
Auteurs : Adeline Blondieau, Eric Summer, Sébastien Goethals (T.01) et Serge Fino
Editeur : Soleil
Genre : Thriller
Résumé :
Juliet Nash a mis sa haine des hommes au service des femmes en leur proposant ses talents de détective privé, sous couvert d’un site Internet baptisé « Angeline ». Quitter cette vie, oublier son passé tourmenté, elle ne le fera que pour Sheryl, sa fille de huit ans dont elle espère enfin obtenir la garde. Bonne nouvelle, le Tribunal vient d’accéder à sa requête. Seulement voilà, avant de rejoindre Sheryl au centre pour enfants, elle doit honorer un ultime contrat : assassiner un mari volage, à la Nouvelle-Orléans… Commence alors pour Juliet une cavale effrénée : parviendra-t-elle à s’échapper du piège qui semble se refermer sur elle, et à retrouver Sheryl en temps et en heure ?
Avis :
Le monde de la BD réserve parfois quelques surprises, notamment quand on jette un œil du côté des scénaristes. En effet, on peut y retrouver des auteurs de romans bien connus, ou encore des inconnus qui n’auront fait qu’une seule série. Et parfois, on trouve aussi des noms connus mais pas issus du monde littéraire, comme c’est le cas ici, avec Angeline. Si on retrouve le nom d’Eric Summer pour l’idée de base, c’est surtout Adeline Blondieau qui signe l’adaptation en bande-dessinée. Et Adeline Blondieau est une actrice que l’on a pu voir dans la sitcom Sous le Soleil, mais elle s’est aussi fait connaître comme l’une des nombreuses femmes de Johnny Hallyday. Cela démontre que le neuvième art est ouvert à toutes et à tous, et que tout un chacun peut se frotter à l’éventure, où comme ici, au polar hard boiled féministe, plutôt en avance sur son temps.

Série en quatre tomes, Angeline raconte l’histoire de Juliet Nash, une femme tueuse à gages qui s’occupe uniquement de tuer des hommes, suite à des contrats contractés par des femmes. Le début est assez éloquent, avec Juliet qui se fait baiser par un homme avant de le buter. Dès lors, la série nous explique les méthodes de l’héroïne, qui est aidée par une libraire qui lui propose les contrats qu’elle reçoit par internet. En plus de cela, on apprend que Juliet a une fille de huit ans, qui vit dans un pensionnat, et elle a pu retrouver la garde, à condition de se ranger dans le droit chemin. Les choses se compliquent lorsqu’un dernier contrat la trompe, lui faisant tuer une femme, maire de New Orleans, et la faisant fuir l’IRS et la police. Bien entendu, tout cela cache un énorme complot.
Les deux premiers tomes couvrent un premier cycle qui permettent de présenter Juliet, ses méthodes de travail peu orthodoxes, et un background assez sombre. On suit une femme torturée, tourmentée par un passé ignoble peuplé d’hommes monstrueux, et qui essaye de s’en sortir pour subvenir aux besoins de sa fille. L’histoire est profondément féministe, mais elle n’hésite pas à mettre en scène une femme méchante et veule, qui sert ses intérêts avant ceux de la collectivité. On regrettera cependant que ces deux tomes restent assez basiques, malgré des personnages redondants intéressants, ainsi que la Nouvelle-Orléans dans ce qu’elle contient de rednecks et autres bouseux. En fait, la succession des évènements résonnent comme des heureux hasards pour Juliet, qui va s’en sortir grâce à de bonnes rencontres, au bon moment. Si le rythme est relevé, ça manque cruellement de cohérence dans son développement.
Heureusement, les deux autres tomes, qui constituent aussi un nouveau cycle, sont un peu plus intéressants et profonds. On retrouve donc des personnages issus des deux précédents tomes, comme l’électron libre Katielynn, une jeune femme qui devient aussi une tueuse, mais qui veut s’occuper de son père, ce dernier ayant abusé d’elle quand elle était môme. La BD part alors vers des sentiers sinueux où il va être question de rédemption, de fanatisme religieux et de révérend qui tient plus du gourou qu’autre chose. Encore une fois, le rythme est très soutenu, et les aventures s’enchaînent rapidement, ne créant aucun ennui. Ici, le scénario propose d’ailleurs deux chemins, celui de Juliet qui veut sortir de cette spirale mortifère, acceptant alors une dernière affaire qui va mal tourner, et celui de Katielynn qui veut tuer son père, mais qui accepte un dernier deal dangereux.
D’un côté, on va voir que ce polar est relativement nihiliste, avec une sorte de fatalisme. C’est-à-dire que l’on ne peut aller à l’encontre de ce que l’on construit. Le segment de Juliet le montre très nettement, avec cette incapacité à sortir de cette spirale de violence. Et de l’autre côté, les choix de Katielynn vont lui faire perdre pied, montrant bien que la vengeance n’apporte pas le repos de l’âme. Les deux dernières planches sont assez intéressantes car elles évoquent ce fatalisme sans pour autant être appuyées. En quatre cases successives, on devine les chemins empruntés par Juliet et Katielynn, et aucun des deux n’est le bon.

Au final, Angeline demeure une bande-dessinée fortement recommandable, où il faut faire l’effort de dépasser un premier tome en deçà des autres. Polar froid et sans une once d’espoir, où tout le monde est pourri, Angeline déverse son flot de désespoir à travers deux femmes aux destins brisés. Bref, si on peut trouver mieux, force est de constater que vingt ans plus tard, cette série tient toujours la route, et laisse un sentiment cru à la fin de sa lecture.
Note : 15/20
Par AqME