
Titre Original : Armand
De : Halfdan Ullmann Tøndel
Avec Renate Reinsve, Ellen Dorrit Petersen, Endre Hellestveit, Thea Lambrechts Vaulen
Année : 2025
Pays : Allemagne, Pays-Bas, Suède, Norvège
Genre : Drame, Thriller
Résumé :
Lorsqu’un incident se produit à l’école, les parents des jeunes Armand et Jon sont convoqués par la direction. Mais tout le monde a du mal à expliquer ce qu’il s’est réellement passé. Les récits des enfants s’opposent, les points de vue s’affrontent, jusqu’à faire trembler les certitudes des adultes…
Avis :
Petits-fils du réalisateur Ingmar Bergman et de Liv Ullmann, Halfdan Ullmann Tøndel a étudié le cinéma avant de commencer à se faire la main avec des courts-métrages au milieu des années 2010. Le projet de « La convocation« , ça fait une dizaine d’années qu’il l’a en tête. Depuis le tout début de ce projet, Halfdan Ullmann Tøndel est en étroite collaboration avec Renate Reinsve, et c’est ensemble qu’ils essaient tant bien que mal de monter le financement du film. Puis est arrivé 2021 et « Julie en douze chapitres« , où Renate Reinsve a gagné le prix de la meilleure actrice au Festival de Cannes. Dès lors, tout s’est activé, la carrière de l’actrice s’envolant. Fidèle, le soir même, après ce prix, elle a appelé le réalisateur pour lui dire que c’était génial et que ce prix allait les aider à concrétiser le film.

Et nous y voilà, trois ans après ce prix et plusieurs mois après la Caméra d’Or remportée à Cannes 2024 pour ce film, voici que « La convocation » s’apprête à arriver sur les écrans de cinéma, et c’est grandiose. Si le synopsis a tout l’air de s’arrêter sur un sujet ô combien difficile, « La convocation » va aller bien plus loin que son postulat de base et se poser comme un grand film qui dresse des portraits peu flatteurs, où non-dits, jalousie, colère, principe de précaution, ou encore réflexions sur le deuil sont de mise. Tenu par une immense Renate Reinsve, le film secoue et fascine, ne laisse pas indifférent. Mieux encore, cette séance de cinéma pas comme les autres a une belle tendance à se prolonger lorsque l’on quitte la salle de cinéma, et ça, c’est excellent.
« le film pointe du doigt les idées toutes faites »
Élisabeth est convoquée en urgence à l’école de son fils. L’administration n’a pas voulu lui dire pourquoi elle doit venir si vite et une fois arrivée sur place, elle doit attendre l’arrivée des parents d’un autre élève, qui est aussi un ami de son fils. Une fois tout le monde réuni, Élisabeth va apprendre que son fils, Armand, six ans, aurait abusé sexuellement parlant de son ami. Mais la situation est étrange, les mots employés sont étranges, et bientôt, les certitudes des adultes vacillent face à une situation qui va être bien plus complexe et difficile qu’elle ne le laisse paraître au départ.
« La convocation« , c’est une histoire que le réalisateur a en tête depuis très longtemps, et il a pris le temps de prendre soin de son intrigue. On peut dire que pour un premier essai au format long, Halfdan Ullmann Tøndel n’a pas choisi la facilité. Le réalisateur aurait très bien pu se concentrer sur les prémices de son histoire, c’est-à-dire une possible agression sexuelle, ou un jeu d’enfants qui dérape, ou rien du tout d’ailleurs…, mais « La convocation » va aller creuser plus loin que ça, et ça, que ce soit dans son histoire, dans sa mise en scène, qui parfois va s’aventurer à offrir des scènes de danse aussi fascinante que belles et bourrées de métaphores, qui résonnent encore et encore à la sortie de la séance (notamment la dernière scène).
« La convocation » est donc un film qui cache soigneusement son intrigue, pour nous distiller ses indices, ses non-dits et plus encore, au fil d’une trame qui sait exactement où est-ce qu’elle va. Si le film aborde le sujet délicat de « la sexualité » chez les enfants, enfin, si l’on peut dire cela ainsi, le film va petit à petit creuser et creuser, et creuser, pour faire totalement vaciller les certitudes que l’on peut avoir face aux premiers discours qui sont tenus. S’il y a bien un semblant de dialogues, le film pointe du doigt les idées toutes faites, les jugements à l’emporte-pièce, et plus loin que ça, le film s’aventure sur les sentiers du deuil. Un deuil impossible et une forme de jalousie qui pousse à faire des choses inimaginables.
« Renate Reinsve est immense de scène en scène »
Le tout est servi avec énormément de subtilités et un soupçon d’audace avec un traitement de ses personnages qui est assez dingue. C’est bien simple, tous les personnages sont intéressants à suivre, car tous ne sont que des nuances de gris. Ce qui est terrible avec le traitement de ces personnages, c’est que l’on ne sait jamais vraiment sur quel pied danser avec eux. Il y a toujours un doute qui s’installe, et même si l’intrigue pousse en un sens, le doute résiste et c’est ce qui est incroyable avec le film, et c’est ce qui fait aussi que l’on ressort du film avec cette histoire qui nous poursuit. Ça et tout un tas de scènes marquantes aussi.
Avec ça, histoire de marquer un peu plus les esprits, il faut dire que le film d’Halfdan Ullmann Tøndel a la chance d’avoir des acteurs extraordinaires, et là, on ne va pas parler que de Renate Reinsve qui est immense de scène en scène, nous offrant sûrement le fou rire le plus fou et tendu de l’année. Non, « La convocation« , c’est aussi Ellen Dorrit Petersen (« The Innocents« ), Endre Hellestveit (« Pioneer« ), Øystein Røger (« Oslo, 31 Août« ) et Thea Lambrechts Vaulen, qui est d’ailleurs une sacrée révélation, tenant le rôle d’une jeune professeure des écoles, l’actrice est bluffante d’un bout à l’autre.

Au bout de tout cela, ce premier film, qui a reçu une Caméra d’Or à Cannes, se pose comme une grande, très grande, surprise. Film incroyable, huis clos étouffant, car oui, le film est un huis clos où l’on ne sort jamais de l’école où a lieu cette convocation, drame humain sidérant, où l’on analyse les enfants et les parents, film qui fait vaciller des certitudes, et tenu par des acteurs forts, qui crèvent tous l’écran… Bref, ce premier film de Halfdan Ullmann Tøndel est une claque !
Note : 18/20
Par Cinéted