par 
De : Julia Ducournau
Avec Tahar Rahim, Golshifteh Farahani, Mélissa Boros, Emma Mackey
Année : 2025
Pays : France
Genre : Drame
Résumé :
Alpha, 13 ans, est une adolescente agitée qui vit seule avec sa mère. Leur monde s’écroule le jour où elle rentre de l’école avec un tatouage sur le bras.
Avis :
Julia Ducournau est une cinéaste formée à la Fémis. Elle se fait remarquer dès son premier film, « Grave« . Mais c’est surtout avec son deuxième que tous les projecteurs se braquent sur elle, lorsqu’en 2021, elle décroche la Palme d’Or avec « Titane« , une œuvre aussi fascinante que controversée. Encore aujourd’hui, je ne suis pas totalement convaincu par « Titane« .
Après une Palme d’Or, Julia Ducournau était forcément attendue au tournant. Et voilà, quatre ans après « Titane« , la metteuse en scène est de retour avec « Alpha« , un film qui a déjà fait couler beaucoup d’encre. Si le film a eu droit à sa standing ovation au dernier Festival de Cannes, les critiques se sont déchaînées sur lui, n’ayant pas de mots assez forts pour dire à quel point la Palmée Julia Ducournau déçoit.
« »Alpha » est une bonne surprise »
Pour ma part, j’ai essayé d’en savoir le moins possible et, hormis que le film était mauvais ou au mieux pas terrible, et qu’il évoquait les années sida de manière étrange, je n’en savais pas grand-chose. Je dois dire que « Alpha » est une bonne surprise qui, même si c’est un film loin d’être parfait, dans ce qu’il m’a raconté et plus largement côté émotion et séance de cinéma, s’est même posé comme plus prenant et intéressant que « Titane« .
Alpha est une adolescente de 13 ans qui, un jour, rentre chez elle avec un tatouage sur le bras. Ce tatouage déclenche la peur aussi bien dans son entourage proche qu’à l’école. Cette peur, c’est celle d’une étrange maladie qui s’est installée parmi la population et qui change petit à petit ses malades en statues de marbre.
Bon, apparemment, il faut détester le nouveau film de Julia Ducournau. C’est écrit en lettres d’or, noir sur blanc, par les plus grands critiques de cinéma de notre époque. Mais alors, qu’est-ce qui se passe lorsqu’on a aimé le film ? Est-ce que, comme les malades dont parle le film, on doit se cacher ? Doit-on trouver un endroit reculé du monde et ne plus jamais en sortir ? Parce qu’il se trouve qu’ »Alpha« , malgré ses défauts et ses moments où le film m’a perdu en entremêlant ses timelines, sur son ensemble, m’a fait passer un bon moment de cinéma. Un moment de cinéma peuplé d’émotions.
« c’est avant tout un film qui aborde le deuil. »
« Alpha » n’est pas qu’un film qui fait une métaphore des années sida. Non, « Alpha« , c’est avant tout un film qui aborde le deuil. Un deuil impossible. Un deuil qui, malgré les années, continue de hanter une famille. C’est vrai que le film n’est pas forcément clair sur ce deuil et le personnage disparu. Je pense d’ailleurs qu’il faut plusieurs visionnages pour que le film de Julia Ducournau livre tous ses secrets, mais même si c’est flou, il n’en demeure pas moins que c’est raconté avec beaucoup d’idées, beaucoup de poésie et beaucoup d’envie de cinéma. Une envie de cinéma autrement.
Une envie de cinéma qui ne veut pas forcément plaire ou être lisse. « Alpha » est un film plein de métaphores. C’est un film qui pousse à la réflexion et qui demande une certaine rigueur à son spectateur. Personnellement, j’ai beaucoup aimé chercher à comprendre. Je suis ressorti de la salle avec l’envie d’y retourner, afin de confirmer ou non une théorie plutôt qu’une autre. Cette sensation à la sortie de salle fait du bien.
Puis derrière ça, « Alpha » est aussi un film qui parle de l’importance des proches et de l’accompagnement face à la maladie. Puis il y a la peur. La peur de l’inconnu. La peur d’une possible contamination. D’ailleurs, cette idée de transformer les malades en statues de marbre est brillante. Voir les corps petit à petit disparaître, être grignotés, je trouve qu’il y a beaucoup de poésie et d’émotion qui se dégagent de cela. Puis derrière encore, le film parle de la psychose de la foule, ainsi que de la méchanceté des adolescents entre eux. Bref, « Alpha » est riche et intéressant, même si je le répète, il est parfois loin d’être limpide, avec ses deux timelines qui s’entremêlent et qui peuvent nous perdre.
« Julia Ducournau démontre une envie de cinéma « radicale » »
Avec « Alpha« , Julia Ducournau démontre une envie de cinéma « radicale ». Une envie de cinéma qui dérange, avec des images douloureuses. Des images et des idées de mise en scène qui ne brossent pas dans le sens du poil, et même si parfois elle en fait trop, au point de nous perdre, il n’en demeure pas moins que le film est réjouissant dans ce qu’il propose.
Enfin, impossible de ne pas faire un arrêt sur son casting, et plus précisément sur ses trois acteurs principaux. Golshifteh Farahani en mère célibataire et infirmière engagée est merveilleuse. Mélissa Boros est intrigante dans la peau de cette adolescente à la limite du cadavre vivant. Et « Alpha« , c’est avant tout un Tahar Rahim impressionnant, dérangeant et malaisant en frangin toxico. L’acteur est bluffant du début à la fin, même s’il tient un rôle assez flou, ou du moins pas évident, qui demande une exigence.
« Alpha » n’est pas parfait. C’est un film qui en fait trop. Qui peut même se prendre les pieds dans sa trame, nous perdant face à une histoire qui est loin d’être évidente. Mais malgré ses lourdeurs et ses flous, « Alpha » m’a beaucoup touché dans ce qu’il raconte et comment il le raconte. Loin de mériter les seaux de merde qu’il se prend sur la tronche, « Alpha » déroute et interroge, et moi, ça m’a fait du bien. Ça m’a tenu d’un bout à l’autre même si…
En sortant de la salle, une question me trottait dans la tête : que dire quand on a aimé un film que beaucoup rejettent ? voire tous ? Est-ce qu’il faut se cacher comme les malades d’‘Alpha » ? Ou simplement assumer son ressenti, même minoritaire ? Moi, j’ai choisi d’assumer. Et ça fait du bien.
Note : 15/20
Par Cinéted
