avril 20, 2025

Ni Chaînes Ni Maîtres – Un Très Bon Premier Film

De : Simon Moutaïrou

Avec Ibrahima Mbaye Tchie, Camille Cottin, Anna Thiandoum, Benoît Magimel

Année : 2024

Pays : France

Genre : Drame, Historique

Résumé :

1759. Isle de France (actuelle île Maurice). ​Massamba et Mati, esclaves dans la plantation d’Eugène Larcenet, vivent dans la peur et le labeur. Lui rêve que sa fille soit affranchie, elle de quitter l’enfer vert de la canne à sucre. Une nuit, elle s’enfuit. Madame La Victoire, célèbre chasseuse d’esclaves, est engagée pour la traquer. Massamba n’a d’autre choix que de s’évader à son tour. Par cet acte, il devient un « marron », un fugitif qui rompt à jamais avec l’ordre colonial.

Avis :

Nouveau venu dans le paysage de la réalisation, puisque « Ni chaînes ni maîtres » est son premier film, Simon Moutaïrou n’est pourtant pas un débutant, ou du moins un inconnu, dans le monde du cinéma. En effet, bien avant de se mettre à la réalisation, il est surtout connu comme scénariste. Un scénariste qui a un penchant pour le cinéma de genre, travaillant sur des films comme « Le vilain » d’Albert Dupontel, « Goliath » de Frédéric Tellier, ou encore de « Burn Out » et « Boite noire » de Yann Gozlan. D’ailleurs, il sera nommé au César du meilleur scénario original.

Après une longue période, voici donc que Simon Moutaïrou passe une étape, passant à la case réalisation, après avoir bien entendu écrit le scénario de son film. Très tôt, Simon Moutaïrou savait que son premier film parlerait de l’esclavage, et il va avoir mis du temps pour peaufiner ses idées et son histoire, puisque c’est vers la fin des années 2000 que les balbutiements de « Ni chaînes ni maîtres » commence à germer. Film ambitieux, on peut dire que pour son premier long-métrage, Simon Moutaïrou n’a vraiment pas choisi la facilité, en cochant le film histoire, le film engagé et politique, et avec ça, il va fortement mélanger les genres, ce qui donnera un film prenant et intéressant, même s’il va aussi avoir tendance à avoir du mal à se conclure, se prolongeant et se faisant longuet sur sa fin.

«  »Ni chaînes ni maîtres » vient de nous offrir un joli morceau de cinoche. »

1759 sur l’Isle De France (aujourd’hui l’île Maurice), Cicéron est un esclave qui travaille dans la plantation de Monsieur Larcenet. Cicéron élève et protège sa fille comme il le peut, l’instruisant afin de lui offrir un meilleur avenir au sein de la plantation. Mais les espoirs, ainsi que le privilège de Cicéron, s’envolent le jour où Monsieur Larcenet reçoit le nouveau Gouverneur de l’Isle.

Eh bien pour un premier film, on peut dire que ce « Ni chaînes ni maîtres » est un film qui a de la tronche, aussi bien dans ce qu’il raconte, que dans la façon dont Simon Moutaïrou a de nous raconter son histoire et ses personnages.

 Depuis quelques années déjà, le cinéma français est en train de changer de visage, et plus particulièrement ces dernières années, où l’on a vu l’émergence de beaucoup de nouveaux réalisateurs et réalisatrices, qui ont une envie de cinéma autrement, loin des comédies potaches ou des drames larmoyants, et ça fait du bien. À ces noms, il faut alors ajouter celui de Simon Moutaïrou qui avec « Ni chaînes ni maîtres » vient de nous offrir un joli morceau de cinoche. « Ni chaînes ni maîtres » n’est pas un film parfait, c’est même un film qui tient pas mal de maladresses et de défauts, mais sur son ensemble, l’histoire de ce père qui cherche sa fille, et plus largement l’adaptation d’une légende émanant de l’île Maurice, fut très prenante.

« Simon Moutaïrou gère parfaitement son suspens, ne faisant qu’accroître ce dernier. »

 « Ni chaînes, ni maîtres » est un film qui s’intéresse à ceux qu’on appelait les marrons, ou les marronniers, c’est-à-dire des esclaves qui ont brisé leurs chaînes et ont réussi à s’échapper. Si on a l’habitude de voir ce genre de film dans le cinéma américain, avec « Ni chaînes ni maîtres« , Simon Moutaïrou nous met face à notre histoire, et il le fait de très belle manière. On aurait pu craindre un film manichéen, avec les mauvais blancs d’un côté et les gentils esclaves de l’autre, mais son film, et surtout le portrait de ses personnages, est plus complexe que cela, et c’est ce qui va le rendre très intéressant.

Très bien écrit, construit en trois parties, si toutes ne se valent pas, ce qui est terrible avec le film de Simon Moutaïrou, ce sera la façon dont le réalisateur va amener des indices, des éléments et de la culture, alors même qu’une très grande partie de « Ni chaînes ni maîtres« , c’est surtout une traque dans la jungle. D’ailleurs, cette traque est incroyablement prenante, Simon Moutaïrou gérant parfaitement son suspens, ne faisant qu’accroître ce dernier.

 Après, au milieu de tout cela, malheureusement, après avoir atteint comme une sorte de sommet, « Ni chaînes ni maîtres » se dégonfle quelque peu dans sa dernière partie. Si on comprend bien les intentions, et si les scènes et les idées en elles-mêmes sont bonnes, il n’empêche que le film a bien du mal à se conclure, Simon Moutaïrou traînant de la trame, pour amener ses personnages vers un final que l’on imaginait déjà.

« Un film sombre, qui parfois peut tourner au thriller nerveux. »

Pour raconter cette histoire, et plus loin derrière, cette traque, Simon Moutaïrou nous entraîne dans un film étonnant de par sa beauté et ses idées. Magnifiquement filmé, tenu par un rythme ferme qui ne nous lâche pas pendant une grande partie, le film a aussi une facilité assez déconcertante à naviguer entre les genres.

Comme je le disais plus haut, le réalisateur raconte un bout d’histoire, tout en s’inspirant aussi d’une légende « urbaine », et ça, ça donne un film très intéressant. Un film sombre, qui parfois peut tourner au thriller nerveux dans sa traque, et d’autres fois, il mute en quelque chose de plus surnaturel, ou de divin (d’ailleurs, la religion est beaucoup abordée dans son récit), avec presque des événements qui vont être libres d’interprétation, ce qui nourrit encore un peu plus le film. Après, j’y reviens, mais il est vraiment dommage que tout ce beau travail soit abîmé par une fin qui traîne de la patte.

Au bout du compte, malgré ses défauts qui peuvent abîmer la séance, « Ni chaînes ni maîtres » de Simon Moutaïrou est un bon film. Un film bien écrit, riche dans son développement, riche dans ses sujets, enrichissant même de par ce qu’il aborde. Avec ça, il est aussi riche dans sa mise en scène, qui est aussi magnifique qu’inspirée. Puis enfin, il est très bien tenu par ses comédiens, Ibrahima Mbaye Tchie et Camille Cottin en tête. Franchement, avec un premier film comme celui-là, on est curieux de voir ce que Simon Moutaïrou fera par la suite.

Note : 15/20

Par Cinéted

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