
Avis :
Dans tous les sous-genres du métal, il y en a certains qui vont tellement loin dans le délire, qu’il faut trouver de nouvelles appellations. On peut évoquer le Drone métal et ses riffs qui durent trois plombes, ou encore Noise et bien d’autres dénominations. Et parmi les plus étranges, on retrouve le métal avant-gardiste, ou l’Avant-Garde métal. Ici, il s’agit de mélanger le Black métal avec des éléments issus de la musique Jazz, parfois de la musique classique, et de superposer les nappes mélodiques de chaque genre pour fournir ce qui semble être un beau bordel. Et on dit bien « semble être » car tout est organisé, planifié, afin de faire ressentir des émotions particulières, et de nous sortir de notre zone de confort. Les rois à ce jeu-là sont Imperial Triumphant, trio américain qui existe depuis 2005, mais ils ne sont plus les seuls.
Fondé en 2011 à Londres, Lychgate va aussi officier dans le métal avant-gardiste pour nous plonger dans les limbes des enfers. Le groupe signe un premier album éponyme en 2013 sur le label Mordgrimm, puis il change de maison de disques en 2015 pour aller chez Blood Music et sortir alors An Antidote for the Glass Pill, leur album le mieux accueilli à ce jour. C’est en 2018 que sort The Contagion in Nine Steps, toujours sur le même label, et deux ans plus tard, le groupe change une nouvelle fois de label pour partir chez les français de Debemur Morti Productions afin de faire un EP, et un quatrième album, Precipice, qui nous préoccupe entre ces lignes. Un album assez difficile d’accès, plutôt long, et qui lorgne grandement vers un côté expérimental qui peut en rebuter plus d’un. Mais il faut bien plusieurs écoutes pour saisir toutes les subtilités.
Tout commence avec Introduction – The Sleeper Awakes, et d’entrée de jeu, on sait que l’on est tombé sur un album qui va nous mettre mal à l’aise. L’ambiance est mortifère au possible, digne d’un film d’horreur autour de l’enfer, et il y a aussi un aspect presque grand-guignol sur la fin, avec de nombreuses dissonances et une orchestration qui fait fête foraine infernale. Bref, un démarrage malaisant qui donne quand même envie de s’aventurer dans le reste de l’album. Mausoleum of Steel va alors épouser pleinement l’avant-garde métal. Les éléments Black sont bien présents, avec une batterie qui blaste bien, des riffs agressifs, et un chant habité en growl puissant. Cependant, on trouvera des éléments dissonants durant tout le titre, offrant un côté « perdu » à l’ensemble. C’est à la fois déroutant et insidieux, puisqu’on a envie de se replonger dedans pour découvrir de nouvelles nappes sonores.

Il s’agit ici d’un travail très dense et très fourni. Renunciation ira encore plus loin dans le délire, avec des éléments jazzy qui viennent se superposer à des riffs puissants et denses. Le tout forme quelque chose de très protéiforme et étrange, mais aussi envoûtant. On est clairement dans un titre qui nécessite plusieurs écoutes. Tout comme l’arrivée de ce clavecin très métallique qui vient approfondir une ambiance de fin du monde. Puis The Meeting of Orion and Scorpio va être un morceau plus calme, plus doux, plus vénéneux. Lychgate prouve avec ce titre qu’il est capable de faire des titres plus sombres, presque à la lisière du Blackgaze. Mais tout cela permet surtout de donner plus de force à la pièce maîtresse de l’album, Hive of Parasites, qui dure près de dix minutes. Le début donne vraiment l’impression d’entendre un essaim fondre sur nous.
Encore une fois, les éléments dissonants sont utilisés avec malice pour peaufiner une atmosphère lugubre et déliquescente. Le morceau passe alors par tout un tas de rythmiques et d’ambiances, donnant l’impression d’un gros foutoir, alors que tout est à sa place. Death’s Twilight Kingdom va aussi débuter de façon pertinente, avec une sensation de malaise permanente. Bien évidemment, le titre va partir vers des horizons encore plus étranges, mais tout se joue au début, avec un piano mal accordé et une basse qui livre une prestation décadente. Terror Silence reviendra à quelque chose de plus simple et brutal, alors que Anagnorosis apportera une complexité nouvelle à la structure de l’album, avec une grosse orchestration bien cracra. Enfin, pour conclure, le groupe nous offre Pangaea, une outro où le clavecin retrouvera son droit, accompagné d’une guitare qui semble plus gémir que crier.
Au final, Precipice, le dernier album en date de Lychgate, est à la fois une bonne surprise, et une découverte plutôt déstabilisante. Le métal avant-gardiste n’est pas un sous-genre à prendre à la légère, et il faut souvent rentrer dans le trip pour pleinement apprécier l’ensemble. Les anglais le font sans trop de difficulté, malgré une ambiance très sombre, et une sensation de plonger dans les abîmes d’un cerveau malade. Bref, un album réussi, mais qui n’est pas à mettre entre toutes les oreilles.
- Introduction – The Sleeper Awakes
- Mausoleum of Steel
- Renunciation
- The Meeting of Orion and Scorpio
- Hive of Parasites
- Death’s Twilight Kingdom
- Terror Silence
- Anagnorosis
- Pangaea
Note : 15/20
Par AqME
