
Titre Original : The Long Walk
De : Francis Lawrence
Avec Cooper Hoffman, David Jonsson, Garrett Wareing, Tut Nyuot
Année : 2025
Pays : Etats-Unis
Genre : Horreur
Résumé :
Le jeune Garraty va concourir pour » La Longue Marche « , une compétition qui compte cent participants. Cet événement sera retransmis à la télévision, suivi par des milliers de personnes. Mais ce n’est pas une marche comme les autres, plutôt un jeu sans foi ni loi…
Avis :
Stephen King reste l’un des écrivains les plus adaptés au monde. Véritable machine à cauchemars et à drames humains, son œuvre inspire les cinéastes de tous les horizons. Ces dernières années, on a eu « Ça« , « Doctor Sleep« , « The Life of Chuck« , ou encore « Le Croque-mitaine« . Chaque décennie a droit à ses nouvelles adaptations. Et après une pelletée de metteurs en scène, c’est au tour de Francis Lawrence, réalisateur de « Constantine« , « Je suis une légende » ou encore « Red Sparrow« , de se confronter à l’univers de Stephen King.

Je ne suis pas un grand lecteur. Mais comme beaucoup d’adolescents, j’ai eu ma période Stephen King, et parmi les romans que j’ai lus, l’un d’eux m’a énormément marqué : « Marche ou crève« . J’étais trop jeune, je pense, pour percevoir toute la dimension humaine et tragique du roman. Ce que j’en garde aujourd’hui, c’est surtout le souvenir d’un livre qui m’avait épuisé, déchiré, profondément remué. Et parmi toutes les adaptations de Stephen King, j’ai toujours été étonné qu’aucun cinéaste n’ait jamais osé s’attaquer à ce roman. Aujourd’hui, c’est chose faite avec Francis Lawrence.
« un film qui m’a profondément secoué, de par sa dimension philosophique »
Nous plongeant dans une ambiance néo-rétro et « futuriste », « Marche ou crève » s’impose non seulement comme une très bonne surprise, mais aussi comme un film qui m’a profondément secoué, de par sa dimension philosophique, ses conversations, ses injustices, et cette source de lumière qui s’en dégage, si infime soit-elle. Je n’avais pas revu de film de Francis Lawrence depuis « Red Sparrow » et, encore une fois, le réalisateur étonne.
Dans une Amérique dystopique où la violence est devenue un spectacle, cinquante jeunes sont sélectionnés chaque année pour participer à « La Grande Marche ». Les règles sont simples : marcher sans jamais s’arrêter. Si un participant ralentit ou chute, il reçoit un avertissement. Au troisième, il est exécuté. Le dernier à rester debout remporte tout : une fortune colossale et le droit à un vœu… Parmi eux, Ray Garraty, un adolescent ordinaire, décide de se lancer dans cette marche insensée.
« Marche ou crève« … tout est dans le titre. Mais si vous vous attendez à un film plein d’action, de défis spectaculaires ou de rebondissements à la « Hunger Games« , passez votre chemin. Le film de Francis Lawrence est plus posé, plus viscéral que cela. « Marche ou crève« , c’est près de deux heures de marche. Une marche longue, éreintante, autant pour le corps que pour les nerfs et le mental.
« Le scénario et l’intrigue sont passionnants. »
Dans cette société américaine qui a basculé dans un totalitarisme froid, le film raconte avant tout une rencontre, une amitié naissante, des rêves et des promesses. Dès son ouverture, Francis Lawrence impose une atmosphère lourde : un adieu entre un fils et sa mère. Tout sonne comme une séparation définitive. C’est simple, c’est beau, et déjà terrible. Dès ces premières minutes, on comprend que le film sera sombre.
Le scénario et l’intrigue sont passionnants. « Marche ou crève » est un film bien plus riche et touchant qu’il ne le laisse présager. Très vite, on entre dans le cœur de cette marche. Très vite aussi, l’horreur s’installe, notamment lors de la première exécution. Francis Lawrence nous tient du début à la fin, même si, quelque part, on sait parfaitement comment tout cela va se terminer. Je ne sais pas si c’est parce que le film respire l’évidence ou parce que mes souvenirs du roman sont encore là, cachés quelque part, mais il y a quelque chose d’inéluctable dans cette histoire, une fatalité qui la rend d’autant plus poignante. Nous sommes les témoins impuissants de cette injustice, de ce jeu macabre.
Très bien écrit, le film gagne en intensité à mesure que les kilomètres s’enchaînent, que les corps tombent, et que ceux qui restent avancent malgré tout. Sur cette route sans fin, observés par des militaires prêts à tirer au moindre faux pas, les marcheurs incarnent autant la peur que la résistance. Et c’est là que le film devient profondément philosophique. Derrière son concept brutal, « Marche ou crève » interroge la famille, l’amitié, la fierté, l’espoir, la désillusion, la société, le courage et la foi. Et surtout, au-delà de la terreur et de la souffrance, il parvient à faire émerger une minuscule, mais magnifique, lumière : l’humanité.
« Et si Francis Lawrence était, finalement, l’un des réalisateurs les plus sous-estimés d’Hollywood ? »
Là où tant d’autres films auraient sombré dans le nihilisme, celui-ci choisit la solidarité. Là où on aurait pu avoir un récit égoïste, centré sur le “chacun pour soi”, Francis Lawrence filme des êtres humains qui s’entraident dans l’horreur. Même si un seul doit survivre, la fraternité est belle et bien là. Et c’est ce paradoxe, entre mort et compassion, qui m’a bousculé.
Avec ça, Francis Lawrence transforme un concept répétitif en moment de cinéma glaçant. Oui, j’ai dit répétitif, car le principe même du film, des gens qui marchent pendant deux heures, des corps qui tombent d’une balle dans la tête, pourrait vite lasser. Mais non : à aucun moment on ne décroche. Le réalisateur parvient toujours à relancer l’intérêt, à insuffler du souffle, de la tension, de la mesure. Chaque mort, chaque regard, chaque mot échangé compte. Et si Francis Lawrence était, finalement, l’un des réalisateurs les plus sous-estimés d’Hollywood ?
« Marche ou crève » doit aussi énormément à son duo d’acteurs. Bien sûr, il y a toute une galerie de seconds rôles marquants, chacun apportant une touche d’émotion dans sa chute. Mais au-dessus du lot brillent Cooper Hoffman et David Jonsson. Les deux forment un duo magnifique, complémentaire, sincère. Même si l’on sait très bien que le scénario les “protègera” jusqu’à la toute fin, ils sont passionnants et bouleversants à suivre. Mention spéciale à Charlie Plummer, Garrett Wareing et Mark Hamill, méconnaissable, planqué derrière ses lunettes de soleil. Tous sont justes, tous apportent quelque chose en plus.

« Marche ou crève » est donc une très belle surprise. Derrière un récit d’une brutalité glaçante, Francis Lawrence livre un drame profondément humain, habité de compassion et de douleur. Je ne saurais dire si le film respecte fidèlement l’histoire de Stephen King, ma lecture remonte à plus de trente ans, mais du point de vue du spectateur que je suis, ce film m’a retourné, bousculé, renversé et énormément touché. Et au-delà de tout ça, Francis Lawrence m’a donné envie de me replonger dans la lecture de « Marche ou crève« . Peut-être pour prolonger un peu cette route, et rester encore quelques instants aux côtés de ceux qui marchent.
Note : 16/20
Par Cinéted