
Auteur : Jean-Yves Delitte
Editeur : Glénat
Genre : Historique, Guerre
Résumé :
En mai 1957, une expédition de cartographes anglais part reconnaitre le tracé de l’Amazone entre le comptoir d’Obidos et la ville de Manáos. Elle y découvre la carcasse rongée d’un sous-marin allemand de la Seconde Guerre mondiale, un U-Boot échoué en pleine jungle et rongé par le temps et la corrosion. En 2054, Pietro Campinello, jeune étudiant vénitien fasciné par l’histoire mystérieuse de ce submersible, va à ce sujet faire une découverte macabre et scandaleuse qui va lui coûter la vie.
Avis :
Comme d’autres médias culturels, le 9e art aime s’investir dans des évènements historiques troubles, sinon nébuleux. En cela, la Seconde Guerre mondiale demeure un contexte porteur pour développer des intrigues réalistes ou des récits davantage orientés vers les pans obscurs de cette période. En l’occurrence, il s’agit ici des derniers soubresauts du 3e Reich, de la fuite de certains hauts dignitaires vers l’Amérique latine et des expérimentations des scientifiques nazis. Un programme particulièrement chargé qui constitue une facette, voire une simple amorce à U-Boot. Ce projet graphique s’avance comme une tétralogie de Jean-Yves Delitte, un auteur doublé d’un peintre de marine.

En cela, U-Boot se montre ambitieux et suscite bon nombre de promesses au cours d’un premier tome qui fait la part belle aux mystères. Comme le laissent présager le titre et le sujet principal, on s’immisce dans la promiscuité d’un sous-marin allemand. L’exiguïté du bâtiment est bien retranscrite et concourt à une atmosphère oppressante. Cette dernière s’oriente même vers des considérations horrifiques avec des meurtres gores et un danger latent qui guette à chaque coin de coursives. Cette partie reste l’une des plus réussies, car elle joue sur la tension de la situation et la vulnérabilité de l’équipage. Dans une certaine mesure, l’ambiance n’est pas sans rappeler le métrage Abîmes de David Twohy.
En parallèle, l’histoire propose deux autres axes narratifs. L’un se déroule dans les années 1950 et s’appuie sur les codes du film d’aventures, en particulier sur la survie en milieu hostile. La continuité est bonne par rapport au premier point de vue et offre une complémentarité bienvenue quant au devenir de l’équipage à quelques années d’intervalles. La 3e ligne temporelle se situe un peu plus d’un siècle plus tard et développe un contexte de science-fiction. Ce dernier est néanmoins le moins probant, en raison d’une vision surannée et quelque peu sommaire du monde en 2050. On songe aux évolutions technologiques propres aux moyens de transport, ainsi qu’aux implants et autres procédés lorgnant vers le transhumanisme.
Au sortir de ces considérations, cette première approche reste convaincante et incite à poursuivre l’intrigue pour en distinguer un contenu dense. Toutefois, la suite s’avère beaucoup moins enthousiasmante. L’auteur délaisse les intentions initiales pour développer un récit dont le rythme et la progression sont confus au possible. Là où l’ensemble demeurait intelligible avec trois grands axes narratifs, l’histoire des tomes suivants multiplie désormais les allers-retours temporels dans tous les sens, sans réelle cohérence ni pertinence pour la bonne compréhension des évènements. Dès lors, on retourne en 1944 avant de bondir en 2057. On fait un petit détour par 1945 avec des faits postérieurs ou antérieurs à ce qui a été avancé jusqu’alors. Puis l’on passe en 2054 avant d’évoquer d’autres pans dans autant de lignes temporelles.
Hormis les repères chronologiques dans les vignettes, il faut effectuer une véritable gymnastique pour replacer les protagonistes et les faits dans leur contexte respectif. En raison de ce choix aléatoire, certains intervenants auront tendance à ressusciter, tandis que d’autres seront oubliés. Mais cette complexité de façade ne possède guère d’intérêt dans les enjeux ou les aboutissants, y compris pour les antagonistes. En l’occurrence, on se cantonne à une quête de pouvoir aussi vaine que puérile. D’autres personnages manquent de profondeur, dans le sens où la caractérisation demeure froide et sans réelles aspérités pour justifier un comportement, une motivation.

Au final, U-Boot est une bande dessinée dont l’intrigue délaisse davantage un sillage de déceptions que de révélations. Le style artistique et les prémices de l’histoire suggèrent des promesses ambitieuses. À partir du second tome, on s’empêtre dans une alternance presque routinière de la temporalité, au point de devoir constamment resituer l’action. Il en ressort un récit brouillon qui délite son atmosphère dans un contexte futuriste terne, au lieu de se focaliser sur le contraste des genres et, surtout, sur l’intelligibilité de l’histoire. Au-delà de la confusion générale, cette bande dessinée manque de profondeur et les protagonistes ne se montrent guère attachants. Dommage au vu du potentiel de départ.
Note : 11/20
Par Dante