Avis :
La naissance d’un groupe tient parfois à peu de choses. Prenons Zeal & Ardor. Au départ, c’est juste le pari un peu fou du musicien Manuel Gagneux qui demande à ses fans deux genres musicaux opposés afin de composer un morceau qui mélangerait les genres. On lui propose alors le Black Metal et le Negro Spiritual. Il en résulte un succès inattendu, et en peu de temps, le suisse se fait rejoindre par d’autres musiciens américains. Zeal & Ardor voit alors le jour en 2014 pour ne plus se défaire. Et ce qui devait être un projet en one shot devient un vrai groupe, qui offre, album après album, des bangers incontournables de la scène métal. Greif est le cinquième opus de la bande, et il va surprendre, dans tous les bons sens du terme, même s’il n’est pas exempt de défauts, comme son prédécesseur.
Ce qui marque en premier avec cet effort, c’est qu’il embrasse un style totalement différent de son aîné. En effet, on ressent moins le côté Gospel/chant dans les champs de coton, mais on a toujours une ambiance assez particulière, chaude, comme si les esclaves vouaient un culte à Satan plutôt qu’à Dieu. Et ça tombe, puisque c’est l’effet recherché par Manuel Gagneux et ses acolytes. Cependant, Greif est aussi un album qui sera beaucoup plus calme que le précédent album. Ici, les riffs sont moins incisifs, moins puissants, tout comme le chant, qui reviendra au growl de façon très sporadique. Mais est-ce un véritable défaut ? Le but de chaque groupe n’est-il pas de se renouveler, sans pour autant dénigrer ses origines ou ce qu’attendent les fans ? Et en ce sens, on peut dire que Zeal & Ardor l’a parfaitement compris.
Le skeud débute avec l’introduction The Bird, the Lion and the Wildkin. La mélodie fait assez militaire avant de lâcher un chant clair fort plaisant et un gros riff de gratte qui évoque plus un aspect alternatif que le Black qu’embrassait le groupe auparavant. On aura aussi droit à quelques insertions électro, qui seront l’une des nouveautés du groupe (et aussi l’une de ses faiblesses, ne collant plus à l’ambiance recherchée). Fend You Off sera alors le véritable premier morceau, jouant avec une boîte à musique pour poser une atmosphère assez horrifique, puis les riffs joueront le jeu d’un métal alternatif puissant et fort plaisant. Le morceau marche bien, même s’il se fait finalement plus mainstream que d’habitude. Néanmoins, on ne peut que saluer la montée en puissance, et le blast, ainsi que le growl, qui viennent pimenter l’ensemble sur le final.
Kilonova va permettre de retrouver l’ambiance si étrange du groupe. Si on ne part jamais dans un style très extrême, le morceau dégage une belle aura et offre une bonne énergie, avec ce ôté presque satanique que l’on attend avec presque une certaine impatience. Cependant, le titre ne part jamais dans des riffs agressifs ou dans une violence inattendue, comme on retrouve dans le précédent album du groupe. Are you the Only One Now ? viendra aussi nous surprendre de par sa douceur malsaine et son côté dichotomique qui viendra vers la seconde moitié du titre. En effet, le chant clair sera toujours présent et relativement doux, alors qu’à un moment, un growl typiquement Black viendra s’ajouter en arrière-plan, démontrant le double-visage du groupe. Et c’est finalement tout ce que l’on attend du groupe, qu’il nous surprenne, qu’il nous prenne à revers et peaufine une ambiance unique.
Avec Go Home my Friend, on va aborder le principal défaut de cet album, des titres géniaux, mais qui ne durent jamais assez longtemps. Ici, on ne dépasse pas les deux minutes, alors que tout est réuni pour en faire un hit en puissance (et malgré le clavier à tendance électro). On le côté Gospel tant attendu, on a une atmosphère particulière, mais ça ne décolle pas suffisamment. Et cet effet, on va l’avoir au moins trois ou quatre fois dans l’album. On peut citer l’excellent 369 qui n’est qu’un interlude, ou encore To my Ilk qui clôture l’album et qui est d’une douceur sublime. Le genre de titre que l’on a envie d’écouter et de réécouter des centaines de fois. Et c’est dommage que cela ne dure pas plus longtemps, à l’image d’autres morceaux un peu plus longs mais qui ne dépassent pas les trois minutes.
Alors oui, on a droit à quelques titres vraiment sauvages et à la construction étrange, comme Clawing Out qui évoque ce que le groupe proposait auparavant, ou encore Hide in Shade qui est une parfaite synthèse entre cet album et le précédent, mais au milieu de tout ça, on a des titres trop courts qui entrecoupent la dynamique de l’ensemble. Thrill en est le parfait exemple, avec un riff qui démonte, une énergie ultra communicatrice, mais qui ne dure pas assez pour être pleinement efficace. Sugarcoat est exactement dans le même moule, tout en allant vers un son plus Rock que Métal ultra intéressant dans sa mixité. Alors oui, on pourra toujours se complaire devant Disease et son aspect Classic Rock, mais on reste un peu sur notre faim, et cela malgré l’excellence de l’ensemble.
Au final, Greif, le dernier effort de Zeal & Ardor, est un excellent album, il ne fait aucun là-dessus. C’est original, surprenant, inattendu par bien des aspects, mais force est de constater que par moment, ça ne marche pas aussi bien que pour la précédente galette. Il y a trop d’interludes inutiles (Une Ville Vide) et de titres trop courts qui auraient mérité un traitement plus important. Alors oui, ça reste une œuvre pleine et qui respire l’envie de musique à plein nez, mais elle demeure imparfaite au demeurant, et c’est rassurant de savoir que Zeal & Ardor peut encore s’améliorer, ou nous surprendre dans le bon sens du terme.
- The Bird, the Lion and the Wildkin
- Fend You Off
- Kilonova
- Are You the Only One Now ?
- Go Home my Friend
- Clawing Out
- Disease
- 369
- Thrill
- Une Ville Vide
- Sugarcoat
- Solace
- Hide in Shade
- To my Ilk
Note : 17/20
Par AqME