décembre 24, 2025

Exécution en Automne – Confucius et la Prison

Titre Original : Qiu Jue

De : Lee Hsing

Avec Hui-Lou Chen, Shao-Ching Chou, Bi-Hui Fu, Su Han

Année : 1972

Pays : Taïwan

Genre : Drame

Résumé :

Unique héritier de sa famille, couvé par sa grand-mère depuis l’enfance, Pei Gang est devenu à l’âge adulte un tyran et une brute. Après avoir commis trois meurtres de sang-froid, il est arrêté et condamné à mort. Son exécution est prévue à l’automne suivant, comme la tradition l’exige. Il reste moins d’un an à sa grand-mère pour remuer ciel et terre et libérer son petit-fils. Alors que l’espoir d’un acquittement s’éloigne de plus en plus, elle va s’assurer que Pei Gang conçoive un héritier pour perpétuer la lignée…

Avis :

En Asie, comme en Occident, le septième art est étroitement lié au contexte sociopolitique des pays. En fonction de la culture et du lieu de tournage, on observe ainsi des tendances propres à l’époque. Il peut être question d’un cinéma subversif, notamment avec la nouvelle vague nippone. D’autres réalisateurs sont contraints de se plier au dictat de leurs gouvernements, a fortiori lorsqu’on se retrouve au cœur de la Terreur blanche taiwanaise. Certaines voies ont pu néanmoins s’élever contre les dérives et les crimes du gouvernement de Chiang Kaï-shek. À l’image de Lee Hsing avec Exécution en automne, d’autres ont fait preuve de renoncement, sans pour autant délaisser leur créativité, au profit du politiquement correct.

L’intrigue prend place dans une période indéterminée. Au même titre que le cadre, la temporalité importe peu. En effet, le réalisateur privilégie une interprétation fantasmée, presque mythologique dans sa vision d’une Chine ancestrale. Cette absence de repères formels et contextuels tend à rapprocher le spectateur de son personnage principal. L’une des premières rencontres avec ce dernier tient à cette fuite éperdue dans un amas de broussailles et de ronces. On ne sait pas trop où l’on se trouve, tandis que Wei Pang refuse d’admettre sa situation. De prime abord, la dimension rebelle pourrait s’opposer à quelques ingérences du gouvernement taiwanais.

« le réalisateur privilégie une interprétation fantasmée »

Pour autant, elle sert surtout à un discours politique sous-jacent. Sans pour autant sombrer dans la propagande de bas étage, on découvre un personnage antipathique au possible. Cela tient à son tempérament violent, son égoïsme ou ses réactions capricieuses. On ne le considère pas forcément comme un sauvage, archétype réservé au voleur qui occupe la cellule voisine, mais plutôt comme un individu immature. Un enfant-roi incapable de s’adapter à la société. Avec les traits forcés, il se montre assez puéril et intéressé dans ses actes. Ici, le geôlier fait office de figure paternelle qui éduque sa progéniture. L’allusion n’est pas anodine, car elle est avancée de manière explicite dans le récit.

Dès lors, la progression promeut l’acceptation de la sentence à travers un cheminement introspectif. Cela tient aux sacrifices consentis par son entourage, puis à une prise de conscience toute personnelle. Puis les relations font davantage preuve de sincérité pour se renforcer. Ici, le passage du temps prend en considération l’exiguïté des lieux. Là encore, aucune indication ne vient perturber la narration, même si le compte à rebours jusqu’à l’automne demeure vivace tout au long de ce parcours qu’on pourrait presque qualifier d’initiatique. Cela ne tient pas à une révélation spirituelle du condamné, mais à l’adoption des valeurs confucéennes, promptes à l’acceptation, à l’apaisement.

« un mélodrame intéressant dans sa manière d’aborder l’incarcération »

En cela, on distingue les idées conservatrices du cinéaste qui s’oppose à d’autres œuvres taiwanaises. Si les deux métrages n’ont aucun rapport (à l’exception de la présence de Wei Ou et Bao-Yun Tang), Exécution en automne peut s’avérer l’antithèse de Typhoon, de sa volonté à s’émanciper de l’autorité. En l’occurrence, l’obéissance prévaut au regard de l’autorité gouvernementale, représentée par le système carcéral et les émissaires de l’Empereur. Il convient également d’évoquer les responsabilités familiales, eu égard à la cohésion du cercle de proches, à la nécessité de subvenir à ses besoins et à faire perdurer la lignée à travers sa descendance.

Au final, Exécution en automne s’avance comme un mélodrame intéressant dans sa manière d’aborder l’incarcération et la condamnation à mort sur fond de confucianisme. La prison symbolise le repli sur soi, l’enclavement des pensées, voire l’obscurantisme du monde qui nous entoure. Le traitement demeure intrigant, mais il n’est pas aussi séditieux qu’attendu. Il prône en effet l’acceptation, non le soulèvement. Ce qui renvoie à la dictature taiwanaise de l’époque et atténue la pertinence des propos. Les décors de studio, eux, font preuve de minimalisme, mais bénéficient d’une belle exposition avec une mise en scène fluide. Quant au passage des saisons, il se joue en arrière-plan avec des contrastes plus ou moins marqués, ressassant le temps perdu et non celui qui subsiste. Il en ressort une œuvre touchante qui aurait gagné en force sans sa dimension politique, aussi complaisante qu’ostensible.

Note : 14/20

Par Dante

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