
De : Ben Leonberg
Avec Shane Jensen, Arielle Friedman, Larry Fessenden, Stuart Rudin
Année : 2025
Pays : Etats-Unis
Genre : Horreur
Résumé :
Un chien loyal comprend que des entités obscures menacent son compagnon humain, le courageux animal doit se battre pour protéger celui qu’il aime le plus.
Avis :
Ben Leonberg est un jeune cinéaste américain encore peu connu, mais son nom commence à circuler dans les festivals indépendants. Scénariste, réalisateur et monteur, il a d’abord travaillé sur de nombreux courts-métrages avant de signer un premier long remarqué dans le circuit underground, « The Curse of Audrey Earnshaw » (en tant que coscénariste). Cinéphile passionné par les genres hybrides, il aime mélanger les codes du drame et de l’horreur psychologique.

Avec « Good Boy« , Ben Leonberg signe son premier vrai coup d’éclat personnel : un film audacieux, tourné à hauteur de chien. Oui, littéralement. Le réalisateur s’est demandé ce que verrait, ce que ressentirait, un animal confronté à la peur, à la mort et à l’incompréhension du monde humain. L’idée de départ lui vient d’un court qu’il avait tourné il y a quelques années sur la solitude d’un animal après le décès de son maître. Il a décidé d’en faire un long, plus ambitieux, plus métaphorique et plus radical. Et il faut dire que le projet a fait parler. « Good Boy » a créé un petit buzz dès sa présentation dans plusieurs festivals de genre, tant son concept intrigue.
« »Good Boy » a un intérêt certain, c’est indéniable. »
Le film ose quelque chose qu’on n’avait encore jamais vu : raconter une histoire d’angoisse et de drame à travers les yeux d’un chien. C’est une expérience étrange, parfois fascinante, parfois déstabilisante. Et on comprend pourquoi il a suscité autant de curiosité. Sorti discrètement sur deux jours d’exploitation seulement, je me suis donc empressé d’aller le voir. Et j’en ressors… partagé. Parce que « Good Boy » a un intérêt certain, c’est indéniable. On sent que Ben Leonberg a mis tout ce qu’il avait dans ce film, qu’il y croit à fond. Mais malgré ses qualités et ses audaces, « Good Boy » est un film qui souffre de problèmes de rythme, avec un départ très, très long, et au-delà de ça, il tient une double histoire qui finit par le rendre confus.
Indy est un chien loyal, fidèle, aimant. Il vit avec son maître, un homme d’une quarantaine d’années, malade, affaibli, qui semble se battre contre une maladie incurable. Les jours passent lentement. Indy observe, écoute et ressent. Mais depuis quelque temps, quelque chose rôde dans la maison. Des ombres, des bruits, des présences. Et plus les jours avancent, plus Indy perçoit ce que son maître, lui, ne voit pas.
Ce qu’il faut reconnaître d’emblée, c’est l’audace du projet. C’est vrai ça : raconter une histoire d’horreur et de deuil du point de vue d’un chien, il fallait oser. Et rien que pour ça, « Good Boy » mérite qu’on s’y arrête. Ben Leonberg tente quelque chose de différent, quelque chose de neuf. Dans un genre souvent saturé de recettes prémâchées et de remakes, le réalisateur propose une approche originale. Ce n’est pas parfait, pas mal de choses ne vont pas, mais c’est sincère, et c’est rare.
« Le film navigue entre le drame intime et l’horreur psychologique. »
Le film navigue entre le drame intime et l’horreur psychologique. À travers le regard d’Indy, « Good Boy » cherche à retranscrire ce que pourrait ressentir un animal face à la mort, à la souffrance de son maître, à la lente dégradation d’un foyer qui s’éteint. Le concept est fort. Il permet une lecture symbolique fascinante : le chien devient le témoin impuissant de la disparition, de la perte, de la solitude. Il voit ce que nous ne voyons pas. Il sent avant nous. Il y a quelque chose qui s’apparente au « Sixième sens » dans cette idée : une perception du monde des morts, de l’invisible, mais vécue par un être innocent, incapable d’exprimer ce qu’il comprend. Et c’est là que « Good Boy » est le plus intéressant. Lorsqu’il reste centré sur ce lien entre le chien et son maître malade, le film touche juste.
C’est à la fois touchant, dérangeant et profondément humain, à travers les yeux d’un animal. Malheureusement, Ben Leonberg semble douter que cette ligne narrative suffise à tenir tout le film. Il choisit donc d’ajouter une autre trame : celle d’une malédiction familiale. Et c’est là que tout se complique.
Soudain, le film se divise. D’un côté, une histoire émouvante et sensorielle sur le deuil, de l’autre, une intrigue de surnaturel lourdement symbolique et inutile. Les deux ne s’emboîtent pas. L’ajout de cette dimension ésotérique brouille les pistes, rend le récit confus et empêche l’émotion de s’installer vraiment. C’est dommage, car il y avait là de quoi faire un grand film minimaliste, poignant, presque muet. À vouloir trop en dire, trop en faire, peut-être par peur, « Good Boy » finit par perdre son intensité. On sort de la salle un peu désorienté, un peu frustré, avec la sensation d’avoir vu deux films en un. Et surtout, un film de trop. Un film qui ralentit et alourdit le tout.
« le film finit par manquer d’émotion. »
Une sensation d’autant plus désagréable qu’à côté de cela, visuellement, le film est superbe. La mise en scène épouse le regard du chien sans jamais tomber dans le gadget. Ben Leonberg ne cherche pas à “humaniser” Indy. Il le filme comme un animal, avec ses réactions instinctives, ses peurs et son attention constante. La caméra reste basse, proche du sol, collée à son rythme, à ses halètements. On respire presque à son niveau. Il y a un vrai travail sensoriel sur le son, les bruits du bois, des pas, des respirations, des grincements. Et c’est ce qui rend « Good Boy » glaçant : ce sentiment d’impuissance totale. Indy voit tout, perçoit tout, mais ne peut rien faire. On devient, comme lui, spectateur de quelque chose qu’on ne comprend pas entièrement.
Le problème, c’est que le film finit par manquer d’émotion. Malgré ses bonnes idées et son concept inédit, « Good Boy » ne parvient pas toujours à toucher totalement, car il s’embrouille, se prenant lui-même les pieds dans sa propre trame. On regarde, on est intrigué, parfois fasciné, mais jamais bouleversé. La faute à un scénario trop dispersé, à une narration qui n’ose pas tenir son idée principale et qui veut trop en faire. Et surtout, la dernière partie multiplie les incohérences. On ne sait plus si on assiste à la mort du maître, à une métaphore de la disparition ou à une véritable malédiction. Le flou est voulu, sans doute, mais il finit par frustrer.

Malgré ses défauts, « Good Boy » reste un film à part. Il ne ressemble à rien d’autre. Il ne se contente pas d’exploiter un effet de style : il tente, sincèrement, d’inventer quelque chose — un langage, un regard. Et ça, c’est rare. Oui, le rythme est long. Oui, le scénario s’égare. Oui, l’émotion ne prend pas toujours. Mais rien que pour son audace, pour son envie d’explorer un point de vue inédit, celui d’un animal face à la mort, le film mérite qu’on s’y arrête. Ben Leonberg signe un film bancal, mais courageux. « Good Boy » aurait pu être un petit chef-d’œuvre s’il s’était contenté de sa simplicité initiale. Reste un objet étrange, fascinant, parfois maladroit, mais profondément singulier. Et à une époque où tout se ressemble, ça fait du bien de voir un film qui ose. Je suis curieux de voir où le réalisateur ira avec un deuxième film.
Note : 13/20
Par Cinéted