupes, son CV est juste dingue) livre encore un monument de brutalité tout en gardant une profonde finesse. Rapidité, changement, break, frappe avec une précision de chirurgien, tout y passe et encore une fois, on a à faire à un des meilleurs batteurs français en exercice. La paire guitare/basse d’Emmanuel Dalle et Pierre Arnoux nous livre des partoches vertigineuses. Et puis, il y a Julien Truchan et sa palette vocale dingue entre growl, death growl, grunt, pig squeal et d’autres. Sa panoplie est telle que le mec semble en featuring avec lui-même. On pourrait aussi dire qu’il fait du dave growl tant non seulement sa technique vocale est variée mais en plus, c’est un mec humble, abordable et hyper cool (en plus, le gars est gaulé comme un char d’assaut, comme quoi on est pas tous faits pareil). Si c’était pas assez brutal, Benighted a convié Oliver Rae Aleron d’Archspire, le Busta Rhymes du death au growl supersonique et Xavier Chevalier des death/grindeux de Blockheads pour se joindre aux réjouissance. Le tout pour un sommet, une bombinette de death brutal finement écrit et impossible à égaler cette année.
#19 Bokassa – All Out of Dreams (Indie Recordings) (Norvège)
Le groupe préféré d’Ulrich, mis en lumière en étant première partie de Metallica est de retour pour nous coller des eargasms à la pelle. Les rois du stoner-punk se baladent uniquement vêtus de leur couronne et les couilles à l’air et ils ont raison. Leur mélange de stoner brut de décoffrage, de pur rock n’ roll lemmyesque et de punk hardcore in your face continue de faire des ravages dans les oreilles et les calbuts. Hyper pêchu, galvanisant, créatif, n’hésitant à mettre des morceaux de keupon pur jus, All Out of Dreams collerait la banane à un comptable et une trique de brontosaure à un sénateur en fin de vie.
#18 Behemoth – XXX Years of Blasphemy (Nuclear Blast) (Pologne)
En 2021, Behemoth fêtait son 30ème anniversaire et révolutionnait pour la deuxième fois le livestream, avec un show ambitieux et audacieux. 3 endroits et scénographies différents, 3 sets de 6 morceaux chacun, des morceaux connus, des morceaux rarement joués et des morceaux choisis parmi les préférés des fans. Au final, 3 décennies représentées fidèlement et fêtées dignement. Trois ans après,le concert connaît enfin une sortie en triple CD+Blue-Ray et, à l’instar de l’autre livestream In Absentia Dei, le rendu est impeccable, encore une fois grâce à un superbe travail de l’équipe technique qui a fait la captation. XXX Years of Blasphemy est immersif et passionnant de bout en bout. Le titan du blackened death s’offre de nouveau un live à sa mesure.
#17 Wheel – Charismatic Leaders (Inside Out) (Finlande)
Il n’a fallu que trois ans pour que Wheel livre un successeur au très bon Resident Human. Quand on voit la qualité d’ensemble de ce troisième album, difficile de ne pas être impressionné par la régularité de métronome avec laquelle le groupe sort des albums, et ce, en dépit du départ de leur bassiste, ce qui a obligé James Lascelles à enregistrer les parties de basse, en plus du chant et d’une des deux guitares. On qualifie Wheel de Tool finlandais et ce troisième album ne va pas changer cette réputation. Portant sur les hommes de pouvoir (politique comme médiatique) et leur impact néfaste sur notre monde, Charismatic Leaders, en plus d’un propos fort et sans concession et d’une écriture implacable, n’a pas à rougir face à un Fear Inoculum. Le chant d’une clarté cristalline, des attaques de riffs, des partitions de 6 et 4 cordes vertigineuses, des polyrythmies, des cassures de rythmes, des harmonies complexes, tout est là, jusqu’à la prestation de Santeri Saksala qui n’aurait pas dépareillé dans la discographie de Danny Carrey tant on frise le génie avec un geste juste, soyeux, d’une rare finesse tout en cognant dur ce qu’il faut avec la précision d’un chirurgien émérite. Si Wheel n’a pas l’aura médiatique d’un Tool, c’est peut-être parce que le trio ne sort pas de skeuds à 80 balles agrémentés de gadgets hi-tech ou d’album centrés sur la suite de Fibonacci, ou juste parce que Wheel vient de Finlande et non des USA. Ce seraient les seules explications logiques tant pour le reste, l’élève peut largement bomber le torse face au maître.
#16 The Picturebooks – Albuquerque (Sunny Slope) (Allemagne)
Trois ans après l’album-bœuf avec une palanquée d’invités, les Picturebooks reviennent en formation duo avec leur son si spécifique entre blues-rock et garage. Les allemands enrichissent leur musique basée sur une grosse caisse et une guitare/chant avec des petites touches gospel, musiques urbaines (avec deux morceaux où le chanteur sort un phrasé presque rap), groovy ou pop sans pour autant renier ce blues/rock organique et viscéral et ce côté légèrement crade mais classe hérité des productions Stax. On retrouve l’esprit d’albums comme Home is a Heartache ou Hands of Time tout en ouvrant le champ des possibles et en variant leur propos, l’amour de la bonne musique (faite avec les tripes) transpirant à chaque note.
# 15 ex aequo Bruce Dickinson – The Mandrake Project (BMG) (Angleterre)
Presque vingt ans se sont écoulés depuis le précédent album de Bruce Dickinson. Il faut dire qu’entre les tournées gargantuesques d’Iron Maiden, les albums de ces derniers, mais aussi les diverses activités qu’il mène, c’est à se demander s’il a du temps pour dormir alors sortir un album. Et pourtant, Mr Dickinson nous présente une septième offrande avec un album-concept autour de thèmes occultes. Pour ce faire, il est toujours entouré de Roy Z à la basse et à la guitare, mais aussi de Mistheria au clavier et de Dave Moreno (de Puddle of Mudd, ce qui peut faire peur sur le papier mais en fait non) aux fûts, ainsi que des featurings de Gus G. de Firewind (et ex-Ozzy Osbourne), de Chris Declercq et de Sergio Cuadros. Bruce Dickinson compile des chansons écrites sur les 20 dernières années dont la démo Eternity Has Failed, retirée et utilisée par Maiden dans The Book of Souls. Musicalement, Dickinson fait un pont entre heavy traditionnel et moderne avec des inclinaisons prog comme il nous avait habitué dans les opus récents de la Vierge de Fer. S’affranchissant de son groupe sans se renier, il ose emprunter aux sonorités orientales, au blues et même balancer son premier solo de guitare. The Mandrake Project dévoile les multiples facettes de Sir Bruce, tour à tour intimiste et plus grandiloquent pour finir sur une énorme pièce à tiroir, véritable album dans l’album. Passionnant de bout en bout, The Mandrake Project se bonifie au fil des écoutes. Et puis cette voix bon sang! Que ce soit en presque spoken word ou dans ses envolées lyriques, c’est toujours un plaisir que d’entendre celui qui, à 65 ans, continue de nous émerveiller à chaque album.
#15 Judas Priest – Invincible Shield (Sony Music) (Angleterre)
Plus de cinquante ans de carrière, plus de 70 piges au compteur pour les 3 membres historiques, 19 albums, un statut de légendes du metal et pourtant, 6 ans après un Firepower de très haute tenue, Judas Priest arrive à faire aussi bien, sinon mieux, que leur album précédent. Halford a la fougue de la jeunesse, Ian Hill fait encore le taf et Glenn Tipton balance des envolées de six-cordes toutes plus monumentales les unes que les autres avec des putain de solis d’anthologie. La paire Faulkner/Travis n’est pas en reste, l’un à la rythmique et l’autre aux fûts montant le curseur de plusieurs crans au niveau de la rapidité. Feu d’artifices de riffs endiablés, lignes de cordes jouissives, refrains immédiats, mélodies hyper catchy, Invincible Shield est la patte d’un NWOBHM immortel à la fois dans la tradition et furieusement moderne exécutés par des titans qui calmeraient plus d’un groupe de jeunes coqs. Judas Priest n’a pas lâché sa place dans l’Olympe du heavy.
#14 Loudblast – Altering Fates and Destinies (Listenable Records) (France)
Pour être honnête, je l’appréhendais un peu ce neuvième album de Loudblast. Il faut dire que le blackisant Burial Ground et le bijou Manifesto avaient mis la barre très haut, et puis Stéphane Buriez avait l’air de s’épanouir dans ses autres projets, comme la version W.O.M.P. des Tambours du Bronx entre autres. Et pourtant, le constat est là : les vétérans de la scène death française signent l’album de death classique de l’année. Sur Altering Fates and Destinies, la bande à Bubu fait des clins d’œil au premier album et mêle death classique, thrash, black et même heavy. En charge des solis (et de la basse), Frédéric Leclercq (ex-Dragonforce, Kreator, Amahiru et comparse de Buriez chez Sinsaenum) signe des lignes de six-cordes vertigineuses, torturées, tortueuses et parmi les plus originales de l’année. Le duo Buriez/Bergen balance des merveilles de riffs qui te rentrent dans la tête et te vrillent le cerveau, quand le chant de Buriez se fait toujours aussi puissant et profond dans des growls d’outre-tombe. Si vous cherchez un album de death linéaire, routinier et sans prise de risques, ne cherchez pas ça chez Loudblast, le groupe affectionnant les changements et cultivant l’art de la surprise. Puissance, maîtrise, virtuosité, violence totale, noirceur, tout y est. Les cheuteumis nous en mettent plein la gueule et on en redemande.
#13 My Dying Bride – A Mortal Binding (Nuclear Blast) (Angleterre)
Aaron Stainthorpe n’est pas à proprement parler le mec le plus festif du monde, et encore une fois, il va piocher dans son Enfer personnel et ses tourments. A Mortal Binding parle de chaos, de mort et des sentiments autour. Comme à l’accoutumée, les Anglais vont chercher jusqu’au plus profond d’eux-mêmes pour délivrer un doom/death gothique mélancolique et viscéral. A l’inverse de The Ghost of Orion, My Dying Bride va offrir un son encore plus sombre où on growl de Stainthorpe est davantage mis en avant (sans qu’il néglige sa belle voix en clair). Sur A Mortal Binding, My Dying Bride va chercher dans ses différentes époques, avec le violon nettement plus valorisé ou encore la présence aux fûts de Dan Mullins qui n’était plus dans le groupe depuis 2009. Inutile de préciser qu’encore une fois, My Dying Bride délivre une musique massive, dense, lancinante avec des riffs tous plus sublimes les uns que les autres et des morceaux qui peuvent dépasser les 10 minutes. Encore une fois, A Mortal Binding a été un travail douloureux, provoquant des fractures au sein du groupe et rinçant profondément Stainthorpe au point qu’il est difficile de savoir quand le groupe se produira en live. De ces conditions ne pouvait naître qu’un nouveau chef d’œuvre et c’est effectivement le cas.
#12 Rotting Christ – Προ Χριστού (Pro Xristou) (Season of Mist) (Grèce)
Cinq ans après les hérétiques, Rotting Christ se focalise sur le paganisme et les croyances pré-chrétiennes, que ce soit la mythologie nordique, les mythes hébreux, ou les rois païens qui ont du se battre contre l’imposition du christianisme. En 35 ans de carrière, les frères Tollis et leurs compagnons de route se sont forgé un statut de monument du black metal hellène voire de la scène européenne avec des albums majestueux à l’orchestration toujours plus impressionnante, véritables pendant black metal d’une pièce d’opéra. Tour à tour heavy, éthéré, violent avec des inclinaisons blackened death, ou massif, Προ Χριστού (Pro Xristou) offre morceau de bravoure sur morceau de bravoure. Que ce soit la batterie martiale, les guitares imposantes, les choeurs profonds qui donnent une dimension épique et liturgique ou l’apport de voix féminines des chanteuses de Neperia et de Chaostar, tout donne l’impression d’avoir à faire non à un groupe mais une division d’infanterie. Avec ce bijou de gigantisme, d’élégance, d’éloquence et de charisme, Rotting Christ vient d’implanter un nouvel édifice à une discographie qui s’apparente à plusieurs temples perchés en haut de l’Olympe.
#11 Leprous – Melodies of Atonement (Inside Out) (Norvège)
Trois ans après le majestueux Aphelion, Leprous signe un neuvième album et continue de garder cette envie de renouveau. Exit le violoncelle de Raphael Weinrothe-Browne qui donnait un côté cinématique aux orchestrations, le groupe se recentre et se pare de légères nappes d’electro avec des claviers très présents pour servir de fil rouge à un ensemble varié, tantôt mélancolique, introspectif ou plus agressif, extrême jouant sur les terres de la scène la plus connue et la plus radicale de Norvège, tantôt avec des touches de jazz ou hip-hop. Encore une fois, le travail de la batterie est très vaste et frôle le génie, mais il faut saluer la somme de talents aux 4 et cordes ou le timbre si particulier de Einar Solberg (ainsi que les chœurs des 170 fans qui l’accompagnent dans le final). Sans s’imposer de limites à leur créativité, Leprous nous prend par la main et nous emmène on ne sait où et le voyage est grandiose.
#10 Maudits – Précipice (Source Atone Records) (France)
Précipice, le nom colle à merveille au contexte français et européen en cette année 2024. C’est aussi le nom de la pièce monumentale en deux parties du nouvel album de Maudits, groupe toujours aussi inclassable entre doom instrumental, post-metal avec des incursions de dub et d’ambient. Maudits nous gratifie de nouveau d’un magnifique festival d’élégance et d’émotions à fleur de peau. Les morceaux sont tous aussi sublimes, qu’ils soient progressifs, changeants, contemplatifs ou fortement chargés en metal. Il y a même une reprise aussi originale que superbement exécutée de Gnosienne 1 d’Érik Sattie avec les riffs léchés d’Olivier Dubuc. Après un très bon premier album, Maudits pousse la qualité encore de deux crans pour un résultat flamboyant et cinématographique en posant ici un must instantané.
#9 ex aequo God is an Astronaut – Embers (Napalm Records) (Irlande)
De la douleur à la lumière. Après la triste perte de leur père, les jumeaux Kinsella se sont mis à composer ce 11ème album. Se voulant centré sur des thèmes comme la brièveté de l’existence, Embers n’est étrangement pas aussi sombre qu’on pourrait le penser. Les compositions sont d’une douceur ouatée, un condensé de post-metal/post-rock atmosphérique hyper immersif qui s’apprécie avec le son à fond dans le casque et posé pour se laisser guider dans un voyage intérieur. Tout le monde n’appréciera pas ces lignes de grattes qui cajolent les tympans mais ceux pour qui c’est le cas partiront loin, très loin jusqu’où leur conscience peut les entraîner.
#9 MONO – Oath (Pelagic Records) (Japon)
Plus que des albums, MONO nous offre des expériences de lâcher-prise et d’introspection. Réfléchi pendant la crise sanitaire, Oath parle de la fragilité de l’existence. Comme souvent, les Japonais nous entraînent en voyage au cœur de nous-même. A mille lieues de la j-pop ou du j-rock, MONO fait partie des meilleurs ambassadeurs musicaux de l’archipel. Mettant très haut le curseur sur la qualité, ce douzième album, comme les précédents, est mixé avec une précision chirurgicale, chaque morceau s’enchevêtrant dans le suivant pour donner l’impression qu’il s’agit d’une pièce unique divisée en plusieurs fragments et ce, dès l’intro en 3 parties. Monument d’émotion brute, où quelques riffs massifs viennent enfiévrer le côté contemplatif de l’ensemble, Oath est un album viscéral qui va faire vibrer les recoins les plus enfouis de notre âme.
#8 Gaerea – Coma (Season of Mist) (Portugal)
Ça devient dur de trouver des adjectifs pour qualifier la branlée que collent les Portugais de Gaerea tant les mecs réussissent à faire encore mieux à chaque fois sachant que c’était excellent la fois d’avant. Pourtant, rien que la beauté de la pochette (artwork de l’année haut la main) aurait dû mettre la puce à l’oreille (même si ça veut rien dire). Tout commence dès les premières notes, les premiers riffs beaux à en chialer. Et la qualité ne baisse jamais. Dans ses moments calmes comme énervés, Coma transpire de majesté à chaque seconde. Le chant? Monstrueux. La batterie? Elle dévaste tout. Les grattes? Un déluge de bombes à sous-munitions? La production? Du cousu main. L’album? Une pluie de météorites à en ressusciter les dinosaures. Dire à quel point on jouit des oreilles sans être interdit au moins de 18 ans relève de la gageure. Dans la bataille pour le trône de rois de la nouvelle génération du black metal, Gaerea est un prétendant solide.
#7 Dvne – Voidkind (Metal Blade Records) (Ecosse)
Quand on s’est pris dans la gueule un album comme Etemen Ænka, on se dit qu’il sera dur à dépasser ou du moins à égaler. Pourtant, 3 ans après, Dvne revient pour une troisième ogive. Définir la musique de Dvne est compliqué, entre sludge, stoner, metal prog et post-metal. Encore une fois, d’un uppercut, Dvne nous envoie dans un espace lointain. A l’image des livres de Frank Herbert qui ont servi d’inspiration au groupe, la musique des Écossais peut s’avérer très complexe, fouillée et peut paraître aride, mais demeure généreuse, profonde et épique. D’un travail sur les grattes, la basse ou la batterie que ne renierait ni Tool ni Mastodon ou encore une palette vocale variée semblant sortir de Katatonia ou de Klone, Dvne sort un album aussi riche que les Atréide et féroce et puissant que les Harkonnen, balançant une puissance de feu hors norme.
#6 Borknagar – Fall (Century Media) (Norvège)
Cinq ans après True North, Borknagar revient garer son drakkar pour un douzième album en 30 ans. Depuis ses débuts, la musique des Norvégiens s’est élargie en un flamboyant black-folk-viking metal dense, lourd, baroque et fédérateur. Encore une fois, porté par une production pharaonique, Borknagar nous offre une palette plutôt large, tant vocalement que musicalement, avec un soin apporté à la mélodie, nous prenant brutalement par la main pour une salve d’aventures épiques. Fier, fort, puissant, Borknagar délivre une musique toujours aussi inimitable avec une profonde maestria.
#5 Udad – Udåd (Peaceville Records) (Norvège)
Il aura fallu un an et demi entre la conception et la sortie d’Udåd. Ceci dû au fait que le projet n’était signé sous aucun label jusqu’à ce qu’un label aussi exigeant et garant d’un certain esprit comme l’est Peaceville Records. Pourtant, Udåd n’est pas un nouveau groupe de black comme la Norvège en produit des milliers, mais le side-project de Thomas Eriksen de Mork, formation qui a gagné une certaine stature depuis sa fondation. Thomas Eriksen qui s’est dit que les dernières sorties de Mork étaient trop lumineuses (c’est dire) et qu’il voulait revenir à un son plus crade et plus sombre, dans la lignée de l’époque des classiques de la scène norvégienne. Un Eriksen qui a eu l’épiphanie en matant un film underground allemand plutôt morbide qui lui a donné l’envie de sessions d’écriture intensives. Et grand bien lui a pris car si Mork a livré de superbes claques, celle distribuée par Udåd n’en est pas moins forte. Un album sombre, rèche, viscéral sur lequel Eriksen hurle comme un possédé (le mec était obligé de s’asseoir après chaque phrase tellement il donnait tout, comme il l’explique dans la passionnante interview sur Hard Force par Aude Paquot), avec une ambiance froide, glaciale, menaçante, des riffs incendiaires qui accrochent immédiatement l’oreille, une énorme saturation, une batterie mixée à l’ancienne et une basse inquiétante. Un album qui porte en lui la flamme du « necro black metal » qui a marqué le genre dans le sang et les flammes, et qui se montre digne de ses aînés. Un classique instantané, rien de moins.
#4 ex aequo Klone – The Unseen (Pelagic Records) (France)
Il n’aura pas fallu longtemps pour que Klone sorte un successeur à l’excellent Meanwhile, un temps très court aidé par le contexte autour de ce dixième album. En effet, The Unseen est l’album qui permet au groupe de se libérer d’une collaboration douloureuse avec Pelagic Records, label au sujet duquel Guillaume Bernard n’avait pas franchement envie de faire un concert de louanges. Pour marquer la fin de ce contrat, Klone a décidé d’assembler des morceaux inédits et retravaillés, certains datant de 2009. On ne sera donc pas étonné de renouer avec une ambiance plus atmosphérique proches d’albums comme Le Grand Voyage, Here Comes the Sun ou The Dreamer’s Hideaway. Comme à chaque fois, la production est à tomber et souligne parfaitement les instruments. La basse d’Enzo Alfano est chaude et hyper groovy. Guillaume Bernard nous livre toujours ses riffs d’extraterrestre et l’alchimie avec Aldrick Guadagnino marche toujours à merveille. Mathieu Metzger sort des partoches de saxophone au cordeau, que ce soit dans un registre jazz classique ou plus free, tout ce qu’il tente se transforme en or, quant au chant de Yann Lignier, albums après albums, on en vient à manquer de superlatifs à son sujet, l’une des plus belles voix de France faisant encore des merveilles. The Unseen nous montre encore un Klone qui ose, tentant des incursions plus jazz/funk ou sortant un final à tiroirs (un des morceaux les plus longs jamais sortis par Klone) finissant par une séquence instrumentale de plus de 5 minutes. Il est des groupes qui font des albums de fin de contrat en ne cherchant pas à s’emmerder outre mesure. Pas de ça chez Klone, véritable orfèvre dont la discographie s’apparente plutôt à une joaillerie de luxe.
#4 Opeth – The Last Will and Testament (Reigning Phoenix Music) (Suède)
Après 34 ans d’existence, Opeth fait son testament. Non, le groupe ne fait pas ses adieux mais consacre son tout nouvel album à ce moment si particulier de la vie. Allant jusqu’au bout du délire avec des titres de chansons sous forme de paragraphes, Opeth propose ce qui a fait sa légende, à savoir un death progressif high concept, avec en plus un retour au growl chez Mikael Åkerfeldt, frontman à la palette vocale toujours aussi riche. Avec l’appui de musiciens comme Ian Anderson de Jethro Tull, Joey Tempest d’Europe ou encore Mirjam, la fille de Mikael, Opeth nous propose des compositions riches, variées et d’une précision chirurgicale. 34 ans après ses débuts, Opeth continue d’écrire sa légende avec un nouveau classique.
#3 Alcest – Les Chants de l’Aurore (Nuclear Blast) (France)
Écouter un album d’Alcest, c’est faire une parenthèse dans son quotidien pour faire une méditation introspective, ressentir la beauté dans ce que cette notion a de plus pur et absolue et mettre son âme à nu. Chaque album du groupe est une expérience en soi, l’aboutissement d’une profonde réflexion de Neige et de Winterhalter. 5 ans après le magnifique Spiritual Instinct, Alcest revient avec un blackgaze lumineux avec des incursions shoegaze. Entre arpèges de guitare solaires, moments contemplatifs, velléité d’un black atmosphérique au chant parfois rugueux et instants suspendus que ce soit avec la superbe voix éthérée de Neige, très proche d’un Sigur Rós ou cet interlude au piano, difficile de trouver des moments qui ne titillent pas les glandes lacrymales. Encore une fois, Alcest livre un condensé d’émotions brutes et viscérales au service d’un blackgaze onirique et métaphysique. S’approchant clairement de ses classiques que sont Les Voyages de l’âme et Écailles de Lune, Alcest livre avec Les Chants de l’Aurore une merveille absolue qui s’écoute, se réécoute plusieurs fois sans qu’on puisse imaginer s’en lasser.
#2 ex aequo Zeal & Ardor – Greif (Redacted GmbH) (Suisse/Etats-Unis)
Avec Zeal & Ardor, on sait par avance qu’on va être pris par surprise, emmené sur des terres où on ne s’y attendait pas. Et même si on s’y est préparé, on arrive encore à être surpris. Et pourtant, même en se disant tout ça, Greif reste un OVNI. Pour commencer, ce qui, en studio, était le one-man band de Manuel Gagneux est devenu un sextet quand la tête pensante du projet s’est entourée de ses musiciens live. Ensuite, le fil conducteur de l’album, le Vogel-Gryff, créature folklorique de la ville de Bâle, mascotte des ouvriers face à l’élite. Non, Zeal & Ardor n’est pas devenu un groupe qui ne parle que de choses légères et le choix de la créature n’est pas uniquement car elle connecte les musiciens à leur ville natale. Le sous-texte de la lutte des classes résonne particulièrement dans le contexte actuel. Du changement, il y en a aussi dans la musique des helvètes. Toujours en mouvement, redéfinissant en permanence les contours de sa base black metal en s’accouplant avec des musiques Afro-Américaines, la musique de Zeal & Ardor s’enrichit de nouvelles orientations, et Greif nous gratifie d’inspirations Tooliennes dans ses lignes guitares/basse/batterie ou encore lorgne vers le rock lumineux de Queens of the Stone Age quand il n’y a pas d’interludes en synthwave ou des plages tendant vers le gospel. Bien sûr, les racines du projet sont encore là et les moments plus hargneux viennent nous le rappeler. Inclassable, Greif l’est, à l’image du reste de la discographie du groupe, foisonnant d’idée, insaisissable même quand il prend les traits d’un album accessible, faussement doux. Surtout, Greif est extrêmement addictif car l’envie de le réécouter encore et encore pour en saisir les nuances et les couleurs est aussi forte que le plaisir qu’il procure. Et après plusieurs reprises, on a une envie irrépressible d’appuyer sur play parce que, putain, qu’est-ce qu’on en est amoureux.
#2 Ihsahn – Ihsahn (Candlelight Records) (Norvège)
Figure centrale du black metal au sein de la formation norvégienne la plus populaire du genre, Emperor, Ihsahn s’est construit depuis 18 ans une magnifique carrière solo à coups d’albums concept étincelants. Pour son huitième effort, Ihsahn a accouché d’un projet hyper ambitieux voire monumental : une première mouture en version orchestrale et instrumentale, l’autre chantée, dans un registre metal progressif mais où le black metal est toujours présent dans les cris et le riffing agressif. Côté chant, Ihsahn et son magnifique organe nous gratifie d’une jolie palette alternant chant clair et cris habités. Mais l’essentiel est ailleurs. Amoureux des grands compositeurs de musique de film depuis toujours, Ihsahn a composé l’album sous la forme d’un score digne de l’âge d’or des Jerry Goldsmith, John Williams ou Bernard Herrmann avant d’apposer sa voix dessus sur la deuxième galette. L’immersion est totale. Chaque titre se vit comme une expérience où on se sent tout petit face à l’immensité de l’ensemble, le tout avec une intelligence de composition, une justesse d’exécution qui confine au génie. Appelant tous les superlatifs possibles et imaginables, Ihsahn est un chef d’œuvre de maximalisme, de gigantisme et de maîtrise d’ouvrage.
#1 The Cure – Songs of a lost world (Polydor) (Angleterre)
Il n’a suffi que de quelques secondes, quelques notes, l’introduction du premier morceau, cette intro à rallonge comme The Cure sait les faire, pour avoir la glande lacrymale qui frémit et faire rejaillir en moi pourquoi The Cure était un groupe si spécial. The Cure, ce groupe dont la musique ornait une séquence marquante de The Crow, un de mes films cultes. The Cure, le groupe qui donnait envie aux grands frères et grandes sœurs l’envie de lire Poe, Camus ou Baudelaire. The Cure dont les tubes ont accompagné mon enfance dans la platine vinyle familiale. The Cure, le groupe qui a donné toute sa poésie à la mélancolie, qui faisait jaillir la lumière du noir. Un groupe qui a influencé toute une génération qui plus tard faisait les belles heures du gothic ou du black metal ou encore de groupes comme Deftones.
The Cure est de retour après une longue arlésienne, un retour inspiré par les tragédies multiples vécues par Robert Smith. Un Robert Smith qui n’est plus le jeune torturé de Pornography puis l’adulte tourmenté de Disintegration, mais un sexagénaire rongé par la perte de ses deux parents puis de son frère aîné, un deuil au cœur même de ce quatorzième album. Exit les élans rock alternatif des 90/2000 (même si plusieurs très bonnes chansons en ont découlé), retour vers un cold wave implacable, aux mélodies qui t’arrachent le cœur, à cette basse qui, le temps d’un morceau, va faire sonner toute la colère de Robert Smith ou encore le chant de ce dernier, sa voix encore intacte comme si le temps n’avait eu aucune prise. Un Robert Smith qui sort les mélodies et les paroles les plus belles et les plus intimes depuis longtemps. Oui, on a là le meilleur album de The Cure depuis Disintegration. The Cure qui fait du The Cure et me rappelle pourquoi, à l’instar de Tim Burton, The Cure fait partie de moi. Résister est impossible au fil de ces 8 monuments d’émotion brute, primale. Songs of a Lost World a beau être très personnel et intimiste, il fera vibrer ceux qui n’ont jamais pu résister au combo de Crawley. De la première note d’Alone à la dernière d’Endsong, Songs of a Lost World s’avère d’une beauté terrassante et d’une insondable tristesse qui ne peuvent que déclencher torrents de larmes. Alors que The Cure vit ses dernières années, son arrêt étant programmé dans 5 ans, il vient de signer non seulement son meilleur album depuis 35 ans mais en plus l’un des tout meilleurs albums de rock de ces 24 dernières années.
Ainsi s’achève ma rétrospective musicale de 2024. Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une belle année 2025. Déjà, sur le plan musical, vu les projets annoncés, on devrait avoir de quoi se flatter les esgourdes. En attendant le top 2025, vous pouvez d’ores et déjà écouter la playlist de cette 2ème partie de top.
Par Nikkö