Avis :
Il arrive parfois que l’on passe à côté de grands groupes, la faute à une idée fausse, ou à un morceau que l’on n’a pas pu blairer lors de sa sortie. Ce fut pour le cas pour The Cure, et dans les deux cas précités. Déjà parce que je pensais que le groupe de Robert Smith était un truc mou du genou et dépressif. Mais aussi parce que je suis resté bloqué sur Boys Don’t Cry, un morceau que je trouve à la limite de l’écoutable. C’est dire si j’allais sur la pointe des pieds sur Songs of a Lost World, le dernier album de The Cure, qui intervient près de seize ans après le précédent opus. Pour autant, les critiques dithyrambiques et la venue du premier single ont suffi à me convaincre d’aller y jeter une oreille, et j’ai relativement bien fait.
En effet, dans sa globalité, le quatorzième album de The Cure est une vraie réussite, aussi bien sur le plan technique que sur le plan émotionnel. Il faut dire que Robert Smith a subi plusieurs drames dans sa vie, à savoir la perte de ses parents et de son frère aîné, et comme on le sait, bien souvent, c’est dans la douleur que les artistes accouchent de leur plus beau disque. Ainsi donc, Songs of a Lost World est un skeud très mélancolique, à la fois poétique et sombre, mais d’une douceur langoureuse et insidieuse, avec seulement huit morceaux, mais qui se diffusent tous en nous de façon latente. Les plus connaisseurs diront que c’est leur meilleur album depuis Disintegration, mais point de comparaison ici (album non écouté encore), et force est de constater que ce quatorzième opus est ultra envoûtant.
Et cela commence dès le départ avec le single Alone. Long de plus de six minutes, le groupe propose une longue introduction mélancolique, qui fait la part belle à la mélodie, mais aussi à une batterie assez martiale qui permet à la guitare et au clavier de bien s’exprimer. Lorsque Robert Smith commence à chanter, on est déjà sous le charme, et on se rend vite compte que sa voix n’a pas changé. Il réside quelque chose de très charmant dans ce titre, même s’il demeure finalement assez lent et très triste. Pour autant, malgré les émotions qui peuvent nous subjuguer, il y a vraiment du beau dans ce morceau. Et cela continue avec And Nothing is Forever, qui va pourtant s’orienter vers une sensation différente. Malgré les paroles relativement tristes, la mélodie est plus enjouée, presque joyeuse, offrant une dichotomie parfaite.
Après ces deux longs morceaux qui dépassent les six minutes, The Cure revient à quelque chose d’un peu plus usuel. A Fragile Thing profite d’une belle mélodie à la guitare et d’une batterie plus présente pour accentuer ce sentiment de mélancolie, presque de nostalgie, qui nous touche au plus profond. On aura même droit à un petit solo, remettant alors en avant la musicalité. Puis Warsong va nous cueillir dès son introduction qui évoque le Rock anglais dans sa plus pure tradition, avec même des relents un peu irlandais. Lorsque la gratte arrive, elle est lourde, puissante, envoûtante, et toute la production tend à rendre le titre tout en rondeur, avec une sonorité massive, qui ne sera aérée que par les pointes de clavier qui interviennent de temps à autre. Il s’agit-là de l’un des meilleurs titres de l’album, bénéficiant aussi d’une superbe introduction.
Lorsque Drone-Nodrone débute, on sent que le groupe veut mettre en avant une musicalité plus lourde. La ligne de basse est totalement dingue, et on va en prendre plein les oreilles, même s’il s’agit-là du morceau le plus mainstream de l’album. Pour autant, c’est aussi celui qui bénéficie d’une atmosphère plus pesante, lorgnant presque vers quelque chose de « Métal ». Cela dénote avec I Can Never Say Goodbye, d’une beauté transcendantale, où, dès les premières notes, on est happé dans cette ambiance onirique et mélancolique. All I Ever Am continue sur le même tempo, sur la même atmosphère, et il difficile de décrocher tant c’est beau. Enfin, l’album se clôture avec Endsong, un long morceau de plus de dix minutes, incroyablement réussi, ultra musical (peu de paroles et un long début de plus de six minutes) et qui démontre tout le génie retrouvé de Robert Smith.
Au final, Songs of a Lost World, le dernier album de The Cure, est une sublime réussite, et un retour en force de la part des anglais. Seize ans après un opus décevant, Robert Smith retrouve une nouvelle fougue et une folie créatrice qui trouve ses fondements dans la tristesse et le deuil. Aussi beau que mélancolique, laissant beaucoup de place à la musique, avec peu de paroles (mais qui ont du sens), on peut dire que parmi les surprises inattendues de cette année, The Cure se hisse dans le haut du panier.
- Alone
- And Nothing is Forever
- A Fragile Thing
- Warsong
- Drone-Nodrone
- I Can Never Say Goodbye
- All I Ever Am
- Endsong
Note : 18/20
Par AqME