
De : Luca Guadagnino
Avec Daniel Craig, Drew Starkey, Jason Schwartzman, Henrique Zaga
Année : 2025
Pays : Etats-Unis, Italie
Genre : Drame, Comédie
Résumé :
Dans le Mexico des années 50, Lee, un américain, mène une vie désabusée au sein d’une communauté d’expatriés. L’arrivée du jeune Allerton va bouleverser l’existence de Lee, et faire renaitre en lui des sentiments oubliés.
Avis :
Réalisateur italien très prolifique, plus rien n’arrête Luca Guadagnino. Ayant commencé au milieu des années 90 avec des documentaires, très vite, le réalisateur est passé au long-métrage de fiction et s’il est resté plutôt discret, à partir de 2017 sa carrière prend un tout autre tournant avec « Call Me By Your Name« , film qui en plus de révéler Timothée Chalamet, se pose comme un petit chef-d’œuvre. Depuis, le metteur en scène enchaîne les projets, et aucun d’eux ne se ressemblent, entre son remake de « Suspiria« , « Bones and All » et son histoire de cannibalisme, ou encore « Challengers« , film dont personnellement, je n’aurais jamais cru qu’une partie de tennis me tienne autant en haleine.

Pour son nouveau film qui arrive moins d’an après « Challengers« , Luca Guadagnino change totalement de registre et revient avec ce qui se pose comme son projet de rêve. En effet, le film est une adaptation de « Queer« , roman de William S. Burroughs, et le réalisateur rêvait de faire un film de cette histoire, alors qu’il était adolescent, il y a une trentaine d’années. La première version d’un possible scénario remonte à ses vingt et un an, c’est dire. Totalement inattendu, enfin, sûrement pour ceux qui, comme moi, n’ont pas lu le roman », « Queer » est un film pour le moins singulier, dont le visionnage ne laissera pas indifférent. Étrange et fascinant à la fois, longuet, tenant même un chapitre qui peine à intéresser, il fut pourtant impossible de lâcher l’écran des yeux tant « Queer » a cette faculté d’hypnotiser, et d’aller vers un final qui mélange sexe, drogue et hallucination.
« »Queer » est un film qui fait se bousculer les sensations »
Mexique, les années 50, Lee est un Américain qui s’est exilé pour pouvoir vivre librement comme il le dit. Homosexuel, un brin alcoolique et surtout héroïnomane, Lee traverse sa vie de manière déconnectée, enchaînant les coups d’un soir, et les beuveries qui le laissent dans un état lamentable. Puis un soir, il croise Eugène, un jeune homme aussi élégant qu’étrange et fascinant à la fois. Le jeune homme bouleverse Lee qui se met en tête de faire sa connaissance et plus encore, mais surtout, au-delà de ça, Eugène éveille un sentiment que Lee n’avait pas connu depuis longtemps, très longtemps.
Il y a des séances de cinéma qui laissent totalement partagé lorsqu’on sort de la salle, et assurément, « Queer » est un film qui fait partie de ceux-là. « Queer » est un film qui fait se bousculer les sensations, qui conjuguent les bons points et les mauvais. « Queer« , c’est un film qui arrive à la fois à se faire désagréable et totalement fascinant. Inégal, le film est construit en trois chapitres, suivi d’un épilogue, et s’il tient de sacrés moments de grâce, s’il arrive à captiver avec son premier chapitre qui présente bien ses personnages, il va aussi grandement ennuyer dans son deuxième chapitre, qui ne racontera finalement pas grand-chose.
Puis, alors qu’on pensait savoir où cette intrigue allait, cette dernière change de cap, bouscule tout, et s’aventure dans un trip qu’on n’avait pas vu venir. Ainsi, son dernier chapitre bascule dans l’étrange et pique tellement à vif, qu’il offre un sacré regain d’intérêt pour son histoire, mais aussi dans son visuel, qui va nous offrir la scène la plus hallucinée de 2025. On pourrait en mettre notre main à couper.
« un trip qu’on n’avait pas vu venir »
À certains moments, « Queer« , dans sa façon d’offrir un trip qu’on n’avait pas vu venir, m’a fait penser à « La plage » de Danny Boyle. En fait, c’est un peu comme si « La plage » rencontrait « Call Me By Your Name« , avec un mélange d’ »American Gigolo« , et même de « The Lost City Of Z« . Comme si tous ces films se conjuguaient et fusionnaient les uns avec les autres, pour donner ce film inclassable finalement. Un film qui, comme je le disais, sait avoir ses moments de grâce, ses instants de poésie pure, cette rencontre en dehors du temps, ces personnages qui fascinent et qui sont redoutablement interprétés, même s’ils peuvent être aussi désagréables, voire même agaçants.
Évidemment au travers de ce trip, « Queer » est un film qui aborde beaucoup de sujets. Très riche dans ce qu’il raconte, le film aborde évidemment l’homosexualité dans les années 50, avec cette façon de se voir, cette façon d’accepter ou non. Puis derrière ça, il y a le poids de l’homosexualité, qui pousse par exemple le personnage principal à se mettre dans ces états-là, car finalement, il est mal dans sa peau, malgré le fait d’être dans un environnement qui « l’accepte » comme il est.
Puis, derrière ça, évidemment, le film parle de la drogue, des réglementations selon les pays, l’exil pour vivre drogué en paix. Puis il y a cette quête, cette recherche de soi, ou autre chose, avec ce troisième chapitre. Oui, cette partie est si hallucinée qu’elle se pose libre d’interprétation tant chacun peut y voir une quête, et une réponse différente. Cette sensation se prolonge d’ailleurs avec son épilogue, qui nous laissera seuls juges de ce que l’on vient de suivre.
« Daniel Craig est impeccable dans la peau de cet homme paumé »
Si dans sa mise en scène, « Queer » est parfois quelque peu poussif et longuet, et fait des choix qui ne plairont pas à tout monde, notamment l’idée de tourner tout en studio pour appuyer le côté factice du point de vue de son personnage principal, ce qui donne des moments de cinéma qui parfois respirent à pleins poumons le fond vert bien trop voyant, il faut aussi laisser au film d’être superbement filmé, offrant de véritablement moments d’osmose. Puis avec ça, le film dégage un magnétisme assez incroyable, qui fait que même lorsque l’on a tendance à s’ennuyer, il y a quelque chose qui fait qu’on reste accroché d’un bout à l’autre.
Ce sentiment, on le doit aussi à ces deux acteurs incroyables et magnétiques eux aussi. Si parfois, ils peuvent être désagréables et froids, il n’empêche qu’ils en sont aussi beaux et touchants, voire très touchants. Évidemment, Daniel Craig est impeccable dans la peau de cet homme paumé, névrosé, alcoolique, et sacrément drogué. Mais la révélation du film, c’est aussi et surtout Drew Starkey. Le jeune comédien qu’on a vu dans « Love Simon » ou « American Animals » éclate au grand jour dans un rôle aussi énigmatique que fascinant à suivre. Il y a beaucoup d’élégance et de mystère qui se dégagent de lui.

« Queer » n’est donc clairement pas le film auquel on peut s’attendre. Luca Guadagnino bouscule les codes et offre une histoire et un film qui osent beaucoup de choses qui se font totalement inattendues, et au-delà de ça, que l’on l’aime ou non, une chose est sûre, c’est qu’il risque fort bien de s’incruster de nos mémoires, continuant à interroger après son visionnage. Si le film s’est posé comme imparfait, et si, personnellement, je n’ai pas tout aimé de cette séance de cinéma, ça fait du bien de voir un film différent et de suivre un auteur qui propose des choses. Après tous ses films qui s’enchaînent et qui ne se ressemblent absolument pas, je suis encore plus curieux de voir le prochain Guadagnino.
Note : 13/20
Par Cinéted