avril 26, 2024

Heroic Trio

Titre Original : Dong Fang San Xia

De : Johnnie To

Avec Michelle Yeoh, Maggie Cheung, Anita Mui, Damian Lau

Année : 1993

Pays : Hong Kong

Genre : Fantastique, Action

Résumé :

Des bébés sont kidnappés par une personne qui est capable de se rendre invisible. Désarmée, la police se fait alors aider par un duo de justicières dotées de super-pouvoirs.

Avis :

Johnnie To est un réalisateur qui a touché à tous les genres durant sa longue carrière (qui n’est pas finie). En bon stakhanoviste accompli, avec plusieurs films par an, il est capable de sortir un film policier en même temps qu’un film fantastique, ou encore un film d’action décomplexé. Durant les années 90, Johnnie To va tenter un mélange assez improbable, celui du film de super-héros avec des références non dissimulées à Charlie’s Angels. Il en résultera Heroic Trio, un film hybride et déjanté dans lequel trois jeunes femmes dotées de pouvoirs vont devoir se liguer contre un vil empereur qui kidnappe des bébés pour s’assurer une descendance dans son royaume décadent. Assez peu connu chez nous, le film est pourtant un ovni du septième art assez jouissif, malgré des défauts de narration assez évidents.

D’entrée de jeu, Johnnie To ne va pas nous mâcher le travail de compréhension. On rentre de plein pied dans un monde qui semble un peu dystopique, avec la visite d’une maison abandonnée et un homme qui va sauter d’une fenêtre pour arrêter un voleur de voiture. On ne sait pas trop sur quel pied danser, mais on y retrouve un humour absurde, et des séquences d’action qui promettent d’être dantesques. Après une introduction qui pose un peu les intentions scéniques du réalisateur, on va se retrouver au sein d’une cellule policière qui doit lutter contre des kidnappings de bébés. La présence d’une personne invisible va alors sauter aux yeux, et on aura droit à l’arrivée d’une première super-héroïne qui lance des couteaux et peut marcher sur des fils, voire voler. Là, le cinéaste approche la présentation de sa première héroïne et c’est surprenant.

« C’est un gros délire dans lequel il faut rentrer. »

C’est surprenant car ça arrive un peu comme un cheveu sur la soupe, et si c’est spectaculaire, on se demande un peu ce que l’on vient faire là-dedans. Il faut dire qu’il y a un mélange étrange entre un univers assez terre à terre, et l’arrivée spontanée d’éléments fantastiques sans que l’on en sache plus. Il en va de même avec la deuxième héroïne, qui roule en moto et se rapproche plus d’une mercenaire douée avec les armes qu’une super-héroïne. Elle déboule comme ça, sans plus d’explications. Enfin, le grand méchant sera lui aussi assez étonnant, ressemblant vraiment à un ennemi à la Power Rangers, avec des pouvoirs magiques et un sbire qui mange des oiseaux vivants. Oui, c’est un gros délire dans lequel il faut rentrer, et où il faut accepter le peu d’explications. L’univers est là, et c’est comme ça.

Afin de donner du poids à son histoire et à ses héroïnes, Johnnie To va proposer des flashbacks liant les trois femmes. Si c’est un peu brouillon et que l’on ne comprend forcément qui est qui dans ce bazar, cela a le mérite de donner de l’épaisseur à des personnages qui parfois, peuvent en manquer. Il est dommage que les méchants ne bénéficient pas du même traitement, n’offrant qu’un sale type qui n’hésite pas à tuer des enfants, voire des bébés. Afin de donner un peu de dramaturgie à l’ensemble, le cinéaste va s’amuser aussi avec les sentiments de ses personnages, et notamment celui campé par Michelle Yeoh, qui tombe amoureuse du professeur qui lui crée une cape d’invisibilité alors qu’elle a pour mission de le tuer. On peut aussi noter les relations fraternelles des trois filles, qui vont se retrouver pour combattre, à la toute fin, l’empereur.

« Heroic Trio, c’est déjanté, et il y a une idée sur quasiment tous les plans. »

Cependant, malgré une mise en scène nerveuse et des passages bien dingos, Heroic Trio souffre d’une narration qui est très bordélique et qui ne va pas caresser le spectateur dans le sens du poil. A titre d’exemple, les flashbacks arrivent souvent un peu n’importe comment, et ils ont tendance à casser le rythme de l’intrigue principale. De même, on change parfois de personnages, de lieux, sans qu’il y ait de véritable transition. Par exemple, on part du principe que Michelle Yeoh a son manteau d’invisibilité, mais durant tout le film où elle est avec le professeur, on nous raconte que le manteau n’est pas terminé et qu’il est toxique. On ne comprend pas si nous sommes avant les kidnappings, ou pendant, et le cinéaste ne place pas vraiment de curseur temporel dans son histoire. C’est parfois difficile à suivre.

Mais, une fois n’est pas coutume, Johnnie To arrive à nous rattraper avec sa mise en scène. Heroic Trio, c’est déjanté, et il y a une idée sur quasiment tous les plans. On pourra se réjouir de voir cette mercenaire se déplacer en faisant exploser des bidons en fer. On se régalera lors des phases de combat, qui sont bien chorégraphiées et très nerveuses. Mais surtout, les différents affrontements contre les grands méchants sont vraiment intéressants et très drôles. On pense bien évidemment au combat final, où le grand méchant se transforme alors en squelette, faisant référence à Terminator 2, et va prendre possession du corps de Michelle Yeoh, comme un exosquelette. Le choix de l’animatronic est génial, et on y retrouve une belle générosité, à la fois punk et gore, qui correspond bien à l’ambiance globale du film.

Au final, Heroic Trio est un film complètement zinzin qui démontre toute la générosité de Johnnie To, aussi bien dans son histoire que dans sa mise en scène. Souvent bordélique d’un point de vue narratif, toutes les petites scories sont rattrapées par des délires visuels attractifs et une volonté de tout condenser en peu de temps afin de ne pas s’éterniser autour d’enjeux minimalistes. Un film malin en somme, qui se révèle efficace, drôle, référencé, bien mis en scène, et qui montre Johnnie To sous un nouveau jour, capable de faire des films fantastiques fous et sans limite.

Note : 15/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

Voir tous les articles de AqME →

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.