
De : Gilles Marchand
Avec Jérémie Elkaïm, Timothé Vom Dorp, Théo Van de Voorde, Sophie Quinton
Année : 2017
Pays : France, Suède
Genre : Drame, Horreur
Résumé :
Tom et son grand frère Benjamin partent en Suède retrouver leur père pour les vacances d’été. Tom appréhende les retrouvailles avec cet homme étrange et solitaire. Le père, lui, semble convaincu que Tom a le don de voir des choses que les autres ne voient pas.
Quand il leur propose d’aller vers le Nord pour passer quelques jours dans une cabane au bord d’un lac, les enfants sont ravis. Mais l’endroit est très isolé, au milieu d’une immense forêt qui exacerbe les peurs de Tom. Et plus les jours passent, moins le père semble envisager leur retour…
Avis :
Le cinéma français regorge de talents, et parfois, ils ne sont pas connus à leur juste mesure. Prenons un exemple concret, Gilles Marchand. Ami de longue date de Laurent Cantet et Dominik Moll, il sort de la Femis et éprouve un amour pour le scénario et les histoires un peu éthérées et sombres. Il va alors collaborer avec ses amis sur de nombreux projets et commencer à passer derrière la caméra à la fin des années 80 pour faire des courts-métrages jusqu’en 2003, où il filme son premier long-métrage, Qui a Tué Bambi ?. Relativement discret dans la mise en scène, il se révèle à l’écriture, et on lui doit de nombreux grands films, comme Harry un Ami qui vous veut du bien, Seules les Bêtes et La Nuit du 12. Pour autant, il s’essaye de façon sporadique à la réalisation, faisant un film tous les six/sept ans.

Dans la Forêt est son troisième film, et il s’agit d’un drame horrifique à l’ambiance pesante, puisant des inspirations chez Kubrick via Shining, ou encore Laughton avec La Nuit du Chasseur. De bien grands noms pour un film étrange, qui a tous les atours d’un slowburner, c’est-à-dire un film lent, où l’horreur monte progressivement, de façon insidieuse, jusqu’à un final qui se veut étrange à souhait. Ici, Gilles Marchand nous propose de suivre deux jeunes garçons qui vont retrouver leur père qui vit en Suède, pour les vacances. Le père est relativement froid, et tisse des liens étranges avec son plus jeune fils, devenant presque toxique lorsqu’il le force à faire des jeux ésotériques, voyant en lui un don pour la voyance et le psychisme. Le début est donc lent, et s’amuse à établir une relation froide entre un père taiseux et deux garçons qui en ont un peu peur.
« Gilles Marchand peaufine sa mise en scène pour faire monter une tension palpable »
Le scénario se débloque un peu lorsque le père décide de partir en randonnée avec ses enfants, passant alors plusieurs nuits au bord d’un lac, dans une cabane vétuste. La forêt devient un personnage à part entière, à la fois tortueuse, belle et mortelle, dans laquelle le plus petit des frères va voir une sorte de monstre le poursuivre. Les relations vont se tendre entre les trois personnages, notamment à cause d’un père mutique et inquiétant, un grand frère qui souhaite revenir à la civilisation, et un petit frère qui voit un monstre le suivre. Gilles Marchand peaufine sa mise en scène pour faire monter une tension palpable, jouant alors avec les sensibilités des personnages, et surtout un père qui ne dort pas, et semble perd la boule petit à petit. Jérémie Elkaïm est vraiment bon dans ce rôle, mais c’est aussi ce qui va casser le film.
Car si Dans la Forêt demeure un film intéressant dans sa montée en tension et sa mise en scène qui oscille entre beauté et glauque, il est aussi un long-métrage froid et distant, pour lequel on ne ressentira strictement aucune émotion. La faute en incombe à ce père étrange, qui maltraite volontairement son cadet, et pour lequel on aura une aversion quasi instantanée. L’acteur a beau être excellent dans ce rôle, le personnage est antipathique au possible, et comme il bouffe tout l’écran, ainsi que les enfants, on reste dans l’attente qu’il lui arrive un truc. Mais le film est si lent, et l’intrigue si exiguë, que l’on va vite ressentir de l’ennui face à quelque chose qui ne décolle jamais, ou tout du moins qui ne tient pas ses promesses d’explosion sur un final voulu. Il manque quelque chose pour que le tout s’embrase pleinement.
« Il manque vraiment une ambiance plus nébuleuse, plus brumeuse. »
Et puis il y a un vrai souci sur l’identité même du film. Si on sait que l’on est dans un drame qui vire à l’horreur, le côté psychologique prend trop le pas sur l’aspect fantastique. Il aurait été plus judicieux, sans doute, de mettre en avant une Folk Horror dans les bois suédois. Il manque vraiment une ambiance plus nébuleuse, plus brumeuse. Si les éléments horrifiques sont plutôt bien amenés, et que l’on évite les jump scares inutiles, il manque vraiment une atmosphère plus prégnante. Là, on est dans le froid, aussi bien dans la psyché des personnages que dans cette forêt humide qui ne semble pas avoir de lourds secrets, ni même de petites sorcières qui s’amusent à faire des grigris avec des squelettes d’oiseaux maigrelets. Il manque ce petit truc en plus qui aurait porté le film vers une dimension plus forte et plus ésotérique.

Au final, Dans la Forêt n’est pas un mauvais film, mais il reste un drame horrifique tout ce qu’il y a de plus « français ». C’est-à-dire que malgré ses intentions psychologiques et tortueuses, le film ne plonge jamais à bras raccourcis dans le fantastique, comme si c’était puéril de faire cela. Il lui manque alors un aspect Folk qui lui aurait permis de trouver une autre dimension et reste bien trop froid pour vraiment nous impacter quant au devenir des différents protagonistes. Bref, ce n’est pas si mal que ça, mais la démarche volontaire arty gâche un peu l’expérience…
Note : 11/20
Par AqME