février 10, 2025

Le Grand Dieu Pan – Arthur Machen

Auteur : Arthur Machen

Editeur : Editions Callidor

Genre : Fantastique, Horreur

Résumé :

Belle mais démoniaque ! Entourée d’un halo d’étrangeté et de mystère…
Telle est la femme qui hante les rues de Londres, mais aussi l’esprit dérangé de ceux qui l’ont rencontrée, des hommes en général fortunés. Tous ont finit leurs jours dans des circonstances ténébreuses, le visage déformé par l’épouvante et l’effroi. Par quelle fatalité cette créature superbe sème-t-elle la mort autour d’elle ? Serait-elle maudite ? Aurait-elle pactisé avec une puissance maléfique ? Il semble bien qu’elle ou sa mère, victime d’une expérience diabolique menée par un savant fou, ait aperçu ce qu’aucun œil humain ne peut contempler…
Le dieu de l’abîme, le grand Pan, dont la vue cause une peur  » panique  » !

Avis :

Le meilleur réalisateur de tous les temps est Guillermo Del Toro. C’est un fait, c’est indéniable, et ceux qui pensent que c’est Christopher Nolan ont tort (sauf si on aime le cinéma sans vie, avec une mise en scène clinique). Et ce qu’il y a de bien avec Guillermo Del Toro, c’est qu’il n’hésite pas à dire ses références, que ce soit en matière de cinéma, bien entendu, mais aussi de littérature, mettant tout le temps en avant H.P. Lovecraft, Clark Ashton Smith ou encore Arthur Machen. Et en ce qui concerne ce dernier, c’est surtout Le Grand Dieu Pan est tout le temps sur les lèvres du cinéaste mexicain, et on profite, en France, d’une édition prestigieuse avec les éditions Callidor, qui propose ce court roman avec quelques autres nouvelles de l’auteur. Mais est-ce si bien que cela ?

Très clairement, avant de commencer toute « critique », il faut remettre dans le texte dans le contexte de l’époque. Car oui, Le Grand Dieu Pan fut écrit en 1894, et forcément, les mœurs de l’époque n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui. Et cela se ressent sur le thème central de la première nouvelle, puisqu’il s’agit d’une femme fatale, qui semble possédée par le Dieu Pan, qui devient lubrique et piège un grand nombre d’hommes. On peut y déceler un petit côté misogyne qui correspond finalement au XIXème siècle, mais on peut considérer que ça met en avant la puissance de la femme, seule personne qui survit à la vision du Dieu Pan, et qui va en profiter pour tirer parti de cette puissance. En ce sens, la nouvelle est assez visionnaire et démontre tout le talent de Machen pour raconter une histoire autrement.

Pas étonnant, d’ailleurs, que son livre fut sauvagement critiqué lors de sa sortie. Arthur Machen est un visionnaire, et il s’inspire grandement du folklore de son pays et de sa mélancolie pour tisser des intrigues, et forcément, cela déplait car ça va à l’encontre des cades de l’époque. Si l’on se concentre sur Le Grand Dieu Pan, mais aussi sur ses autres nouvelles, comme Histoire du Cachet Noir ou Histoire de la Poudre Blanche, il y a une chose qui revient tout le temps, c’est l’intrusion du monde de l’invisible dans le monde des vivants, transformant alors les corps et les âmes. Chaque histoire est racontée d’un point de vue extérieur, par une tierce personne, souvent féminine, qui va être témoin d’horreurs plus ou moins cosmiques. Cette intrusion se fait latente, par petits à-coups, et on sent que la tension monte à chaque page, et à chaque méfait.

Le plus étonnant dans ces nouvelles, c’est que Machen se place vraiment comme un avant-gardiste du genre, distillant une épouvante qui prend place dans des milieux plutôt aisés, décrivant alors des déviances qui se déroulent en cachette, dans des lieux que l’on préfère éviter. La Lumière Intérieure en est un exemple parmi d’autres, où l’on voit un médecin de bon aloi devenir un déchet humain à cause d’un coffret détenant un vilain secret. Quand il s’attaque à des milieux urbains, l’auteur place toujours son intrigue dans un milieu bourgeois trop curieux, et aux prises avec des forces qu’il ne maîtrise pas. On pourrait presque y voir un juste retour des choses, avec des gens imbus d’eux-mêmes, qui vont payer cher cette intrusion dans un monde de ténèbres peuplé de créatures innommables, avec quelques membres tentaculaires. Il est clair que Lovecraft a lu Machen.

Mais le plus intéressant dans cette édition ne réside peut-être pas dans Le Grand Dieu Pan, mais plutôt dans La Pyramide de Feu, la dernière nouvelle. Ici, on suit deux hommes qui vont mener une enquête dans l’arrière-pays anglais suite à la découverte de symboles fait à l’aide de silex et d’outils datant au moins de la Préhistoire. Machen est fasciné par le peuple des fées, et il va les mettre en scène plus d’une fois, mais pas de façon joyeuse ou facétieuse, mais plutôt de façon abrupte et violente. Ici, les fées, les satyres, sont de mauvaises créatures qui kidnappent et tuent de pauvres innocents, en vue de faire divers sabbats. La montée en tension est aussi fascinante que la description qu’il fait de cette pyramide de feu, de cette fête païenne et décadente. Le style de Machen fait réellement mouche.

Au final, Le Grand Dieu Pan (et les autres nouvelles disponibles sur cette édition) démontre tout le talent d’Arthur Machen, véritable précurseur de la littérature fantastique et horrifique. Installant des histoires avec une épouvante latente qui prend place dans un quotidien banal, l’écrivain va en profiter pour distiller des éléments macabres et malsains, décrivant l’être humain comme un animal faible et malléable. Si on peut parfois être rebuter par un style qui commence à se faire vieillot, et à un contexte historique qui peut paraître désuet, il n’en demeure pas moins que l’on fait face là à une œuvre séminale, dont la lecture semble indispensable pour comprendre l’horreur d’aujourd’hui.

Note : 16/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

Voir tous les articles de AqME →

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.