décembre 20, 2025

Le Reich de la Lune – Johanna Sinisalo

Autrice : Johanna Sinisalo

Editeur : Actes Sud

Genre : Uchronie

Résumé :

Nous sommes en 2047. Une guerre nucléaire entre les grandes puissances a rendu la Terre inhabitable et les rares survivants – en grande partie des nazis désabusés – vivent sur la Lune. Tout a commencé à la fin de la Seconde Guerre mondiale quand quelques nazis de haut rang ont réussi à fuir au bord de fusées pour rejoindre une base souterraine sur la Lune. Depuis, les nazis et leurs descendants ont préparé leur revanche. Mais quand ils se lancent enfin dans la reconquête de la Terre, la révolution numérique est passée par là et le monde qui les attend n’a plus rien à voir avec celui qu’ils ont connu…

Avis :

En 2012, le film Iron Sky s’est entiché d’une renommée solide auprès des amateurs de séries B et de parodies déjantées. Avec un ton décalé parfaitement assumé, il en ressortait une singulière incursion où des nazis, réfugiés lunaires, débarquent sur Terre pour instaurer le quatrième Reich. Ce projet saugrenu, sinon impensable, tient à une intrigue développée par Johanna Sinisalo, auteure d’ouvrages de science-fiction étranges, comme Le Sang des fleurs ou Avec joie et docilité. Ici, Le Reich de la Lune constitue une itération littéraire qui permet d’étayer l’univers d’Iron Sky, le mode de vie des nazis sur le satellite de la Terre et autres considérations farfelues.

Dans les intentions, on peut donc s’attendre à une histoire folle qui ne se prend guère au sérieux. Cela sans compter sur d’éventuels moments épiques où les nazis veulent leur revanche sur les terriens. Seulement, on déchante très vite au regard de l’approche et de la structure du roman. En effet, l’auteure opte pour la retranscription du journal intime de Renate Richter ; de son enfance jusqu’à l’automne de sa vie. D’un point de vue chronologique, les évènements du premier métrage se situent vers la fin des années 2010. Quant à la trame principale, elle se déroule en 2047 et les prémices dudit recueil commencent à l’aune du XXIe siècle.

Au-delà d’une confusion narrative omniprésente, le récit multiplie les allers-retours inutiles d’une période à l’autre. Cela s’explique aussi par le manque de pertinence des séquences avancées. Il faut donc se contenter des états d’âme d’une protagoniste guère attachante, où l’on suit ses premières amours et ses relations amicales. Si l’on occulte le cadre lunaire (dans tous les sens du terme), le lecteur s’insinue dans une atmosphère légère et mielleuse qui ne correspond guère à la tonalité du métrage ou de l’univers susmentionné. Renate s’attarde également plus que de rigueur sur son intérêt pour Heidi avec des rapprochements douteux quant à son quotidien ou la doctrine nazie.

Elle a beau s’excuser de ses digressions, cela n’enlève rien à l’ennui qui s’instaure au fil des pages. Cela sans oublier ses quelques élans cinéphiliques où les analyses s’avèrent aussi vaines qu’erronées dans la perception des films présentés. Cette parenthèse écartée, la narration s’alourdit un peu plus des considérations techniques sur la base lunaire des nazis. Dans un récit de science-fiction, il est toujours intéressant d’intégrer des éléments contextuels propres aux technologies employées. Ici, cela n’apporte rien et s’insinue de manière grossière entre les chapitres. Même si l’on garde à l’esprit la dimension parodique de l’œuvre, les incohérences et autres énormités sont plus pathétiques qu’amusantes.

Dans tout ce marasme ambiant, l’intrigue se montre beaucoup trop sérieuse. En dépit de son soi-disant statut de comédie satirique, elle n’est pas très drôle et ne fait montre d’aucune autodérision. D’aucuns ont beau affirmer la tonalité « grinçante » de l’ouvrage, les situations ne sont guère décalées. Même l’arrivée sur Terre de Renate ne marque pas un clivage flagrant. Certes, elle se montre lucide sur les mensonges de la propagande nazie. Pour autant, il n’est pas des plus judicieux de rapprocher nazisme avec féminisme, eu égard à l’émancipation du personnage principal. L’ensemble demeure très complaisant, voire tendancieux, dans son propos. Là encore, les raccourcis sont aussi maladroits que mal maîtrisés.

Au final, Le Reich de la Lune constitue une vaste blague, dans le mauvais sens du terme. À aucun moment, Johanna Sinisalo n’est en mesure de renouer avec le caractère irrévérencieux et déjanté d’Iron Sky. Il faut se contenter d’un journal intime aux considérations superficielles, une histoire indigente et d’éléments douteux quant aux valeurs véhiculées. L’ensemble n’a rien d’humoristique. La plupart des séquences sont superflues, tandis que l’aspect didactique de la base lunaire des nazis achève nos attentes envers la narration. À la rigueur, il aurait été préférable de proposer une novellisation plutôt que de recycler les idées non retenues sur le scénario du métrage de Timo Vuorensola. Un tel résultat amène forcément à un récit inintéressant au possible, sans compter de nombreuses lourdeurs stylistiques. Une histoire pénible, mal écrite et dénuée de toute tonalité humoristique.

Note : 04/20

Par Dante

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