
Auteurs : Jul et Nicolas Keramidas
Editeur : Glénat
Genre : Humour, Aventure
Résumé :
Cryptomonnaies, nouvelles technologies, réseaux sociaux : assis sur son tas d’or, Balthazar Picsou semble dépassé par son époque… Mais quand il apprend que le titre de « canard le plus riche du monde » lui est volé par le mystérieux Carsten, nouvelle fortune de la tech, son sang de canard ne fait qu’un tour. Épaulé par le génial Géo Trouvetou, et ses neveux devenus influenceurs, il se lance à corps perdu dans la modernité : monnaies virtuelles, followers et selfies façon « duckface ». Mais Carsten, épaulé par les Rapetou, parvient à siphonner les comptes de Picsou dans une perfide cyberattaque ! Picsou, ruiné au milieu de son coffre vide, saura-t-il rebondir et reconquérir son empire ? Le Festival des Canes et son tapis rouge vont peut-être lui offrir une seconde chance…
Avis :
On le sait tous depuis un moment, la collaboration entre Disney et Glénat réserve son lot de surprises, avec des adaptations pas toujours réussies (comme celle de Corto Maltese ou de Moby Dick), ses jolis pièges amusants (Mickey’s Craziest Adventures) et des histoires inédites écrites par la fleur du neuvième art contemporain. Dernier arrivé en date, Picsou et les Bit-Coincoins, un one shot scénarisé par Jul, qui a le vent en poupe, et dessiné par Nicolas Keramidas, qui poursuit son aventure avec cette collection. Ici, il va donc être question de cryptomonnaie et de nouvelles technologies, qui vont mettre Picsou en difficulté, face à un influenceur qui semble bien maîtrisé son sujet, celui de la vacuité. Un tome fort plaisant, intelligent, malin, et qui possède deux niveaux de lecture, un à destination des enfants, et un autre pour les adultes.

Comme dit plus haut, Picsou ne va plus être le canard le plus riche de Donaldville, il va se faire doubler par Carsten Duck, un pro des bitcoins et de la cryptomonnaie. En pleine dépression, il va recevoir l’aide de toute sa famille pour remonter la pente. Donald lui conseille d’investir dans la cryptomonnaie, ce qu’il va faire avec l’aide précieuse de Géo Trouvetou. Et Riri, Fifi et Loulou, maîtrisant parfaitement les réseaux sociaux, vont tenter de redorer l’image de Picsou afin que son investissement en cryptomonnaie soit bénéfique. Mais Carsten Duck est un canard plein de ressources (et plein aux as), et avec l’aide des frères Rapetou, il va ruiner Picsou. Ce dernier, pensant la fin venir, va alors faire un biopic sur sa vie pour le montrer au festival des canes, espérant remporter la palme d’or. Bref, un gros délire, mais savamment orchestré.
Premièrement, on a toujours tendance à croire que les BD de chez Disney sont destinées à un public enfant. Ce n’est pas vrai, car maintenant, les auteurs savent que le public est vieillissant, et du coup, il faut se réinventer et produire des histoires à deux niveaux de lecture. Avec ce tome, les enfants y verront avec plaisir une aventure drôle et bourré de jeux de mots dans laquelle Picsou doit faire un film pour se sortir d’une pauvreté imminente. Le côté radin du canard est poussé à son paroxysme, on a un humour assez fin et tous les personnages ont leur caractère d’origine, avec un Donald un peu naïf, une Daisy qui essaye toujours d’arranger les choses, et trois petits castors juniors qui ont trop d’énergie. C’est frais, c’est jovial, et il y a toujours un élément humoristique à se mettre tous les yeux.
Et puis il y a aussi un second niveau de lecture, qui s’adresse principalement aux personnes plus âgées, ou tout du moins plus matures. A travers cette histoire, on va avoir droit à une sacrée critique autour de la dématérialisation, de cette culture du vide qui prend de plus en plus d’ampleur. Carsten Duck est l’incarnation crasse de ce phénomène, beau gosse bodybuildé qui a construit un empire grâce à internet et aux réseaux sociaux, mais qui ne sait rien faire de ses dix doigts. Il délègue tout le temps, il emploie grâce à son argent, mais fait étalage d’une bêtise affligeante, et d’un déshumanisme alarmant. En plus de ce personnage débile, la BD critique allègrement le festival de Cannes et ses films d’auteur où chacun essaye d’intellectualiser n’importe quoi. C’est acide, sans filtre et fait avec une jolie finesse d’écriture.
Enfin, il faut aussi signaler l’énorme travail de Nicolas Keramidas, qui fournit une magnifique BD au niveau des dessins. C’est tout simplement beau. L’artiste a saisi le trait propre à Don Rosa pour offrir un Picsou plus vrai que nature, s’insérant parfaitement dans cette aventure plus moderne et roublarde. Les couleurs sont belles, et on prend vraiment du plaisir à regarder chaque planche, chaque case avec curiosité. De plus, pour le tirage collector, le petit carnet à la fin est un bonbon qui montre tout le talent du bonhomme.

Au final, Picsou et les Bit-Coincoins est une vraie réussite, et un plaisir de lecture immédiat. C’est à la fois drôle et tendre, loufoque et sensé, avec deux niveaux de lecture intelligents, afin que cette histoire s’adresse à tous les publics. Jul prouve une fois de plus qu’il est un scénariste talentueux, et Nicolas Keramidas un dessinateur de talent, qui demeure un vrai caméléon pour s’insérer dans des univers enfantins, mais avec un trait qui plaira aussi aux adultes. Bref, l’une des meilleures BDs de la collection Disney/Glénat.
Note : 17/20
Par AqME
