
Avis :
Fondé en 2010 sur les cendres du groupe de Technical Death Metal Rise of Caligula, Deafheaven va rapidement attirer les oreilles des initiés du Post-Black. En effet, considéré comme un projet pour le chanteur George Clarke et le guitariste Kerry McCoy, c’est avec un formidable bouche-à-oreille que le duo a accepté de faire des tournées, et de monter un groupe qui tient la route sur scène. 2011 voit naître le premier album de Deafheaven, Roads to Judah, et le groupe va donc être lancé dans un genre de niche, mais qui est composé de fans hardcore, qui aiment aussi bien le Black, que le Shoegaze. 2025 marque le retour des américains avec Lonely People With Power, leur sixième album, et le premier à être signé chez Roadrunner Records, arguant une pochette étrange pour le genre, attisant un petit peu plus la curiosité.
Il faut dire que leur précédent album avait été accueilli assez froidement par les fans. Infinite Granite ne semblait pas rentrer dans les cases attendues, et les américains étaient plus ou moins attendus au tournant. De ce fait, ce sixième effort va tenter de réparer les choses, et il va le faire avec brio. Si certains grognons diront que le groupe ne fait ni Post-Black, ni Shoegaze, c’est un mensonge, tant les deux genres sont représentés dans cette galette longue de plus d’une heure, et qui contient son lot de titres percutants, jouant constamment entre deux émotions, la colère et la mélancolie. En gros, on a des titres qui sont percutants, violents, mais qui jouent toujours avec des mélodies aériennes en fond, donnant un sentiment de mélancolie et de plénitude. Et c’est difficile de faire du beau avec du gras, et pourtant, c’est ce qui se passe ici.
Après une introduction assez douce (Incidental I) et qui fait presque onirique dans un monde de science-fiction, le groupe balance Doberman, et on rentre en plein dans le sujet. Long de plus de six minutes, il va être une synthèse de ce que sait faire le groupe. On a un riff pêchu et entêtant, un chant aigu qui correspond au Black, et bien entendu, des riffs plus aériens en fond, donnant ce sentiment mélancolique dit précédemment. Et pourtant, la batterie blaste, le rythme est relevé, et on navigue en plein dans un Black prononcé. Magnolia pourra peut-être prétendre à sortir un peu du cadre Post-Black pour pénétrer en plein dans le Black pur jus. Les riffs sont plus lourds, plus puissants, la batterie n’est pas finaude du tout, mais malgré tout, on retrouve une certaine mélodie qui en ressort lors des « refrains ».

Le mot refrain est à mettre entre parenthèses, car le titre dure plus de quatre minutes, et il est plus complexe qu’il n’y parait. The Garden Route rentrera plus dans les éléments d’un Post-Black avec des incrustations Shoegaze. Le début est plus calme, posant alors une ambiance presque urbaine, mais comme lors d’un matin de printemps. La basse y prend alors toute son ampleur, et la montée en virulence se fera crescendo. Tout comme Heathen dont le démarrage surprend via un chant éthéré et d’une rare beauté, laissant même du chant clair venir s’immiscer. C’est doux et tendre, avant de venir nous mettre un petit coup derrière la tête. Le prime de l’album arrive alors avec Amethyst et ses huit minutes. Non seulement le titre est d’une beauté incroyable, mais il bénéficie aussi de passages violents et percutants qui laissent sur le cul.
Toute la quintessence du groupe prend forme ici. Car si les morceaux précédents étaient bons, celui-ci est un banger indétrônable, jouant sur toutes les textures et les tessitures. Il fallait bien un interlude après cela, qui revient à quelque chose de plus crié et incisif, avant d’attaquer avec le très violent Revelator, qui n’est clairement pas là pour rire. C’est gras, c’est violent, et ça ne laisse pas une seconde de répit. Body Behavior rentre presque dans le même cadre, mais il comporte un arrière-plan sonore plus aérien, le rendant alors moins lourd. Puis après un troisième interlude, Deafheaven propose alors Winona, l’autre grosse bombe de l’album, une parfaite synthèse de tout ce que propose le groupe. Enfin, histoire de finir sur une bonne note, The Marvelous Orange Tree clôture l’album dans un élan de Post-Black d’une rare beauté, tout en restant assez classique dans le fond.
Au final, Lonely People With Power, le dernier album de Deafheaven, est une grande réussite, peut-être la plus grande pour le groupe à ce jour. Les américains parviennent à trouver un bel équilibre entre la violence et la mélancolie, entre la lourdeur et la beauté, au sein d’un écrin qui nous fait naviguer entre plusieurs genres, sans jamais tomber dans la démonstration, ou dans l’excès. Bref, l’une des pépites de cette année.
- Incidental I
- Doberman
- Magnolia
- The Garden Route
- Heathen
- Amethyst
- Incidental II feat Jae Matthews
- Revelator
- Bady Behaviour
- Incidental III feat Paul Banks
- Winona
- The Marvelous Orange Tree
Note : 18/20
Par AqME