mars 29, 2024

A Couteaux Tirés 2 – Glass Onion – Rian Johnson est un Sale Gosse

Titre Original : Glass Onion : A Knives Out Mystery

De : Rian Johnson

Avec Daniel Craig, Edward Norton, Janelle Monae, Kathryn Hahn

Année : 2022

Pays : Etats-Unis

Genre : Policier, Comédie

Résumé :

Direction la Grèce pour le célèbre détective Benoit Blanc, qui doit élucider un mystère entourant un milliardaire de la technologie et son groupe d’amis hauts en couleurs.

Avis :

Tout d’abord monteur, notamment pour Lucky McKee sur le film May, puis scénariste et réalisateur et de ses propres scripts, Rian Johnson va réellement faire parler de lui en 2012 avec Looper. Film de science-fiction qui s’amuse avec une boucle temporelle, le jeune cinéaste montre une belle qualité d’écriture et un œil pertinent. Du coup, après deux épisodes de Breaking Bad, il est embauché par Disney pour réaliser le huitième opus des Star Wars. Déconstruisant le mythe des Jedi et mettant son cynisme dans l’univers, Les Derniers Jedi va s’attirer les foudres des fans de la franchise. Mais il en faudra plus pour arrêter Rian Johnson qui, par la suite, va s’attaque au Whodunit en proposant une sorte d’Agatha Christie comique, avec un détective doué et relativement drôle, Benoît Blanc. Le film est un succès à la fois critique et public, et une nouvelle franchise est lancée.

Toujours sous la plume de Rian Johnson, et sous son œil, Glass Onion sera alors la deuxième enquête du célèbre détective joué par Daniel Craig. Pour autant, le film ne sera pas disponible dans les salles de cinéma, puisque c’est Netflix qui en a récupéré les droits, et le film est donc directement disponible via la plateforme de streaming. Un choix qui peut décevoir, surtout quand on voit la qualité de l’image, du casting, et même du film dans son ensemble. Car oui, malgré un côté « bigger and louder » pleinement assumé par rapport au premier, ce deuxième opus de A Couteaux Tirés est une belle réussite qui joue au plus malin avec le spectateur, le trompe, le prend pour un imbécile, pour mieux surprendre et tirer à boulets rouges sur le monde des influenceurs et des riches idiots.

« Car c’est bien là le point fort du film, mettre en avant des protagonistes que l’on va adorer détester. »

Pour cette enquête, Benoît Blanc est invité sur l’île d’un milliardaire qui, chaque année, invite ses meilleurs amis pour faire des jeux le temps d’un weekend. Et cette année, il s’agira d’une Murder Party, où il faudra trouver l’assassin du milliardaire. Mais le détective, bien qu’ayant reçu une invitation, n’était pas prévu à la fête, mais cela met en joie l’hôte, qui va pouvoir mesurer les talents d’investigateur du détective. Dès le départ, le film va jouer avec nous et notre perception. L’introduction est d’ailleurs très ludique en présentant quatre personnages extravertis qui vont devoir résoudre des énigmes dans une boîte géante. De suite, le spectateur est mis à contribution et participe presque à ce jeu géant, qui s’amuse avec la mode des escape game. C’est malin et cela nous met directement dans le bain, en plus de présenter des personnages… détestables.

Car c’est bien là le point fort du film, mettre en avant des protagonistes que l’on va adorer détester. De suite, on repère la femme politique qui cache des apparences douteuses et des idéaux pas forcément très beaux. On aura aussi droit au scientifique qui se plie à tous les desideratas de son patron, sans trop se poser de questions. Que dire de l’ancien mannequin qui fait le buzz avec des tweets racistes et qui cherche un sens à sa vie en faisant des fêtes orgiaques. Et enfin, on a droit à l’influenceur masculiniste, qui perce sur Twitch et sur Youtube. Bref, une palette de personnages ingrats, qui correspondent néanmoins à ceux qui dirigent le monde aujourd’hui, à savoir les influenceurs et les politiques qui manipulent les réseaux sociaux pour se faire bien voir. En ce sens, le film est terriblement d’actualité.

« Rian Johnson veut encore jouer au plus fin, à ce petit jeu de sale gosse punk dont il nous a habitués. »

D’ailleurs, il va continuellement jouer là-dessus. L’influence, le fait de toujours vouloir rester au top, quitte à mentir ou faire chanter, ce sont là les thèmes de prédilection de ce film, qui dans un sens, va être d’une simplicité alarmante. Le scénario est bien moins tiré par les cheveux que veut nous le faire croire Rian Johnson. Et en ce sens, il se joue de nous et de son héros en complexifiant à outrance un truc basique, fait par un débile profond. Benoît Blanc le dit lui-même, il n’est jamais aussi mauvais que quand c’est trop simple. Et c’est effectivement le cas. Il y a une mise en abîme qui est très intelligente dans ce long-métrage, et qui suit au millimètre près ce qu’il veut démontrer. Ici, on suit les débiles, les plus cons, les plus égocentrés, à un tel point que l’on en devient bête soi-même.

Ainsi donc, le film est bien plus malin que son pitch de base, et cela même si on crame le plot twist en milieu de métrage. On pourrait croire que Rian Johnson veut encore jouer au plus fin, à ce petit jeu de sale gosse punk dont il nous a habitués, et c’est exactement cela. Mais afin de rendre cela digeste, voire même jouissif, il utilise une narration éclatée, revient en arrière pour proposer de nouveaux points de vue, et délivre alors de nouvelles informations, parfois inutiles, mais qui renforcent les ressentiments entre les divers protagonistes. En faisant comme ça, il appuie là où ça fait mal, démontre les suiveurs qui ne sont là que par intérêt, quitte à mentir pour protéger leurs intérêts. Le monde des influenceurs est dégueulasse, et le réalisateur le montre avec ferveur.

« le casting semble s’éclater là-dedans, avec un parterre de stars sublime. »

Tout comme il se fout de la gueule des nouveaux riches, de ces bonimenteurs idiots, de ces esbroufeurs formidables, qui racontent n’importe quoi, mais qui arrive au sommet de la chaîne grâce à une chance incroyable et un bagou trompeur. Comment ne pas y voir une allégorie à tous ces types devenus riches grâce à un concept, et qui pourtant sont incapables de faire une phrase sans faire une faute, ou de proposer quelque chose par eux-mêmes. Les noms d’Elon Musk ou de Jeff Bezons ne sont jamais loin, et c’est à cela que l’on reconnait la patte Rian Johnson, avec sa petite tête de fouine souriante, qui aime foutre un peu le bordel partout où il passe. On peut dire ce que l’on veut, ce type ose et se fout bien de ce que l’on pense de lui ou de son cinéma.

Et en parlant de cinéma, son film est très beau à regarder. Outre une qualité d’image exceptionnelle, la mise en scène est, comme d’habitude, inspirée et permet de donner du rythme à cette intrigue. Que ce soit dans les mouvements de caméra, dans des choix d’angle de vue, le cinéaste s’amuse avec son matériel et offre même quelques images qui restent en tête. Et même le casting semble s’éclater là-dedans, avec un parterre de stars sublime (Daniel Craig, Edward Norton, Janelle Monae, Dave Bautista, Kate Hudson, Kathryn Hahn, etc…) et des invités très drôles, à l’image des apparitions de Hugh Grant, Ethan Hawke ou encore Angela Lansbury dans sa dernière apparition.

Au final, Glass Onion est une belle réussite, qui parfois sans trop d’effort à surpasser son aîné. En visant plus grand et plus fort, en tirant à boulets rouges sur le monde des influenceurs et des ultra riches contemporains qui ne vivent que via les crochets de quelqu’un d’autre et dans le bad buzz, Rian Johnson offre une satire jouissive, drôle et participative. Et finalement, ici, ce n’est pas tant le côté policier qui l’emporte, mais bien le sous-texte, qui frappe fort et juste. Bref, le réalisateur continue son petit bonhomme de chemin de sale gosse qui joue au plus malin, et c’est vraiment marrant.

Note : 17/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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