
Titre Original : Roma a Mano Armata
De : Umberto Lenzi
Avec Maurizio Merli, Arthur Kennedy, Giampiero Albertini, Ivan Rassimov
Année : 1976
Pays : Italie
Genre : Thriller
Résumé :
Désavoué par sa hiérarchie, le commissaire Tanzi doit quitter Milan. Sommé de respecter la loi et le protocole en matière de procédures, on tente de lui faire la leçon sur ses méthodes brutales, jugées par trop expéditives. Sa mutation à Rome où sévit un psychopathe de la pire engeance, Vincenzo Moretto dit « Le Bossu », ont raison de ces bonnes résolutions.
Avis :
Durant les années 70, l’Italie possède un climat social très particulier, avec des politiques et une police corrompus, des mafieux qui règnent en maître, et surtout, des terroristes qui font planer un sentiment d’insécurité assez impressionnant. De ce fait, les cinéastes italiens vont proposer une réponse à cette violence en proposant des thrillers policiers où certains « héros » utilisent la manière forte pour se faire respecter et faire payer les crimes aux délinquants. C’est ce que l’on va appeler les poliziesco italiens. Et parmi les réalisateurs qui ont le plus surfé sur la vague, il y a Umberto Lenzi qui va se faire plaisir avec des films comme La Mort en Sursis, Opération Casseurs ou encore Brigade Spéciale qui nous préoccupe entre ces lignes.

L’histoire rentre pleinement dans les carcans du genre. Tanzi est un flic solitaire qui en a marre des lois protégeant les voleurs et autres délinquants. Ses méthodes expéditives et violentes ne correspondent pas aux valeurs de la police, et il va donc être muté à Rome. Malheureusement, sur place, il va être confronté au bossu, un criminel en roue libre totale qui laisse un sillon de cadavres derrière lui. Tanzi va alors laisser de côté les règles de son métier et de ses supérieurs pour arrêter ce meurtrier. Bref, on fait face à un flic solitaire, fatigué par les contraintes des lois qui laissent le champ libre aux voyous, et qui va se faire justice tout seul. Umberto Lenzi ouvre donc la voie à ce que l’on pourrait appeler le Vigilante Movie, où un homme décide de se faire justice tout seul.
« Brigade Spéciale va trop loin dans le portrait sombre de la société romaine. »
Brigade Spéciale est un film qui demeure tout de même assez nihiliste dans sa façon de présenter la société italienne. Dès que l’on se balade dans les rues de Milan ou de Rome, il y a constamment des méfaits qui se produisent. Larcins, vols à mains armées, viol, petits bourgeois qui se croient au-dessus des lois, prise d’otage, prostitution, le réalisateur n’y va pas avec le dos de la cuillère pour présenter une société qui part à vau l’eau et qui n’a pas une once de beauté. La mise en scène sèche et sans fioriture tend à rendre cela tangible, et ça fait presque froid dans le dos. Le film est une réussite sur son ambiance anxiogène, même si parfois, il en fait un peu trop, à l’image de cette femme qui tombe en panne, et qui va se faire voler par un motard.
En fait, il se passe tellement de mauvaises choses, l’axe choisi ne possède tellement pas de nuances qu’au final, on a du mal à croire en tout ça. C’est bien simple, à chaque fois que Tanzi fait des patrouilles, il se passe toujours quelque chose d’affreux, ou il tombe pile au bon moment sur un fait divers dont il ne peut s’empêcher d’intervenir. En ce sens, Brigade Spéciale va trop loin dans le portrait sombre de la société romaine, tirant parfois jusqu’à la parodie, et n’introduisant aucune enquête, sinon une succession de malfrats qui vont se faire arrêter (ou tuer) par notre héros solitaire. Le scénario manque de consistance, sinon d’un fil rouge plus ténu qui proposerait une véritable enquête, ou tout du moins un schéma structurel plus solide. Certes, on ne s’ennuie pas, mais il manque une vraie accroche.
« Brigade Spéciale gagne des galons avec son casting inspiré. »
Cependant, on ne peut renier que le film possède quelques qualités intéressantes, notamment dans les messages qu’il essaye de faire passer. A plusieurs reprises, Tanzi arrête des bandits en flagrant délit, mais ces derniers sont protégés par de bons avocats, et ils connaissent sur le bout des doigts des lois qui leur permettent de faire tout et n’importe quoi. Umberto Lenzi pointe du doigt un système judiciaire à revoir et des politiques corrompus qui s’assoient volontiers sur des avancées sociétales. De plus, on verra aussi comment fonctionne les institutions autour des mineurs, avec la femme de Tanzi qui va se faire attendrir par deux voyous, les libérant malgré leurs méfaits, et qui vont trouver la mort quelques temps après. Le film montre bien les limites d’une société pas forcément laxiste, mais qui possède des puissants faisant ce qu’ils veulent, et alimentant un marché nocif.
Enfin, outre sa mise en scène relativement rêche, Brigade Spéciale gagne des galons avec son casting inspiré et ses personnages qui rentrent dans des carcans intéressants. Maurizio Merli est très bon dans le rôle de ce flic solitaire et bourru, malgré quelques séquences qui peuvent prêter à sourire, notamment lors d’une prise d’otages dans une banque. Il faut aussi saluer la prestation iconoclaste de Tomas Milian en tueur bossu qui ne connait aucune limite. L’acteur est en roue libre, mais il est efficace et s’avère être une ordure de premier ordre, mais un monstre qui a été créé de toutes pièces par des flics le molestant sans vergogne. Le dernier quart du film est impressionnant de tension et montre un duel au sommet entre les deux personnages.

Au final, Brigade Spéciale est un film qui a tout de même un peu vieilli malgré son côté divertissant, court et concis. Umberto Lenzi dresse un portrait au vitriol de la société italienne, mais il va tellement loin dans le nihilisme qu’à certains moments, il est compliqué de ne pas sourire. Fort heureusement, le film tient sur une mise en scène froide et efficace, ainsi qu’avec un casting solide qui s’investit totalement dans l’histoire. Bref, un bon film, qui rappelle à quel point l’Italie des années 70 n’était pas un pays de rêve…
Note : 14/20
Par AqME