
De : Yann Gozlan
Avec Cécile de France, Mylène Farmer, Lars Mikkelsen, Anna Mouglalis
Année : 2025
Pays : France, Belgique
Genre : Drame, Science-Fiction, Thriller
Résumé :
Clarissa, romancière en mal d’inspiration, rejoint une résidence d’artistes prestigieuse à la pointe de la technologie. Elle trouve en Dalloway, son assistante virtuelle, un soutien et même une confidente qui l’aide à écrire. Mais peu à peu, Clarissa éprouve un malaise face au comportement de plus en plus intrusif de son IA, renforcé par les avertissements complotistes d’un autre résident. Se sentant alors surveillée, Clarissa se lance secrètement dans une enquête pour découvrir les réelles intentions de ses hôtes. Menace réelle ou délire paranoïaque ?
Avis :
Yann Gozlan est un réalisateur français qui a débuté sa carrière à la fin des années 2000, mais c’est avec son deuxième long-métrage, Un homme idéal, film autour d’un écrivain incarné par Pierre Niney, qu’il se fait grandement remarquer. Yann Gozlan passe alors le reste des années 2010 à offrir un cinéma plein de suspense. Burn Out et Boîte noire trouvent un joli succès. Cette belle courbe est malheureusement abîmée en 2023 avec la sortie de Vision, un thriller qui avait tout pour faire un excellent film. Malencontreusement, Vision est un film qui s’est cru subtil, alors qu’au final, il laisse un effet de « tout ça pour ça ? ».

Deux ans après Vision, Yann Gozlan n’a pas perdu son envie d’offrir un cinéma à suspense puisqu’il a réalisé deux films qui vont sortir en l’espace de quatre mois. Avant de retrouver son acteur fétiche Pierre Niney avec Gourou, Yann Gozlan nous entraîne dans un thriller paranoïaque mené par une Cécile de France investie. Tournant autour de l’IA, Dalloway est un bon film, doublé d’une enquête solide. Mais au milieu de tout cela, il manque à ce Dalloway un soupçon de paranoïa en plus, pour vraiment nous tenir d’un bout à l’autre.
« Dalloway tient une intrigue qui intéresse et nous tient jusqu’à la fin »
Clarissa est une romancière dont la carrière est au point mort depuis des années. Pour une session d’écriture, Clarissa intègre une résidence d’artistes. Le contrat est simple : elle doit y rester six mois et livrer un nouveau roman. Dans son appartement, pour l’aider, elle a une IA personnalisée, Dalloway. Cette IA lui est dédiée à elle seule. Si au départ cette nouvelle collaboration fonctionne très bien, très vite Clarissa a l’impression que Dalloway la surveille et, pire encore, qu’elle se nourrit de son histoire et de ses névroses pour avancer…
On espérait beaucoup de ce retour de Yann Gozlan pour effacer la déception qu’a été Vision, et même si son nouveau film n’est pas parfait, il réussit haut la main le défi. Revenant avec un thriller paranoïaque autour d’un écrivain – ce qui rappelle évidemment Un homme idéal – Dalloway tient une intrigue qui intéresse et nous tient jusqu’à la fin. Même si l’histoire aurait mérité d’être plus poussée, l’engrenage paranoïaque dans lequel est entraîné le personnage principal est franchement prenant.
Bien écrit, Dalloway est un film qui aborde des thèmes très actuels. Il interroge l’omniprésence de l’intelligence artificielle dans nos vies, les dérives possibles d’outils conçus pour nous aider mais capables de nous surveiller, de nous imiter, de nous manipuler. Il parle aussi, de manière plus intime, de deuil et de création : Clarissa, femme en souffrance, n’arrive pas à tourner la page d’un drame personnel et trouve une forme de « rédemption » dans l’écriture, jusqu’à ce que l’IA s’infiltre dans son inconscient. Cette superposition – technologie froide d’un côté, douleur humaine de l’autre – donne au film une vraie densité.
« Dalloway interroge notre rapport aux machines »
Ce qui est intéressant, c’est aussi la façon dont Dalloway interroge notre rapport aux machines : à quel moment ce que nous confions à une IA ne nous appartient plus ? Jusqu’où peut aller une forme d’intelligence qui apprend de nos failles ? Le scénario suggère ces questions sans les surligner, ce qui laisse au spectateur la place de réfléchir.
Dans l’écriture et la construction, le film tient son engrenage. L’idée d’être surveillée en permanence, ce sentiment de ne plus savoir ce qui relève du réel ou du fantasme, la paranoïa proche parfois d’une théorie du complot : tout ça est bien amené, avec des séquences très efficaces. Et puis il y a Cécile de France. Excellente, elle signe une deuxième performance marquante cette année dans un registre fantastique. Sous les traits de Clarissa, écrivaine à la vie bousculée, elle porte une descente en enfer convaincante. Derrière elle, la voix de Mylène Farmer, qui prête sa tessiture singulière à l’IA, ajoute une étrangeté troublante : on ne sait jamais vraiment ce que ce programme cherche, ni jusqu’où il peut aller.
« il manque à Dalloway un cran supplémentaire »
Mais voilà, si l’ensemble est bien mis en scène, si le film a sa tension, son intrigue et ses acteurs investis, il manque à Dalloway un cran supplémentaire. On aurait aimé un basculement plus marqué vers la folie, une paranoïa de tous les instants qui nous emporte dans une véritable spirale. Le film reste toujours un peu trop maîtrisé, trop sage. Il manque aussi d’émotion : on assiste à la chute de Clarissa mais on aurait voulu la ressentir plus viscéralement, la vivre presque avec elle. Une descente en enfer plus longue, plus déstabilisante, aurait sans doute permis au film de se hisser au niveau de ses ambitions.
Heureusement, l’histoire reste forte et offre un final marquant, qui efface la petite déception qui pointait le bout de son nez. La mise en scène de Yann Gozlan est précise, la photo soignée, la tension bien maintenue, et les thèmes abordés sont d’une vraie modernité.

Ce retour de Yann Gozlan fait plaisir à voir et à suivre. Certes, Dalloway avait en main tous les ingrédients pour devenir l’un des grands films de l’année. Il lui manque ce petit quelque chose pour basculer dans la démesure et la folie totale. Mais il n’en demeure pas moins un thriller original, efficace et prenant, qui a réussi à me tenir d’un bout à l’autre et à m’intriguer longtemps après la projection.
Note : 14,5/20
Par Cinéted