avril 27, 2024
BD

Rages

Auteurs : Tome et Dan

Editeur : Kennes

Genre : Science-Fiction

Résumé :

Dans ce pays imaginaire (mais l’est-il tant que cela ?) peuplé exclusivement d’animaux, tout oppose le Nord et le Sud jadis en guerre et désormais séparés par un mur infranchissable : le Rideau de Titane. D’un côté, la dictature, les persécutions ; de l’autre, ce qui apparaît comme la Liberté, la Terre promise. Dans cette amère fable politique, Saakhi et Jin, un couple de pandas, cherchent à se réunir. Mais le monde futuriste d’An-Ahm n’est pas le paradis espéré. La révolution éclate et le destin les porte bientôt à la tête de camps mortellement opposés.

Avis :

Dan Verlinden est un nom assez connu dans la bande-dessinée, notamment pour ses participations sur les albums du Petit Spirou avec Janry. Après avoir fait les encrages pour plusieurs albums du petit groom, il va s’associer avec Tome pour faire les dessins d’un album qui, malheureusement, va faire long feu. Rages, tout d’abord destiné aux éditions Dargaud, va être repris par les éditions Kennes pour un premier tome qui, malheureusement, risque de ne jamais avoir de suite. En effet, Tome décède brutalement en 2019, ce qui arrête l’écriture de cette série dystopique animalière. Pour autant, il est toujours intéressant de se plonger dans de telles histoires qui mêlent la politique à une imagerie presque enfantine, jouant alors sur les maux de notre société, mais en transformant les hommes par des bestioles, un peu comme l’a fait La Fontaine en son temps.

Mais ici, point de prose ou de vers, mais un récit dur et froid dans un monde post-apocalyptique où la survie est le maître mot. Dans cette histoire, on va tout d’abord suivre Jin, un panda, accompagné d’un ours blanc et d’un vieux panda, qui se dirigent vers un haut mur séparant le monde en deux. Ensemble, ils veulent rejoindre An-ham, une cité se trouvant de l’autre côté du mur et qui promet un bel avenir. Pour Jin, le but n’est pas forcément d’avoir une meilleure vie, mais de retrouver son amoureuse. Bravant tous les dangers, les trois compères vont tenter de traverser le mur, mais ce que Jin trouve derrière n’est pas forcément la terre promise. Cela vous évoque un peu le passif de notre chère planète ? C’est normal, et il est bien difficile de ne pas faire le parallèle avec le mur de Berlin.

Derrière un design anthropomorphe se cache en vérité une histoire très sombre qui explore les vérités cachées derrière des rumeurs utopiques. Ainsi, on va découvrir trois personnages qui veulent se rendre dans une ville pour des enjeux différents. Si Jin veut retrouver sa belle, ce n’est pas le cas du vieux panda, qui souhaite une vie meilleure pour finir ses jours, ou encore de l’ours blanc qui a soif d’argent et de notoriété. On retrouve trois caractères différents qui coopèrent jusqu’à une certaine limite. Limite qui trouvera ses failles et ceux qui n’ont pas un but noble vont vite l’apprendre à leurs dépends. Ainsi, nous faisons face à une histoire très adulte, très dur, et qui ne va pas lésiner sur la violence et les morts. Car après avoir franchi le mur, on tombe dans une arène où chacun lutte pour sa survie, afin d’amuser la galerie.

Rages vire alors au pugilat et à la guerre entre des animaux prisonniers, sans arme, qui vont devoir affronter des gladiateurs des temps modernes, armés de lourdes armures. Le récit devient alors plus visuel qu’autre chose, avec des combats et de l’action non-stop. Et c’est peut-être là tout le problème de cette histoire. En effet, si le contexte est hautement politique et trouve des échos avec ce que l’on a vécu, il s’enfonce ensuite dans un désordre bruyant qui ne pose plus de cadre. L’histoire se penche uniquement sur des affrontements et une révolution qui se met en place, sans jamais remettre en avant les personnages et leurs intentions. On va découvrir un ours brun maître de la ville qui semble sans cœur, quelques personnages secondaires qui vont aider Jin dans la bataille, mais c’est tout. Il manque vraiment une profondeur à l’ensemble.

Une profondeur qui aurait pu servir aussi à présenter cette nouvelle ville et sa société. Très brièvement, on aura quelques bribes sur le fonctionnement de la cité, mais l’ensemble reste très flou. De plus, on est de suite plongé dans l’arène, sans trop d’explications. Certes, cela évoque les combats romains, mais rien n’est vraiment expliqué, et on sent que ce monde est très complexe. On oscille constamment entre de la SF presque hardcore et des références à peine digérées autour de Rollerball et compagnie. Cela sans compter sur un découpage particulier et un choix colorimétrique qui n’est tout autant. On baigne dans le gris et le noir sur tout le tome, ce qui renforce cette impression dystopique, avec quelques touches de rose qui semblent un peu incongrues. Avec un peu plus de temps et moins d’action, on aurait mieux ciblé les enjeux de cette histoire.

Quant aux dessins de Dan, ils sont plutôt bons dans l’ensemble, même si on peut reprocher des moments très brouillons et des passages un peu vides. Les phases de combats sont bien mises en scène, avec un cadrage intéressant, mais sur certaines planches, il y a comme un déséquilibre. A titre d’exemple, Jin bénéficie d’un traitement de faveur, alors que l’ours blanc en début d’histoire est très sommaire. En fait, on ne peut pas dire que ce soit beau, tout simplement parce que l’histoire est triste et nihiliste au possible, et le dessin est finalement raccord avec le récit. Cependant, parfois, le lettrage est étonnant et c’est vraiment différent de ce qui se fait dans le neuvième art de façon générale. Mais est-ce vraiment un défaut ? Cela dépend de la sensibilité de chacun.

Au final, Rages est un album qui souffle le chaud et le froid. Très intéressant dans sa démarche de transposer des éléments politiques réels dans un univers de SF, il n’en demeure pas moins déstabilisant dans son dessin et dans la tournure que prennent les évènements. L’histoire va trop vite, ne prenant jamais le temps de s’arrêter sur cette ville du vice ou sur les personnages secondaires, et c’est bien dommage. On sent qu’il y a matière à faire quelque chose de plaisant, mais le scénario ne se pose jamais vraiment sur ses enjeux majeurs, et le dessin, plutôt austère, n’aide pas à l’adhésion de l’ensemble. Bref, un premier tome qui laisse une impression mitigée, et c’est triste de savoir que l’on n’aurait certainement jamais de fin…

Note : 12/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

Voir tous les articles de AqME →

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.