avril 19, 2024
BD

Frank Lee – L’Après Alcatraz – Belle est la Liberté!

Auteurs : Hasteda et Ludovic Chesnot

Editeur : Ankama

Genre : Drame

Résumé :

Frank Lee Morris : « adepte du braquage », « doté d’un quotient intellectuel supérieur à la normale », « artiste de l’évasion » selon sa fiche d’admission au centre pénitentiaire d’Alcatraz. Son plus haut fait d’armes est de s’être évadé de la prison la plus sécurisée des États-Unis dans la nuit du 11 juin 1962 ; son corps et celui de ses deux complices ne furent jamais retrouvés. Si les fugitifs sont présumés morts par noyade, le FBI n’a jamais cessé les recherches. Aujourd’hui encore, le dossier reste ouvert.

Pourrait-il être en vie et quelle aurait été son existence après l’évasion de la terrible prison d’Alcatraz ?!

Avis :

Certains faits divers sont faits pour être raconté à travers différents médiums. Que ce soit le cinéma, la télévision, en roman ou encore en bande-dessinée, certaines histoires vraies méritent qu’on revienne dessus, et cela pour diverses raisons. Soit pour raconter un destin exceptionnel, soit pour revenir sur des personnages sordides, soit encore pour imaginer des évènements dont on ne sait rien. Et c’est exactement là-dessus que repose Frank Lee – L’Après Alcatraz. Frank Lee Morris est un personnage qui a vraiment existé (et qui, peut-être, existe toujours, même s’il doit frôler les 100 ans) et qui a marqué l’histoire de la fameuse prison, puisqu’il fait partie des trois seuls hommes à avoir réussi à s’échapper, en 1962, et dont les corps n’ont jamais été retrouvés. Ce récit va alimenter bon nombre de scénarios, dont celui de Don Siegel avec son film L’Evadé d’Alcatraz porté par Clint Eatswood.

Cependant, ce n’est pas ce qui intéresse Hasteda (Horseback 1861) ici, puisque son histoire prend place après l’évasion. On ne sait absolument rien de ce qu’est devenu Frank Lee Morris. Est-il mort noyé ? A-t-il fui dans un autre pays ? A-t-il été couvert par des personnes ? C’est le néant absolu. De ce fait, le scénariste a voulu imaginer la vie de Frank Lee Morris après son évasion. Ainsi, cette bande-dessinée doit se voir comme une biographie fictive et romancée, racontée par un Frank Lee Morris vieillissant, revenant sur son passé, et dressant aussi un portrait nostalgique de l’Amérique des années 60 et 70. Dessiné par Ludovic Chesnot, ce one-shot va se faire passionnant à plus d’un titre, réussissant le tour de force de se faire à la fois touchant, mélancolique et intelligent.

La BD explique rapidement, dès son début, l’évasion spectaculaire des trois hommes. Cela se résume en quelques planches, avec la présentation sommaire des deux frères Anglin qui ont accompagné Frank Lee, et le portrait au vitriol du dernier directeur de la prison. Une fois cela fait, Hasteda et Ludovic Chesnot vont alors se concentrer sur Frank Lee et ce qui a pu possiblement lui arriver. Le démarrage est tonitruant, avec une course-poursuite dans les bois où le héros va grièvement se blesser. Se cachant dans une grange, il soigne sommairement ses blessures, puis va se réveiller dans une chambre, avec un homme à son chevet. Ici se fera la rencontre la plus importante de Frank Lee. Il trouvera là sa rédemption, son ange-gardien, celui qui prendra la place de père de substitution. A partir de là, la BD va prendre des allures de tranche de vie assez étonnante.

Délaissant le côté spectaculaire, mettant de côté l’enquête policière et la volonté d’attraper cet évadé, la BD, toujours racontée par le héros, va s’arrêter sur les relations du bonhomme, sur son travail dans une épicerie, et sur l’amour que va lui apporter ce couple simple et altruiste. Ne sombrant jamais dans le mélo, évoquant constamment les volontés de Frank Lee de retrouver une vie normale, le récit va être touchant, tendre et mettre en avant des personnages empathiques. Si Frank Lee n’est pas un mauvais bougre et cherche à rattraper le temps perdu, ce couple, qui a déjà perdu un fils à cause de mauvaises relations, va se faire beau. Une beauté qui provient non seulement de leur mentalité, mais aussi de leur relation, et de ce besoin de protéger Frank Lee, comme si c’était leur fils.

En plus de cela, Frank Lee va trouver l’amour en la présence de Liza. Un amour fugace, qui vire au drame et permet alors à Hasteda de montrer une autre facette des Etats-Unis, alors en plein Flower Power, avec ce qu’il faut de sexe et de drogue. Ce passage marque un tournant chez Frank Lee, qui sera ensuite pousser à vivre sa propre vie une fois ses parents adoptifs morts. En quelques planches, en peu de mots, la BD devient presque bouleversante et évoque la vie, tout simplement. Pas besoin d’être extraordinaire pour avoir un destin hors du commun, et c’est un peu tout le sel de cette BD. Seul le dernier segment, avec ce journaliste un peu invasif, laisse circonspect, avec un retournement de situation un peu tiré par les cheveux, mais qui permet de boucler la boucle sur le mystère entourant la vie de Frank Lee Morris.

Avec cette histoire, on va trouver des thèmes assez récurrents que l’on retrouve dans le cinéma américain. On pense bien évidemment à cette liberté évoquée dans les années 70, et comment ne pas penser à la secte de Charles Manson, qui est d’ailleurs mentionnée dans le texte. On va aussi y voir une critique acerbe sur les conditions de détention et sur le fait que n’importe qui aurait pu aller à Alcatraz. Al Capone y fut enfermé, tout comme un simple voleur de voiture. Hasteda évoque cela au travers de quelques dialogues, sans jamais trop s’appuyer dessus, car ce n’est pas le sujet principal de la BD. On aura un écho sur la nostalgie, et le temps qui passe. La voix de Fran Lee est bercée de souvenirs, touchants et tristes, mais aussi de bons moments, et finalement, la BD sait se faire à la fois joyeuse et parfois bouleversante.

La rédemption tient une place centrale. Ce n’est pas parce que l’on a fait des fautes dans une vie antérieure que l’on n’a pas droit à une seconde chance. Ce récit en est l’exemple type, démontrant que bien entouré, avec amour, n’importe qui peut devenir un autre homme, et construire une vie simple et bienveillante. Un sujet qui résonne encore comme d’actualité. Enfin, tout cela est porté d’une main de maître par Ludovic Chesnot qui a un trait particulier, identifiable parmi mille, et qui arrive à donner vie à ce récit. Non seulement c’est beau, mais c’est aussi dynamique quand il le faut, violent quand c’est nécessaire, et tendre quand il faut présenter les petites choses de la vie. Un dessin qui s’encre parfaitement dans la ligne éditoriale d’Ankama. Et ces couleurs sont tout simplement sublimes, alternant les moments froids et les phases chaudes, avec des aplats splendides.

Au final, Frank Lee – L’Après Alcatraz est une superbe réussite. Hasteda délivre un récit fictif cohérent et qui tient la route, arpentant le chemin sinueux de la rédemption dans une Amérique en plein changement. Doux, tendre et violent, comme la vie, la BD nous fait passer par tous les stades émotionnels. Et même si on restera dubitatif sur la fin, avec ce journaliste pédant, jamais on n’arrivera à lâcher l’histoire. Ludovic Chesnot peaufine tout cela avec des dessins sublimes et une ambiance parfaite, qui évoque le cinéma de Tarantino à plein nez. Bref, un immanquable de cette fin d’année.

Note : 17/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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