avril 20, 2024

Men – A l’Origine du Mal(e)

De : Alex Garland

Avec Jessie Buckley, Rory Kinnear, Paapa Essiedu, Gayle Rankin

Année : 2022

Pays : Angleterre

Genre : Horreur

Résumé :

Après avoir vécu un drame personnel, Harper décide de s’isoler dans la campagne anglaise, en espérant pouvoir s’y reconstruire. Mais une étrange présence dans les bois environnants semble la traquer. Ce qui n’est au départ qu’une crainte latente se transforme en cauchemar total, nourri par ses souvenirs et ses peurs les plus sombres.

Avis :

Romancier à succès, Alex Garland est entré dans le monde du cinéma par le biais de ses romans et plus précisément son premier livre, « La plage« , dont Danny Boyle en fit une adaptation, en gardant Garland à l’écriture. Par la suite, Alex Garland, entre deux romans, commence à écrire pour le cinéma et il entame une belle collaboration avec Danny Boyle, puisque c’est lui qu’on retrouve derrière les écrits de « 28 jours plus tard » et « Sunshine« . En 2015, sa carrière prend une autre tournure, puisqu’Alex Garland s’essaie à la réalisation. Ça donnera « Ex Machina » et c’est un très beau succès critique et commercial.

Après un détour par la case Netflix qui fut quelque peu mitigé avec « Annihilation« , Alex Garland est de retour dans les salles obscures pour un véritable cauchemar.

Film tripé à l’ambiance glaciale et prenante, « Men » est un voyage halluciné au cœur d’un véritable cauchemar éveillé. Un cauchemar que le réalisateur maîtrise parfaitement, laissant l’ambiance nous tenir petit à petit, pour nous emmener, doucement mais sûrement, vers un final déstabilisant, qui n’aura pas fini de nous hanter. Si on pourra reprocher au film de parfois poser plus de questions qu’il n’offre de réponses, et par conséquent, nous laisser sur notre faim, l’expérience qu’offre Alex Garland, et la proposition de cinéma radicale qui s’éloigne de ce qu’on a l’habitude de voir, vaut amplement le détour.

Après avoir vécu un drame terrible qui a bousculé sa vie, Harper, une jeune femme sans histoire, décide de partir se ressourcer quinze jours à la campagne, seule dans une grande maison qu’elle vient de louer. Alors que le cadre est idyllique, très vite, Harper se sent mal à l’aise. La présence d’un homme étrange, vivant nu dans les bois, lui fait peur, d’autant plus que l’homme en question s’approche de la maison qu’elle a louée. Ce sentiment de mal-être va petit à petit grandir, et emmener la jeune femme dans un pur cauchemar. Un cauchemar nourri de regrets, de remords et d’images du passé qui la hantent…

Ce retour d’Alex Garland dans les salles obscures, je dois dire que je l’attendais avec une certaine impatience, car j’avais l’envie et l’espoir de me reprendre une belle claque comme avait pu l’être « Ex Machina« , et je dois bien avouer qu’en tant qu’expérience, j’ai été servi avec ce film hybride, aussi étrange qu’il est malsain et fascinant à la fois.

Alex Garland pose un poids dès l’ouverture de son film, avec le suicide d’un homme. D’emblée, « Men » impose une ambiance très particulière, que ce soit du côté de son esthétisme, que dans son rythme, et cette ambiance, Alex Garland ne va faire que la décupler et l’accentuer au fur et à mesure de son récit, qui va petit à petit emprunter les sentiers d’un cauchemar, dont l’héroïne, incarnée par la grande Jessie Buckley, ne va savoir comment en sortir, ni quoi faire face à l’impensable.

Le scénario, tout en métaphores, tire ce drame vers le film fantastique qui nous fait penser, notamment vers sa fin, à du David Cronenberg. « Men » est un film qui va prendre un malin plaisir à mélanger les thèmes et les genres, pour donner une œuvre hybride, qui comme je le disais plus haut, ne ressemble absolument pas à ce qu’on a l’habitude de voir. Traitant du deuil, de la culpabilité, des violences faîtes aux femmes, de la toxicité, autant que le film s’en va vers les chemins du fantastique horrifique pour questionner la folie, ce qui va poser énormément de questions, dont on n’aura pas les réponses.

D’ailleurs, à bien y penser, Alex Garland laisse son film libre d’interprétation, et chacun pourra y voir, et surtout en conclure, ce qu’il veut avec ce drame noir empreint de toxicité et de folie. Si tout n’est pas incroyable, si le final, qui est saisissant au possible, peut aussi apparaître comme une démonstration esthétique de la part de son réalisateur (là encore, on peut en conclure ce que l’on en veut), il n’empêche que sur l’ensemble de cette histoire, l’expérience est prenante, terrifiante et fascinante, et ça fait du bien d’être bousculé dans nos salles de cinéma.

En plus d’être une expérience dans ce qu’il raconte, « Men » se pose aussi comme une expérience visuelle et sonore. Le cinéaste prend tout son temps pour construire son ambiance, laissant le décor petit à petit envahir et étouffer ses images et son héroïne. La caméra est posée, le réalisateur utilise souvent des plans larges pour réduire son personnage qui va être pris dans une étrangeté qui le dépasse. Les plans sont sublimes, la lumière est aussi étrange qu’elle est chaude et bouscule les codes, comme je le disais, le film tient pas mal de métaphores parfois bien utilisées, d’autrefois un peu forcées. Alex Garland nous offre une ambiance sonore saisissante, qui tient ses fulgurances, notamment dans son final, où images et sons ne font qu’un tableau des plus cauchemardesques qui en laissera plus d’un sur le carreau.

Puis cette expérience doit aussi beaucoup à ses deux comédiens qui sont excellentissimes. Deux comédiens pas autant connus qu’ils ne le devraient, et on remercie Alex Garland de leur offrir autant de place. D’un côté, on trouve donc la grande Jessie Buckley en femme détruite par un drame, dont les fondements sont bien plus ambigus qu’ils n’y paraissent. L’actrice, dont le personnage va sombrer peu à peu, est bluffante dans chacune des parties de cette histoire. Puis en face d’elle, incarnant tout un tas de personnages à la fois, on trouve le génial Rory Kinnear, qui se trouve parfait dans la peau de tous ces personnages, dont on ne sait pas vraiment quoi en penser et à qui faire confiance, si confiance il peut y avoir. Bref, les deux acteurs tiennent cette expérience sur leurs épaules et ils sont tous deux bluffants de la première à la dernière image.

Le nouveau film d’Alex Garland est donc une sacrée expérience. Une expérience inhabituelle, qui a ses défauts certes, ses interrogations et son manque de réponses, mais derrière ça, « Men » est surtout une expérience viscérale qui arrive à nous tenir en alerte et en fascination de bout en bout de film. Alex Garland bouscule les codes, et il est clair que « Men » divisera radicalement, tant il sort des sentiers battus. Le réalisateur nous laissera donc en conclure ce que l’on veut, ce que l’on en comprendra, et pour ma part, après une théorie, je me replongerais volontiers dans ce cauchemar, histoire d’assurer ou non, ma thèse.

Note : 15/20

Par Cinéted

Une réflexion sur « Men – A l’Origine du Mal(e) »

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