De : Matt Palmer
Avec Jack Lowden, Martin McCann, Tony Curran, Ian Pirie
Année : 2018
Pays : Angleterre
Genre : Thriller
Résumé :
Deux amis de longue date voient leurs nerfs et leurs valeurs rudement mis à l’épreuve quand un terrible événement vient perturber leur partie de chasse en Ecosse.
Avis :
Quand on évoque le cinéma mondial, on a toujours tendance à ranger les films de divers pays dans des cases. Je m’explique. Car on parle de cinéma américain, on s’imagine de suite le cinéma pop-corn, le gros blockbuster qui pétarade. Quand on veut parler du cinéma indien, on pense immédiatement à Bollywood et ces comédies musicales interminables. Si on parle de cinéma scandinave, on a de suite l’image d’un thriller froid et mutique. Il en va de même quand on parle de cinéma asiatique qui navigue en films d’arts martiaux et films déjantés. Bref, on a tous ces clichés en tête. En qu’est-il pour le cinéma britannique ? Et bien là, en règle générale, on pense à des films tendus, presque dépressifs, et qui racontent des histoires graves. Bien entendu, faire cela, c’est passé outre les comédies romantiques ou farfelues cultes, mais le penchant thriller/drame pluvieux prend le dessus.
Et Calibre en est un parfait exemple. Disponible depuis maintenant deux ans sur Netflix, il s’agit d’un thriller tendax comme jamais, dans lequel deux amis partent à la chasse, tuent par inadvertance un gamin et son père, et prennent les mauvaises décisions pour s’en sortir. Vendu comme un thriller sombre, à la limite de l’horreur paranoïaque, Calibre sera tout autre chose, lorgnant vers du Ken Loach qui aurait copulé avec du James Watkins période Eden Lake. Et le résultat est très surprenant.
Accident de chasse
Le film débute de façon classique. Un futur père décide de partir avec son meilleur ami dans la cambrousse anglaise pour aller chasser le cerf. Si pour ce futur papa, ce n’est qu’un moment de liberté à passer avec son pote, ce dernier veut vraiment abattre une bestiole et profiter du weekend. La soirée se déroule pour le mieux, avec en plus deux nanas qui viennent se mêler à la petite fête dans le pub. Puis, jour de chasse, le futur papounet tire sur un cerf, le rate, et colle une balle en plein tête à un petit enfant qui se baladait par là. Son meilleur ami tue alors le père du gosse pour se couvrir et les deux amis décident de cacher les corps et de s’enfuir au plus vite. Sauf que les deux victimes sont des proches du village et leur disparition commence à inquiéter tout le monde.
C’est à partir de là que Calibre commence littéralement à partir en eau de boudin. Sur le papier, il s’agit d’un thriller très classique. Deux hommes commettent un accident de chasse, font les mauvais choix, et vont s’attirer les foudres d’un peuple qui a pour habitude de se faire justice. Mais l’histoire va aller un peu plus loin que cela. Derrière son aspect classique et son déroulement narratif linéaire, le film va s’amuser à mettre des bâtons dans les roues des personnages. A cause de mauvais choix, à cause de bêtises commises lors de la fête, les deux compères ne vont pouvoir prendre la fuite, et le piège va se refermer autour d’eux. Et à ce moment de poser une ambiance très tendue, où tout peut péter à n’importe quel moment. Une atmosphère délétère qui va appuyer plusieurs propos très intelligents qui font honneur au film.
Chasse à l’homme
Car derrière ses atours de thriller basique où l’on sait que la fin va partir en eau de boudin, Matt Palmer va tenter d’apporter des points de réflexion sociétaux. Et le plus flagrant d’entre eux est la distance entre la vie urbaine et la vie rurale. A travers divers dialogues, on va parler de l’exode rurale, de ces petits villages qui se meurent par manque de travail et d’investissements. On va avoir droit aux répliques sur le fait de s’en sortir tout seul, de se méfier des citadins qui viennent profiter sans jamais donner en échange. Cette distance, on va la retrouver dans les comportements des deux personnages principaux. L’un d’eux est cynique au possible, un peu tête brûlée, arrivant en terrain conquis. Cette distance va être un point d’appui pour rendre l’ambiance effrayante, tendue ; prête à craquer à tout moment. Le réalisateur gère parfaitement ceci.
Et puis, si on gratte un peu en surface, on va aussi avoir des points de vue différents sur la vie. Et sur la famille. Tout le village se connait. Personne n’est laissé sur le bas-côté, et la débrouille et l’entraide sont les maîtres-mots de ce coin. Vivant presque en autarcie, on pourrait presque y voir une sorte de secte, comme si nos deux personnages tombaient sur un lieu de cannibales, ou de psychopathes. Ce qui n’est pas le cas, puisqu’il s’agit de personnes normales, mais dont les mœurs et la façon de voir la vie sont différentes des citadins. Les priorités ne sont pas les mêmes. Le cinéaste jour avec cette distance, avec ce côté presque « consanguin », tout en y apportant une vraie humanité, et une volonté de ne pas être perverti par la ville et ses habitants.
Chasse en cours
Bien évidemment, Calibre est un film qui n’est pas parfait non plus. S’il demeure fortement sympathique, il possède aussi ses défauts. Le premier étant son final assez téléphoné. Jouant sur les aveux de l’un et l’instinct de survie de l’autre, il ne pouvait en être autrement. Néanmoins, on reste dans quelque chose de trop gentillet, qui n’arrive pas à être plus sulfureux que ça, ou à entretenir un discours ambigu qui aurait être plus fort en émotions. Il en va de même avec la réalisation. Elle est plutôt correcte, mais ne possède de moments de grâce, ou de passages qui restent en tête. Le budget n’a pas dû être bien gros, mais il lui manque cette capacité à faire frétiller la rétine ou à poser des moments un peu plus marquants.
Au final, ces défauts n’entachent en rien la qualité intrinsèque du film, et sa volonté de faire un thriller à tendance sociale dans un contexte glacial. Calibre est un film très efficace, qui se veut percutant dans ce qu’il dénonce de l’humain et de sa capacité d’adaptation. Le combat entre ruraux et citadins est bien pensé et on se retrouve face à un film qui veut réellement raconter quelque chose, et pas seulement aborder de façon frontale la culpabilité de deux types. Matt Palmer signe un film très intéressant, intelligent dans son exécution, non dénué de défauts, mais qui font pâle figure face à toutes les qualités du métrage. Bref, c’est franchement pas mal.
Note : 15/20
Par AqME