mai 4, 2024

Benighted – Ekbom

Avis :

S’il y a bien un groupe français qui joue constamment avec les extrêmes, c’est Benighted. Fondé à la fin des années 90 et ayant pour inspiration des groupes comme Cannibal Corpse ou Marduk, il fallait bien se douter qu’au niveau de la scène underground, la formation de St-Etienne allait faire du bruit, voire un gros ramdam de l’enfer. Et si le début flirte avec un Death teinté de Black, petit à petit, Benighted a dérivé vers le Grindcore, ou le Brutal Death Metal. Un sous-genre qui l’empêche clairement d’être accessible au grand public, mais qui cultive une belle notoriété dans le monde de la musique extrême et sur scène. N’ayant plus que le chanteur Julien Truchan comme membre d’origine, Benighted possède tout de même un line-up stable depuis 2017 et maintenant trois albums. Ekbom est leur dixième effort, et il s’attaque cette fois-ci à une maladie mentale bien particulière.

En effet, le syndrome d’Ekbom est une maladie neurologique rare où le sujet est atteint de démence et pense être constamment infesté de parasites. De ce fait, son corps est couvert de plaies afin de faire sortir les bestioles imaginaires. Le groupe stéphanois utilise ce thème pour ce nouvel album, ce qui lui permet de jouer constamment avec de petits bruits et d’installer une ambiance assez malsaine, en nous percutant par la même occasion avec une violence accrue et douze titres qui résonnent comme autant de parpaings dans la tronche. Enfin, on devrait plutôt dire onze morceaux, puisque Prodrome est une introduction qui met en place cette atmosphère particulière et malsaine. On a droit à de petits bruitages qui évoquent les insectes, et une voix intérieure qui nous dit « de le faire », sans entendant de s’arracher la peau pour évacuer les parasites. Tout un programme.

Après cette entrée en matière, il fallait bien évidemment s’attendre à un grand coup derrière la nuque. Benighted joue constamment avec la violence et peut parfois aller trop loin. Les deux derniers albums étaient des exemples de virulence mal dosée, avec un aspect « too much » qui pouvait faire sortir du disque. Ici, les français mettent un peu d’eau dans leur vin, et arrive à mieux équilibrer leur violence, notamment en renouant de temps à autre avec un Death/Black qui fait penser à leur début. Ce ne sera pas forcément le cas de Scars qui débute les hostilités mais qui va montrer trois évolutions du groupe. En premier lieu, le batteur, Kevin Paradis, blaste à tout va et démonte la baraque. Il s’agit d’un vrai poulpe et il instaure une rythmique infernale. Ensuite, la performance vocale de Julien est impressionnante, passant par tous les styles.

Que ce soit dans le growl, dans les petits cris porcins ou encore dans des envolées plus aigües, le frontman est en grande forme et nous laisse sur le carreau. Enfin, la troisième évolution concerne finalement les guitares et l’accessibilité de tout ça. Si la violence est là et que la rythmique défonce tout, on aura droit à un bon break et à une mélodie qui n’est pas écrasée. De ce fait, on prend du plaisir à décortiquer les différentes nappes du titre, ce qui n’était pas forcément le cas des albums précédents. Morgue, par exemple, débute de façon rugueuse, mais arrive à bien gérer ses moments brutaux avec des grattes un peu plus aériennes en fond. On reste dans du Benighted qui flingue à tout va, mais il réside un petit truc en plus qui fait que l’on accroche.

Le Vice des Entrailles renoue aussi avec le passé du groupe, et ce mélange Death/Black permet de mieux percevoir la technique des musiciens. Les breaks sont puissants, tout comme le refrain qui devient plus lisible. Bref, on fait face à un excellent titre. Au même titre que Nothing Left to Fear, morceau sur lequel est invité le chanteur d’Archspire. Si le début est tonitruant, il y a une vraie variation dans les rythmiques et l’ensemble donne une furieuse envie de se décrocher la nuque. Quant à Ekbom, si le titre semble ressembler un peu à tout le reste, il n’en demeure pas moins accrocheur et percutant. Et tout l’effort va réussir à trouver un bel équilibre entre violence accrue et technique mise en avant. La production est solide et certains morceaux ressortent plus que d’autres à l’image de Metastasis, où l’on va se surprendre à reprendre le refrain en growlant.

A Reason for Treason est aussi un morceau très violent (comme toutes les pistes, vous l’aurez compris), mais il arrive à conjuguer tous les styles qu’embrassent Benighted pour fournir un titre lisible et qui n’est qu’un brouillon bourré de bruits et de cris. On restera plus circonspect autour de Fame of the Grotesque, même si le sujet abordé est juste. Le morceau est un gros pavé dans la tronche sans un réel intérêt musical, mais il a le mérite de ne pas durer longtemps et d’inviter le chanteur de Blockheads. Scapegoat sera du même tonneau, avec deux minutes de coups de hachoir bien bourrins. Puis Flesh Against Flesh va être plus construit, se permettant même un petit solo de gratte. Et enfin, Mother Earth, Mother Whore change de stratégie, se fait plus dense, plus dans une ambiance mortifère, pour finalement retomber sur ses pattes et nous fracasser les tympans.

Au final, Ekbom, le dernier album de Benighted, peut se voir comme une bonne réussite, pour peu que l’on soit habitué aux musiques extrêmes qui ne font aucune concession. Ici, le groupe français balance la sauce à tous les étages et ne laisse aucun répit à son auditoire, qui va se manger brique sur brique à chaque titre. Si parfois, on sent encore que ça dépasse l’entendement musical, on ne peut que féliciter le groupe d’avoir trouver un bel équilibre entre leur passé et leur présent, pour délivrer une galette plus juste qu’à l’accoutumée, et qui dépasse aisément ses deux aînés, se faisant plus accessible, tout en reniant jamais sa violence intrinsèque.

  • Prodrome
  • Scars
  • Morgue
  • Le Vice des Entrailles
  • Nothing Left to Fear
  • Ekbom
  • Metastasis
  • A Reason for Treason
  • Fame of the Grotesque
  • Scapegoat
  • Flesh Against Flesh
  • Mother Earth, Mother Whore

Note : 15/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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