Agriculture - The Spiritual Sound

Avis :

Le métal est un genre musical qui possède tellement de sous-genres qu’il est tout simplement impossible de tout lister, surtout aujourd’hui où il existe de nombreuses expérimentations et mélanges. Et c’est plutôt bien car tout un chacun peut y trouver son compte. Cependant, il y a un préfixe qui se cale souvent des genres prédominants, c’est le mot « post ». En faisant cela, on sait, à peu près à quoi s’attendre. Par exemple, le Post-Punk reprend des éléments du Punk, mais il va plus loin, avec des arrangements différents, pouvant aller à des inserts électro ou encore à un chant plus aérien. Et on retrouve cela avec le Post-Black, qui propose du blast de batterie, des rythmes ultra rapides, des chants aigus mais avec des éléments plus calmes, plus doux et une atmosphère plus mortifère. De nombreux groupes sont dans cette niche.

On peut citer des formations comme Harakiri for the Sky, Deafheaven ou encore Alcest. Nouvel arrivant dans le genre, on va parler des américains de chez Agriculture. Oui, le nom est très étrange, mais ce n’est pas le plus remarquable dans cette formation. Le groupe se fonde en 2021, sort un EP l’année suivante, puis signe sur le label The Flenser pour sortir leur premier album en 2023. S’ensuit alors une tournée et des festivals, et Agriculture commence à se faire connaître. Se revendiquant d’un Ecstatic Black Metal, on ne peut pas dire que le groupe américain soit facile d’accès, bien au contraire. Rythme syncopé, ambiance délétère et bruitiste au possible, les membres s’amusent à jouer avec nos tympans et nos nerfs, oscillant constamment entre musique expérimentale et tentative de nous sortir des sentiers battus, rabattant alors les cartes du genre.

Et The Spiritual Sound ne va pas nous faciliter la tâche. Tout commence avec My Garden, et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça part de suite en couille. Le début est proche du bourdon, ça va très vite, pour ensuite nous coller un riff à la Slipknot qui sera saupoudré de dissonance pour mieux nous sortir de notre zone de confort. Le chant, épousant totalement le Black Métal traditionnel, est produit par une chanteuse, ce qui est un fait relativement rare pour être soulevé. L’ensemble demeure bordélique, mais on ne sera pas au bout de nos peines, lorsque le chant devient clair, avec un blast, donnant une sensation presque malsaine. Si c’est très impressionnant d’un point de vue technique, on est clairement dans un moment atypique et auquel il faut clairement adhérer. Et cette sensation, on va l’avoir sur la première moitié du skeud.

Flea, par exemple, mélange le cri aigu et un chant psalmodié, évoquant alors des films d’horreur à la Midsommar, où des pécores feraient une offrande au diable. Et les moments calmes ne sont pas là pour nous rassurer, alors même que l’on a un solo digne d’un hard rock mélodique. Ils arrivent comme un cheveu sur la soupe, mais sont parfaitement maîtrisés pour peaufiner une atmosphère délétère. Micah (5 :15 am) continue ce travail de sape, faisant fi de toute logique musicale, suivant un schéma qui semble bordélique, mais qui a une trame toute tracée et relativement intéressante. The Weight, tout comme Serenity qui arrive ensuite, sont des titres qui rentrent dans un cadre post-black plus classique, mais avec une identité forte, permettant à Agriculture de s’extirper de la masse. C’est lourd, c’est cradingue, c’est un peu goofy sur les bords, mais ça fonctionne.

De plus, on va noter un changement de direction dans la seconde moitié, après l’interlude The Spiritual Sound, qui ressemble à un bourdon, ou à une musique sourde qui peut nous hypnotiser. Dan’s Love Song balance un chant clair masculin dans une ambiance nostalgique et poisseuse à souhait. Le résultat est déroutant et inattendu, et c’est tant mieux. Le groupe continue d’attiser notre curiosité, qui sera comblée avec le banger qu’est Bodhidharma. Le titre est déstructuré, il mixe de nombreuses références, et l’ensemble est mené de main de maître. Puis Hallelujah est quasiment acoustique, avec un chant clair masculin à la lisière de la justesse, mais nous touchant étonnement. Enfin, The Reply clôture l’album de façon synthétique, avec une entrée en matière purement Black, pour ensuite évoluer vers d’autres sphères plus éthérées, à la fois mélancolique et bourdonnantes, ne nous laissant que peu de répit.

Au final, The Spiritual Sound, le dernier album de Agriculture, est un skeud étrange, qui s’apparente vraiment à une expérience sonore des plus singulières. Beaucoup de plus place est laissée aux instruments, laissant alors le groupe s’exprimer musicalement, libre de toute contrainte. Le résultat est à la fois violent, difficile d’accès, mais parfois grisant et en dehors des codes, ce qui donne un album intriguant, pas dénué de sens, mais qui n’est pas à la portée de toutes les oreilles.