
Auteur : Roland Portiche
Editeur : Flammarion
Genre : Historique
Résumé :
En 1895, Camille Flammarion, astronome réputé, se retrouve au coeur de la forêt amazonienne où il rencontre un peuple autochtone. Accompagné de son ami Jules Verne, du prince Nikola du Monténégro et de sa fille Milica, le scientifique découvre les croyances de cette communauté où les esprits tiennent une place importante.
Avis :
À bien des égards, le XIXe siècle constitue un tournant majeur dans l’histoire de l’humanité. Cela vaut pour le contexte politique, les avancées technologiques ou le patrimoine culturel que nous a légué cette époque. Une période riche et dense qui s’est aussi caractérisée par les combats sociaux et l’égalité des droits entre les individus. De prime abord, chacune de ces thématiques demeure distincte et peut faire l’objet d’une intrigue, d’un univers à part entière. Après la trilogie Ernetti et une incursion historique bienvenue, Roland Portiche se propose pourtant de les aborder toutes de front avec pour fil directeur le surnaturel et le spiritisme.
L’Astronome et les spectres constitue le premier tome des enquêtes de Camille Flammarion. Un projet prometteur et enthousiasmant qui permet d’appréhender cette période sous couvert d’une fiction, mais avec un contexte ô combien porteur pour immerger son lectorat. D’ailleurs, le récit démarre sous les meilleurs auspices. L’exposition demeure soignée. Les personnages sont bien campés. À la manière de la manifestation d’ectoplasmes, l’atmosphère se délaye progressivement dans l’air, augurant une part de mystères indissociables du monde des esprits. Le sujet est intrigant et l’on peut escompter quelques explications rationnelles, à tout le moins des investigations entraînantes et maîtrisées.
Du trépas de Victor Hugo à la séance de spiritisme qui tourne mal, le premier tiers du livre est donc l’occasion de poser les bases d’un univers perclus de secrets. Sans pour autant fourmiller de détails, on apprécie également la reconstitution du Paris de l’époque, ainsi que la présence de Jules Verne. On se laisse porter par l’histoire et une progression dynamique, soutenue par la plume légère de l’auteur. Toutes les conditions sont réunies pour fournir un excellent ouvrage. Seulement, l’orientation du récit laisse poindre quelques réserves. Ce n’est point l’approche aventureuse qui interpelle, mais plutôt les justifications pour amener les protagonistes en Amazonie, sans oublier un détour par le Monténégro.
On change donc totalement de registre. À ce stade, on peut toutefois encore espérer des explications plausibles, en vain. Là où l’on s’attendait à un roman historique, voire un polar teinté de paranormal, on s’immisce dans des considérations farfelues. Même sous l’angle du fantastique, les péripéties vont de mal en pis. Au-delà d’une progression prévisible, on assiste à des confrontations bancales. Celles-ci se résument à des échanges sans fondement et des heurts physiques bâclés. À l’image de ces médiums qui fomentent leur numéro, l’auteur délaisse toute rigueur pour se complaire dans le sensationnalisme, sans maîtriser ses sujets ou l’évolution de son récit.
Mais cela n’est rien en comparaison des élucubrations qui régissent le monde des esprits. De fait, on se perd dans un discours qui relève de la science-fiction. En d’autres circonstances, le propos aurait pu être intéressant à exploiter, mais pas après s’être immiscé dans autant de genres. Certes, on avait pu constater une propension de l’auteur pour amalgamer des styles dissemblables, comme le voyage dans le temps avec l’histoire des religions. Ici, on assiste à un délire matrixien, teinté de transhumanisme. Les motivations des « esprits » sont aussi triviales que celles des humains ; enlèvement, chantage et terrorisme à l’appui. Mention spéciale au dénouement qui nous inflige une redite des neuf plaies d’Égypte, un règlement de compte expéditif et un épilogue à la fois ridicule et inutile.
Au final, L’Astronome et les spectres constitue un piètre premier tome pour les enquêtes de Camille Flammarion. Avec sa mise en contexte et son approche, l’intrigue démarrait pourtant sur d’excellentes bases. Cela sans oublier la prestance des personnages principaux. Malheureusement, la suite nous entraîne dans des considérations saugrenues qui tournent en dérision le spiritisme, les récits d’aventures et des thématiques chères à la science-fiction. La rigueur historique se noie dans les tréfonds de l’Amazone, tandis que la progression multiplie les approximations et les retournements de situation poussifs. Dans un registre différent, il en ressort un sentiment similaire à ce que l’on a pu constater avec la trilogie Atlantis d’A.G. Riddle. Un potentiel évident, une approche captivante et… un traitement raté qui aboutit à un résultat navrant.
Note : 07/20
Par Dante