
De : Benoît Delépine
Avec Samir Guesmi, Olivier Rabourdin, Solène Rigot, Pierre Lottin
Année : 2025
Pays : France
Genre : Comédie
Résumé :
De l’aéroport de Beauvais à La Défense, accompagné de sa valise à roulettes, Darius traverse à pied campagnes et banlieues pour mener à bien, et sans empreinte carbone, une mystérieuse mission.
Avis :
Benoît Delépine, c’est évidemment l’un des deux cerveaux du duo culte Kervern/Delépine, les papas de « Aaltra« , « Louise-Michel« , « Mammuth« , « Effacer l’historique » et toute une filmographie improbable, drôle, acide, tendre et souvent marginale. Cela fait plus de vingt ans que les deux compères font un cinéma qui n’appartient qu’à eux : fauché mais inspiré, bricolé mais libre, militant mais humain. Benoît Delépine se lance donc dans son premier film solo. Pour lui, ce sera son seul film solo. Il avait envie de faire un film sur la Picardie. Du coup, en accord avec son ami Gustave Kervern, il se fait son film picard, pendant que sa moitié de cinéma se fait son film mauricien. « Animal Totem« , c’est un film qui est porté par un joli bouche-à-oreille. Et comme je suis réceptif à l’humour du duo Delépine/Kervern, j’étais curieux de voir ce que pouvait donner la voix de Benoît Delépine en solo.

Le pitch est intriguant, puisqu’ »Animal Totem » nous invite à suivre un personnage seul, errant dans la campagne picarde avec une valise accrochée à son poignet. Très intéressant dans sa mise en scène, qui ne cesse de proposer des idées, le film se fait au départ mystérieux, mais ce qui pique la curiosité finit par s’étioler, et cet étrange road-trip finit par lasser. Certes, le film se resserre à un moment donné, mais c’est trop tard, et finalement, j’ai quitté la salle de cinéma confus, avec la sensation désagréable d’un « tout ça pour ça »…
« Le problème, c’est que l’idée reste… une idée »
Darius vient d’atterrir à Beauvais. Tunisien, il vient pour un entretien avec le patron d’une grosse entreprise basée à la Défense. Il ne sait pas quand, il s’est fait voler tous ses papiers et son argent. Seule reste pour lui une valise menottée à son poignet. N’ayant aucun moyen, Darius se rend alors à la Défense à pied…
« Animal Totem« , c’est le genre de film qui me laisse la sensation qu’il est né d’une idée : celle d’un mec mystérieux, une valise au poignet, et qui traverse les champs de Picardie à pied. Et cette idée, il faut bien l’avouer, est bonne. C’est simple, étrange, un peu absurde, très Benoît Delépine dans l’âme. Le problème, c’est que l’idée reste… une idée. Le film a beau s’aventurer sur les thèmes de l’écologie, du monde rural abandonné, des dérives politiques et même d’un délire en fin de parcours, avec une mission qu’on n’a pas vu venir, mais pour arriver jusqu’à cette fin, il faut traverser une première partie qui tire vraiment en longueur. Le film ne dure qu’une heure et demie et pourtant… j’ai eu l’impression d’en voir deux.
On suit Darius qui marche, marche, marche… On le voit traverser un champ, puis un autre champ, puis encore un champ. Une forêt parfois. Le scénario place bien quelques personnages hauts en couleurs sur sa route, mais finalement, un seul ou deux se révèlent vraiment intéressants, les autres se contentant d’être des silhouettes étranges. Puis lorsqu’arrive le final, on se dit que Darius s’est pris la tête pour pas grand-chose. Peut-être est-ce l’adaptation du « ce n’est pas l’arrivée qui compte, c’est le voyage », mais je reste très dubitatif là-dessus.
« du culot, du grain de folie, du cinéma qui n’a peur d’oser »
Mais alors, qu’est-ce qui fonctionne dans « Animal Totem » ? Eh bien… la mise en scène. Et même plus que ça : les idées. Benoît Delépine semble avoir profité de ce film solo pour se lâcher complètement sur la forme. Rien que le choix du format d’image, c’est un choc. C’est un format totalement inédit, une bande horizontale ultra étirée, un panorama permanent qui donne l’impression d’être devant une frise mouvante. Je n’avais jamais vu ça. L’image est magnifique, elle hypnotise, elle donne une ampleur folle aux champs, aux routes, aux petites maisons perdues. C’est grandiose, il n’y a rien à dire.
Ensuite, il y a l’idée, complètement barrée, de basculer régulièrement dans la vision des animaux. Le film nous fait littéralement entrer dans les yeux d’une abeille, d’un rapace, d’un pigeon, d’un renard… C’est déstabilisant, étrange, surprenant à la fois. C’est le genre de trouvailles que je voulais voir dans un Delépine solo : du culot, du grain de folie, du cinéma qui n’a peur d’oser. Et de ce côté-là, le film se fait carrément plaisir.
Du côté des acteurs, Samir Guesmi est très bon, dans un rôle très ingrat : un personnage taiseux, mystérieux, quasi mutique, qui doit exister par sa présence seule. Il fait le job, mais le mystère du personnage ne prend jamais vraiment, en tout cas pas pour moi. Les rôles secondaires vont et viennent, parfois amusants, parfois anecdotiques. Seul Olivier Rabourdin tire vraiment son épingle du jeu, avec un personnage un peu flippant, qui rappelle le meilleur du duo Delépine/Kervern dans leurs portraits très acides.

Au final ? Eh bien… je suis sorti déçu. Pas fâché. Pas agacé. Non, juste déçu. Le film a des idées phénoménales, vraiment. Benoît Delépine ose des cadrages, des visions animales, des transitions folles. Techniquement, le film est magnifique. Il y a un vrai univers. Mais tout ça repose sur la technique. Il y a bien des sujets, le film raconte quelque chose mais il n’a pas réussi à m’accrocher. La première partie m’a ennuyé, la seconde m’a réveillé trop tard, et j’ai surtout eu la sensation que le film, ou plutôt l’intrigue, se cassait la tête pour pas grand-chose, car au vu de l’objectif du personnage à pied ou autre, ça n’aurait pas changer la finalité. Bref, c’est frustrant. Après cet essai solo, qui reste une proposition de cinéma intéressante, j’ai désormais hâte, très hâte, de retrouver le duo pour de prochaines frasques.
Note : 10/20
Par Cinéted
