
Titre Original : Die Hölle – Inferno
De : Stefan Ruzowitzky
Avec Violetta Schurawlow, Tobias Moretti, Robert Palfrader, Friedrich Von Thun
Année : 2017
Pays : Autriche, Allemagne
Genre : Thriller
Résumé :
Özge, une jeune femme d’origine turque, est chauffeur de taxi le jour ; le soir, elle suit des cours et pratique la boxe thaïe. Elle n’est guère bavarde et elle s’entraîne sans relâche. Un jour, elle est témoin d’un meurtre sauvage. Le principal suspect, un tueur en série qui se réclame de l’islam, est convaincu qu’Özge l’a vu et qu’elle pourrait le reconnaître. Entre Özge et lui s’engage alors une lutte sans merci, où le tueur est prêt à tout pour la retrouver.
Avis :
Il est étrange de voir à quel point le cinéma européen peut avoir du mal à trouver les salles obscures chez nous. Et cela même lorsqu’il s’agit d’un cinéaste reconnu, et qui a travaillé aux Etats-Unis sur quelques longs-métrages. Prenons le cas de Stefan Ruzowitzky. Il débute sa carrière à la fin des années 90, il commence à se faire un nom au début des années 2000 avec le film d’horreur Anatomie, puis il s’exporte aux USA pour faire une comédie historique avec Matt LeBlanc, Les Hommes de sa Majesté. Echec cuisant, il retourne faire des films entre l’Autriche et l’Allemagne, pour ensuite faire d’incessants allers-retours, sur des projets plus ou moins intimes. En 2017, entre deux films américains, le cinéaste tourne rapidement Cold Hell, un thriller qui se déroule à Vienne et qui met en scène une immigrée turque qui va être témoin d’un meurtre affreux.

Sorti directement en VOD chez nous, Cold Hell est un film qui se révèle relativement simple dans sa trame. Le long-métrage débute comme un drame qui met en scène une forte tête. On y suit Özge, une femme d’origine turque qui conduit un taxi, et qui ne va pas hésiter à se battre lorsqu’un homme refuse de bouger sa voiture de la route. Le film tisse alors un premier portrait triste d’une immigrée qui doit se battre chaque jour pour avoir à bouffer, et se faire reconnaître comme une autrichienne. Colérique, elle va aussi se faire virer de son club de boxe après avoir mis une tannée à un jeune machiste qui voulait briller dans la salle. Bref, tous les atours sont présents pour faire de Cold Hell un drame sociétal autour du monde patriarcal et raciste. Mais le film va aller plus loin que ça.
« il va inclure ses thèmes au sein d’un thriller simple, mais efficace. »
Ou tout du moins, il va inclure ses thèmes au sein d’un thriller simple, mais efficace. En effet, après cette soirée de merde, qui aura servi à démontrer que notre héroïne sait se battre, gère mal ses pulsions, et se fait à chaque réduire à un statut qu’elle refuse, elle rentre chez elle et sent une odeur nauséabonde. En ouvrant la fenêtre, elle découvre le cadavre de sa voisine, tailladé et ébouillanté. Sauf qu’en plus du cadavre, elle voit l’assassin, qui la voit aussi, et Özge sait qu’elle va être la prochaine cible. Cold Hell devient alors un thriller étouffant, où l’héroïne va devenir la victime d’une société régressive, mais aussi d’un psychopathe qui compte bien lui faire la peau. En faisant ainsi, Stefan Ruzowitzky donne de la profondeur à son film, et un vrai sens moral dans un combat qui symbolise une lutte quotidienne.
Si le film est relativement dynamique dans son récit principal, à savoir cette lutte pour sa survie, et ne pas se faire attraper par ce fanatique, il contient surtout des éléments en filigrane qui permettent de critiquer ouvertement une société qui va mal, et qui considère mal les femmes. De nombreuses fois Özge est vue comme une femme faible, ou une folle lorsqu’elle se met à se défendre comme un beau diable. Le cinéaste démontre une société qui minimise encore le rôle de la femme. Et comment ne pas y voir une critique du racisme systémique dans cette Autriche austère. Özge est obligée à plusieurs reprises de dire qu’elle est autrichienne, qu’elle travaille pour s’en sortir, pour effacer un passé douloureux avec un père outrancier. Une preuve que même si les étrangers montrent patte blanche et veulent s’en sortir, ils sont toujours réduits à leurs origines.
« ces messages sociétaux importants ne prennent jamais le pas sur l’action »
Et l’intelligence de ce film, c’est que ces messages sociétaux importants ne prennent jamais le pas sur l’action et le côté thriller. L’action est omniprésente, certaines scènes sont assez impressionnantes, et malgré un budget que l’on sait faible, certaines séquences tiennent bien la route. De plus, les personnages secondaires sont eux-aussi bien travaillés. Ils ne sont pas nombreux, mais ils ont de l’épaisseur, et un vrai background, à l’image de ce flic qui peut semblait balourd et rigide, mais qui s’occupe seul de son père qui a Alzheimer. Le film est parsemé de petites idées qui donnent du relief à un thriller qui pourrait paraître simpliste, mais qui est blindé de sous-textes importants et malins. Alors oui, ce n’est pas toujours juste, et le film pêche un peu par sa technique, mais ce n’est pas grand-chose face à son fond qui est bien mené.

Au final, Cold Hell est une jolie réussite, qui pêche par ses aspects techniques et son budget riquiqui, mais ça reste un bon film. Stefan Ruzowitzky arrive à mettre un fond nécessaire et intelligent dans un substrat qui tient plus du survival et du thriller qu’autre chose. Mais justement, ce fond amène le film vers des réflexions importantes qui, huit ans plus tard sont toujours d’actualité, malheureusement.
Note : 15/20
Par AqME