Titre Original : The Fly
De : David Cronenberg
Avec Jeff Goldblum, Geena Davis, John Getz, Leslie Carlson
Année : 1987
Pays : Canada, Etats-Unis
Genre : Horreur, Science-Fiction
Résumé :
Seth Brundle est un jeune biologiste très doué. Après avoir fait ses premières armes dans une brillante équipe, il se décide à travailler seul. Il met au point une invention qui doit révolutionner le monde : la « téléportation », qui consiste à transporter la matière à travers l’espace. Les essais sur un babouin sont peu convaincants et après des fuites dans la presse, il décide de se téléporter lui-même. Seulement il ne s’aperçoit pas qu’une mouche fait partie du voyage.
Avis :
A quoi reconnait-on un classique du cinéma ? La question est légitime, car aujourd’hui on emploie le terme chef-d’œuvre dès qu’un film plait. Mais est-ce là la vraie définition du mot ? Un plaisir instantané sur un film réussi au moment de sa sortie ? Clairement non. Il est difficile de trouver un bon sens au mot chef-d’œuvre tant chacun à ses propres sensibilités, ses propres émotions face à un film (ou n’importe quelle œuvre culturelle). Mais une chose est sûre, si un film est un chef-d’œuvre alors sa première définition est qu’il ne vieillit pas. Un chef-d’œuvre est un film qui, peu importe quand il est regardé, ne prend pas une ride et propose des thématiques toujours d’actualité. Rares sont alors de tels films, et ils sont précieux. La Mouche, de David Cronenberg, fait partie de ceux-là.
A love story
On classe bien souvent La Mouche dans la catégorie science-fiction/horreur, mais il se trouve qu’avant toute chose, c’est une histoire d’amour. A la ville comme à la scène à l’époque, Jeff Goldblum et Geena Davis forment un couple parfait. Un couple qui s’apprivoise, se cherche au départ, avec des points d’intérêt différents (lui est déjà amoureux alors qu’elle y voit une aubaine pour un article scientifique), puis qui va tomber amoureux. De cet amour va naître de la joie, de l’euphorie, mais aussi des doutes et de la jalousie. Après quelques échecs et une grosse réussite, Seth va douter de l’amour que lui porte Veronica. Sous l’emprise de l’alcool et désireux d’aller plus vite dans ses recherches, il se place comme cobaye et le drame apparait. Sa transformation passe alors par plusieurs étapes, où son physique se détériore en même temps que la douleur grandit chez Veronica.
La Mouche, c’est clairement deux transformations en même temps. Celle physique de Seth Brundle, qui essaye de comprendre pourquoi il devient ce monstre. Et celle mentale de Veronica qui garde un amour fou pour ce génie mais qui va devoir lui dire adieu pour le libérer de sa souffrance. Une souffrance physique pour l’un, et une souffrance psychique pour l’autre. Ainsi donc, La Mouche peut presque se voir comme un divorce forcé, un drame tragique dans lequel celui qui reste doit faire face à celui qui part. Et les deux contre leur volonté, ce qui rend le film d’autant plus triste, d’autant plus dramatique, et donc, d’autant plus fort. De ce fait, on voit bien que derrière l’aspect horreur, science-fiction, fantastique, il y a une grosse part de romance et d’amour qui se dégage de ce film pourtant bien gore.
Body Horror
Lorsqu’il accepte de faire ce film (qui est, rappelons-le, un remake), David Cronenberg est en pleine ascension et surtout, il est dans sa phase Body Horror. Des films comme Scanners, Videodrome ou encore Chromosome 3 atteste de son goût pour les transformations physiques bien dégueulasses. Et La Mouche ne va y échapper. Pour autant, là encore le réalisateur va inclure du fond au gore. Il va utiliser cette transformation en plusieurs étapes pour décrire les différents stades de la maladie, mais aussi pour renforcer l’affect que l’on va avoir pour Seth Brundle. Génie incompris, mari aimant, voire jaloux, il va ensuite passer plus des étapes plus ou moins détestables avant de nous faire pitié. Il est d’abord euphorique, se sentant plus en forme que jamais. Puis par la suite, il devient aigri, sorte de monstre de Frankenstein piégé dans un nouveau corps, pour devenir en suite fou, machiavélique et incontrôlable.
Son aspect grotesque sur le final, nous fait mal. On ressent tellement d’empathie pour cet homme qui n’a pas une once de mauvais en lui, qu’à la fin, alors qu’il ne ressemble plus à rien, ses lamentations nous touchent autant que Veronica. Une Veronica qui va se faire violence pour libérer son amour. Une Veronica qui fait appel à tout son courage pour mettre fin à un calvaire que personne ne voudrait vivre. Elle aussi se pose des questions, doute, hésite, essaye de voir l’homme derrière le monstre. Un combat peut-être encore plus difficile que celui de Seth. Pour mettre en image cette histoire charnelle, David Cronenberg se laisse aller à une sorte de gore décomplexé. La chair prend une importance capitale, tout comme la peau, qui se délite, se boursoufle au fur et à mesure du film.
Jusqu’à un final crado et pourtant touchant, le cinéaste réussissant le tour de force de rendre ce qui est laid, beau.
Bzzz Bzzz
Mais que serait La Mouche sans la prestation sans faille de ses acteurs. En couple à l’époque, Jeff Goldblum et Geena Davis composent un vrai duo de cinéma. Et cela dès l’ouverture du film, qui démarre dans un vernissage pour se terminer dans un laboratoire. David Cronenberg les filme de la façon la plus simple possible, les deux amoureux n’ayant qu’à être eux-mêmes pour simplement nous toucher. Si on pourrait dire que le film manque de seconds couteaux, cela permet de bien cibler la relation entre les deux amoureux et donc de rendre cela plus touchant et plus tragique. Et que dire de la mise en scène de Cronenberg, plus personnelle que jamais, jouant constamment entre le corps et la technologie, fer de lance d’un cinéma qu’il ne lâchera que tardivement et dont on retrouve quelques aspects dans ExistenZ par exemple.
Au final, La Mouche est un grand film. Il s’agit d’un film pour lequel le terme chef-d’œuvre n’est pas usurpé. Plus de trente ans plus tard, le métrage reste toujours d’actualité, aussi bien dans sa trame tragique que dans sa relation amoureuse. Les effets spéciaux, tous artisanaux, renforcent le côté charnel et permettent au film de ne pas vieillir sur le plan visuel, bien au contraire. Bref, La Mouche n’a pas volé son statut d’œuvre culte et s’impose aujourd’hui encore comme une référence.
Note : 19/20
Par AqME