De : Joel Schumacher
Avec Cate Blanchett, Ciaran Hinds, Gerard McSorley, Barry Barnes
Année : 2003
Pays : Irlande, Angleterre, Etats-Unis
Genre : Biopic, Thriller
Résumé :
Au milieu des années 90, Dublin est le terrain d’une guerre sans merci entre les barons de la drogue qui s’arrachent le contrôle de la ville. Leur plus farouche adversaire est Veronica Guerin, une courageuse journaliste qui dénonce leurs pratiques.
En révélant de nombreuses affaires et en révélant le nom des personnes impliquées, celle-ci met sa famille en danger. Ecartelée entre son angoisse de mère de famille et son sens du devoir professionnel, elle devient une héroïne nationale aimée et admirée du peuple irlandais.
Chaque tentative d’assassinat à son égard ajoute à sa légende… jusqu’à sa mort en 1996. Son décès provoquera une révision brutale des lois de son pays et conduira à l’arrestation des plus grands criminels.
Avis :
Joel Schumacher est un réalisateur qui a une filmographie en dents de scie. Si l’on retrouve d’excellents films, on ne peut pas dire qu’il ait été constant dans la qualité de son travail. Ses deux Batman en attestent, il est capable de rendre de belles copies comme des bouses immondes qui fleurtent constamment avec le nanar. Pour autant, et certainement pour la paix de son âme, on préfère se rappeler ses réussites, à l’instar de Génération Perdue ou encore Chute Libre ou encore Phone Game sorti en 2002. Et c’est dans ces années-là qu’il est le plus prolifique, sortant coup sur coup Bad Company et Phone Game, puis enchainant l’année d’après avec Veronica Guerin, film qui nous préoccupe entre ces lignes.
Biopic qui se focalise sur une journaliste qui a fait changer les choses en Irlande, thriller autour du trafic de drogue à Dublin, Veronica Guerin ne bouscule pas forcément les codes du genre, mais il met le focus sur une personnalité finalement peu connu dans nos contrées, et qui a pourtant fait énormément pour son pays. Il est d’ailleurs étonnant qu’un seul film ne soit sorti sur cette personne tant sa vie et son combat sont impressionnants, présentant une femme combattive, qui n’a peur de rien, mais qui va le payer très cher.
« Veronica Guerin est un film très classique dans sa mise en scène. »
Le film débute par un flashforward. On y voit Veronica devant un tribunal, qui fait l’énumération de ses effractions au code de la route. Elle ne s’en sort qu’avec une amende, et alors qu’elle téléphone à ses proches, elle se fait agresser lors d’un carjacking. Le film revient alors deux ans en arrière et va nous expliquer tout le déroulement qui a mené à cette agression. Ainsi donc, on découvre une journaliste connue pour ses papiers incisifs, mais aussi et surtout pour son caractère bien trempée, délaissant même sa famille pour son boulot, afin de faire bouger les choses dans son pays. Lorsqu’elle découvre que l’Irlande est en proie à une prolifération de drogues dures, et que de jeunes gens meurent d’overdose, elle décide de mener l’enquête, et va mettre les doigts dans un rouage fracassant
En soi, l’histoire est très classique. On suit une personnalité qui voit en son enquête une mission d’ordre public, et qui va tout faire pour dénoncer les pratiques dans un monde de brutes. Et en ce sens, la réalisation de Joel Schumacher ne va pas bousculer nos rétines. Veronica Guerin est un film très classique dans sa mise en scène, mais aussi dans sa structure narrative. C’est-à-dire que rien ne viendra chambouler la narration, si ce n’est son flashforward qui annonce une dérive vers de l’ultra-violence. Une violence qui se caractérise rapidement via des gamins qui se piquent, des enfants qui jouent au milieu des seringues, et des dealers qui ne se cachent même pas, torturant à quasi ciel ouvert les balances. On rentre dans des clichés qui sont là pour nous interpeller et signifier la gravité de la situation.
« Veronica Guerin s’appuie énormément sur la famille de la journaliste pour dresser son portrait. »
Bien évidemment, le film va par la suite prendre des allures de thriller lorsque l’on va suivre la journaliste. Elle va faire parler ses contacts, tout autant ceux des milieux mafieux que la police, et petit à petit, elle va remonter jusqu’au grand chef, un malade mental qui ne connait aucune limite. Le cheminement est assez simpliste là aussi, mais il fonctionne grâce au charisme de cette femme qui ne lâche rien, tel un molosse sur son os. Elle s’impose, prend des grands risques, et va même mettre en danger sa propre famille. Le portrait pourrait presque agacer tant elle fait passer son travail avant ses proches, mais il est évident qu’elle est portée par une ferveur de justice qui excuse presque ses absences.
D’ailleurs, si le film évoque énormément le milieu mafieux et comment un grand ponte arrive à se cacher des policiers, Veronica Guerin s’appuie énormément sur la famille de la journaliste pour dresser son portrait. Une famille aimante, soudée, mais qui a peur des conséquences du métier de journaliste. On retrouve un frère vraiment frileux sur cette enquête, mais surtout un mari conciliant, qui épaule sans aucune contrepartie sa femme, malgré leur enfant, tout le temps joyeux, mais qui souffre en silence de l’absence de cette maman. Cela donne aussi du poids au déroulement psychologique qui s’opère. C’est-à-dire que Veronica commence à avoir très peur, notamment lorsqu’elle se rend compte que sa vie est en danger, mais refuse que cela transparaisse dans les médias, mais elle est protégée par sa famille qui, malgré la peur viscérale, accompagne jusqu’au bout son combat.
Encore une fois, si le film baigne dans une mise en scène assez simple et sans éclat, le personnage et son enquête suffisent à rendre Veronica Guerin intéressant. Et le tout est porté par une Cate Blanchett impériale qui survole tout le casting, arrivant à jouer la femme courage malgré ses peurs et les violences qu’elle va subir. A ses côtés, on peut citer un excellent Ciaran Hinds, qui interprète un mafieux ambivalent, qui veut aider la journaliste d’un côté, mais qui a aussi très peur de son chef et ne veut pas perdre certains avantages. On notera la présence de Colin Farrell, non crédité au générique, pour une séquence assez marrante, au détour d’un pub, pour discuter d’Eric Cantona.
Au final, Veronica Guerin fait partie des bons films de Joel Schumacher. Ce biopic qui prend des allures de thriller est très intéressant dans le portrait qu’il dresse de cette femme courageuse, téméraire, qui va mettre sa vie au service d’un combat, celui contre le trafic de drogue. Un combat funeste, mais qui va changer toute la face d’un pays, diminuant alors la criminalité de 15% et menant à une énorme prise de conscience. Et le film de terminer par une phrase qui fait froid dans le dos, évoquant le nombre de journalistes tués lors d’investigations similaires, montrant l’importance d’un métier qui, aujourd’hui, est dévalué dans les mains de milliardaires aux mains sales.
Note : 14/20
Par AqME