
Auteurs : Mathieu Mariolle et Nicola Genzianella
Editeur : Casterman
Genre : Historique, Aventure
Résumé :
Au XVIIe siècle, William Adams, un marin anglais, fait naufrage sur les côtes du Japon. Il découvre un pays au bord de la guerre civile, divisé par les luttes de pouvoir qui opposent le général Tokugawa aux quatre régents pour l’accession au titre de Shogun.
Pris au piège dans cette contrée où tout lui est étranger, sa connaissance de la technologie maritime et des armes fait rapidement de lui l’instrument de ce conflit.
Alors que les régents et les jésuites, hostiles à la présence d’un protestant dans le pays, réclament sa mort, le général Tokugawa lui sauve la vie.
Le destin de ces deux hommes va alors se sceller de manière indissociable.
Avis :
Au fil des siècles, sinon des millénaires, on distingue de nombreux évènements clefs qui ont jalonné l’histoire du Japon. Parmi ceux-ci figure un moment charnière entre le XVIe et le XVIIe siècle, où les dissensions intestines minent la politique du shogunat. Cela sans compter les tentatives d’unification d’un pays où la guerre civile gronde et une volonté à s’extirper de l’isolationnisme édifiée par les précédents dirigeants. Cette période marque aussi l’arrivée des premiers Européens sur l’archipel nippon, où commerce et religion constituent les principaux motifs de ces voyages à l’autre bout de la planète. L’une des plus célèbres histoires en la matière est celle de William Adams, considéré comme le premier Britannique à avoir foulé les rivages du pays du soleil levant, à l’aune de l’époque d’Edo.

William Adams, samouraï est un diptyque qui évoque le parcours de ce personnage emblématique. Celui-ci a inspiré le roman culte de James Clavell : Shogun. Cependant, les présents ouvrages n’en constituent pas une adaptation. Étant donné le format restreint de la bande dessinée, l’intrigue se resserre autour de son naufrage jusqu’à la bataille de Sekigahara. Sans pour autant se montrer synthétique, on devine un récit qui va à l’essentiel. Les scènes possèdent toutes un intérêt notable afin d’évoquer la situation précaire du protagoniste, le contexte politique et les confrontations entre les différentes forces opposantes. À certains égards, il est vrai que l’histoire se révèle elliptique, où elle fait l’économie d’une évolution mesurée et progressive des a priori sur la culture nipponne.
En cela, le premier tome s’axe sur la colère et la frustration qui découle du naufrage. Exception faite de l’apprentissage de la langue, il est aisé d’entrevoir un refus d’intégration de la part du principal intéressé. Son statut d’étranger s’exacerbe au contact de traditions et de comportements dont il n’entend rien. Il se retrouve autant prisonnier de sa position que de son état d’esprit, quitte à se montrer entêté à l’extrême et inconscient dans ses décisions. Cette incursion marque donc une découverte guère hospitalière. À cela s’ajoute la présence de Portugais qui accentuent les tensions entre les catholiques et les protestants. Cette menace sous-jacente persiste tout au long de l’intrigue.
La seconde partie du diptyque présente une évolution sensible, dans le sens où le comportement de William Adams change. Ici, il ne s’agit plus d’une volonté forcée à s’adapter aux circonstances ou à l’environnement. Il émerge une sorte de fascination latente à découvrir les richesses du Japon. Celles-ci portent sur le patrimoine architectural, le mode de vie ou les considérations spirituelles. Ces dernières concernent la pratique méditative du zazen, en corrélation avec les préceptes du bouddhisme zen. Les rapports s’apaisent, tandis que la guerre se prépare. Là encore, certains retournements peuvent paraître précipités dans le parcours de William Adams. On songe à ce refus ferme d’initier les soldats au maniement des armes à feu, puis à son revirement pour prendre part au conflit.
Ses réactions ne semblent pas invraisemblables, mais elles manquent de détails pour atténuer le contraste entre le naufragé véhément et l’individu sensible au bushido. Si elles n’occupent pas une place prépondérante au sein des deux tomes, les séquences d’action restent bien menées. Il s’agit essentiellement de combats rapides, avec un nombre restreint d’ennemis, où la maîtrise du sabre se confronte aux techniques occidentales, moins conventionnelles et raffinées. Le cadre rapproché accentue la célérité des mouvements et des coups portés. Quant à la bataille de Sekigahara, point d’orgue de l’intrigue, les planches traduisent sa démesure, sa violence et sa dimension stratégique entre les différentes factions en présence.

Au final, William Adams, samouraï constitue une incursion historique intéressante, aux prémices de la période d’Edo. En l’espace de deux tomes, les auteurs retracent le parcours tumultueux de leur protagoniste. Sur fond de chocs des cultures, le récit dépeint également le contexte politique de l’époque, en particulier les luttes intestines, les alliances et les oppositions qui se jouent dans les coulisses du pouvoir. Si certains éléments restent romancés ou fictifs, l’ensemble fait montre de réalisme et d’une rigueur évidente pour retranscrire cette période charnière du Japon. Une telle intrigue présente une densité notable. Aussi, il est difficile de ne pas faire l’impasse sur le caractère elliptique de sa progression et sa brièveté, même si l’on excède la centaine de planches pour les deux ouvrages réunis. Il n’en demeure pas moins un diptyque maîtrisé et recommandable.
Note : 14/20
Par Dante