avril 18, 2024

True Mothers – La Guerre des Mères

Titre Original : Asa Ga Kuru

De : Naomi Kawase

Avec Arata Iura, Hiromi Nagasaku, Aju Makita, Taketo Tanaka

Année : 2021

Pays : Japon

Genre : Drame

Résumé :

Satoko et son mari sont liés pour toujours à Hikari, la jeune fille de 14 ans qui a donné naissance à Asato, leur fils adoptif. Aujourd’hui, Asato a 6 ans et la famille vit heureuse à Tokyo. Mais Hikari souhaite reprendre le contact avec la famille, elle va alors provoquer une rencontre…

Avis :

Le paysage du cinéma japonais est essentiellement masculin. De toute époque, quand on pense au cinéma japonais, beaucoup de noms de réalisateurs nous viennent en tête, mais en ce qui concerne les réalisatrices, presque aucun nom ne vient si ce n’est celui de Naomi Kawase, metteuse en scène native de Nara, et qui depuis vingt-cinq ans maintenant livre un cinéma apaisant et un magnifique regard sur la société japonaise.

Trois ans après le joli, apaisant et surtout très discret « Voyage à Yoshino« , film avec notamment Juliette Binoche, Naomi Kawase est de retour en salles avec le label Cannes 2020, pour ce qui se pose comme son film le plus long (2h20), mais aussi et surtout comme l’un de ses plus beaux.

Passionnant dans ce qu’il raconte, magnifique dans son esthétisme, où l’on retrouve tout ce qui fait la beauté et le charme du cinéma de sa réalisatrice, judicieusement construit (c’est même drôle, puisque dans sa construction, « True Mothers » est l’exact inverse de sa bande-annonce), intriguant, surprenant et sensible, « True Mothers« , onzième long-métrage de fiction, est un cru d’exception duquel on ressort bouleversé avec l’envie folle d’y retourner très vite.

Satoko et son mari n’arrivent pas à avoir d’enfant, alors le couple s’est tourné vers l’adoption et c’est ainsi qu’ils ont adopté Asato, un petit garçon, dont la mère, Hikari, s’est vue obligée de l’abandonner à sa naissance, car elle n’avait que quatorze ans. Aujourd’hui, Agato a six ans, et la famille mène une vie heureuse et paisible. Enfin ça, c’est jusqu’à ce que le téléphone sonne et que de l’autre côté de la ligne se retrouve Hikari, qui demande à ce qu’on lui rende son enfant.

Je ne sais pas pour vous, mais en ce qui me concerne, un nouveau film de Naomi Kawase, c’est toujours un événement que j’attends avec une certaine forme d’impatience, car même si parfois la réalisatrice japonaise a pu me décevoir, il y a toujours dans son cinéma quelque chose qui sort du lot, un plan, une idée, une ambiance qui fait que son film n’est jamais totalement inintéressant.

Après donc trois ans d’absence, Naomi Kawase revient avec « True Mothers« , un film qui va parler de l’adoption et plus largement de la parentalité au Japon. Adapté du roman « Le matin arrive » de Mizuki Tsujimura, « True Mothers » est un film qui d’une certaine manière est très personnel pour Naomi Kawase qui fut abandonnée par ses parents étant petite (elle fut élevée par ses grands-parents).

Ce qui fut aussi surprenant que passionnant avec « True Mothers« , c’est le choix de construction de son récit. Alors que Naomi Kawase livre d’ordinaire un cinéma très linéaire, pour ce film, elle a choisi de déconstruire son récit. Ainsi, si l’on jette un œil à sa sublime bande-annonce, on va être surpris, car elle est à l’opposé du film en termes de récit et ce choix apportera beaucoup de suspens et d’intrigue, dans un film qui au demeurant a tout du film dit classique. Ainsi donc, Naomi Kawase commence par le milieu de son histoire, pour en cours de route revenir à son début, tout en injectant une touche d’intrigue qui nous tient pour aller jusqu’à ce final, certes prévisible, mais si fort et sensible, qu’il nous bouleverse et l’on ressort de ce film terriblement ému.

Cette construction d’intrigue laisse aussi place à un très beau scénario. « True Mothers » est un film très intéressant dans ce qu’il va raconter de la parentalité, et surtout de la maternité, peignant les portraits de trois mères, celle du sang, c’est du lien et c’est de l’adoption. Ces trois peintures sont sublimes et avec elles, « True Mothers » raconte énormément de choses sur le Japon. Celle du sang ouvre un œil sur ces jeunes mères que les familles cachent et forcent à se séparer de leurs enfants pour ne pas affronter la honte. Celle du lien ouvre elle un regard sur ces maisons qui recueillent ces jeunes femmes le temps de leur grossesse. « True Mothers » tissera une magnifique relation pleine de tendresse entre la jeune mère et celle qui tient cette maison. Puis il y a la mère adoptive, qui ouvre tout un regard sur la maternité, l’envie de fonder une famille, et les sacrifices à faire pour adopter un enfant. Loin des clichés, laissant l’émotion s’installer par la force de son récit et de ses personnages, Naomi Kawase nous offre un film qui touche au sublime. Ici, tout est subtil, tout est « surprise », et surtout, on ne voit pas passer les deux heures vingt que dure le film.

Comme toujours chez la metteuse en scène, « True Mothers » est un film qui respire à plein poumon le cinéma de Naomi Kawase. Esthétiquement superbe, on retrouve tout ce qui fait la beauté de son cinéma, avec ses plans à contre-jour, cet amour pour la nature, et ce cinéma fait de sensibilité, de moments de vie qui résonnent comme tout simplement beaux, Naomi Kawase capture ces instants et construit un film qui fonctionne à la perfection. Ici, tout est fluide, tout s’enchaîne avec autant de surprises que finalement simplicité, comme si « True Mothers » ne pouvait être autrement.

Puis que dire de ce casting, si ce n’est qu’il est parfait et bouleversant à plus d’un titre. Si l’on retient évidemment Aratu Iura, qui incarne le mari et père d’adoption, « True Mothers« , c’est avant tout une histoire de femmes et donc un film d’actrices et ces comédiennes y sont toutes plus sublimes les unes que les autres. Bien sûr, on sera terriblement ému par Hiromi Nagasaku (la mère adoptive) et Aju Makita (la mère biologique), mais j’avoue avoir eu un sacré coup d’amour et d’émotion pour Miyoko Asada qui est une sorte de mère spirituelle pour le personnage qu’incarne Aju Makita et l’actrice d’un certain âge crève l’écran à chacune de ses apparitions.

« True Mothers » est donc un film magnifique qui démontre encore une fois tout le talent et la beauté du cinéma de Naomi Kawase. Bouleversant, surprenant, sensible et justesse, « True Mothers » se pose comme l’un des plus beaux films de sa réalisatrice, qui arrive avec un sujet déjà vu à livrer un film loin des clichés habituels ou encore des narrations habituelles. Et comme je le disais plus haut, cette plongée au Japon en compagnie de ses personnages fut telle qu’à la sortie, j’avais déjà l’envie de m’y replonger.

Note : 18/20

Par Cinéted

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