février 9, 2025

Trois Kilomètres Jusqu’à la Fin du Monde – La Roumanie et l’Homophobie

Titre Original : Trei Kilometri pana la Capatul Lumii

De : Emanuel Parvu

Avec Bogdan Dumitrache, Ciprian Chiujdea, Laura Vasiliu, Valeriu Andriuta

Année : 2024

Pays : Roumanie

Genre : Drame

Résumé :

Adi, 17 ans, passe l’été dans son village natal niché dans le delta du Danube. Un soir, il est violemment agressé dans la rue. Le lendemain, son monde est entièrement bouleversé. Ses parents ne le regardent plus comme avant et l’apparente quiétude du village commence à se fissurer.

Avis :

Et si aujourd’hui on allait regarder vers l’Est et que l’on s’arrêtait en Roumanie, pays de réalisateurs comme Cristian Mungiu, Eugen Jebeleanu, Radu Muntean ou encore de Radu Mihaileanu. « Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde » est le troisième film de l’acteur et réalisateur Emanuel Pârvu, mais c’est le premier à franchir les frontières pour trouver la route de nos salles de cinéma. Après avoir fait ses armes et s’être fait remarquer dans différents festivals, 2024, c’est un peu comme l’année de la consécration pour le réalisateur qui se voit concourir pour la prestigieuse Palme d’Or. D’ailleurs, il ne repartira pas bredouille du festival de Cannes, puisque « Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde » décrochera la Queer Palm.

Avec son très joli titre, Emanuel Pârvu pose sa caméra littéralement à la fin du monde, dans un petit village quelque part en Roumanie, où il n’est possible d’y aller qu’en bateau, et c’est là, dans cette jolie ville, que le réalisateur va y raconter l’histoire d’Adi, un jeune homme de dix-sept ans qui va se faire agresser. Et cette agression, c’est le départ d’un engrenage. Dénonçant l’homophobie et l’étroitesse d’esprit, « Trois Kilomètres … » est un film révoltant, terrible et terrifiant, qui peint ce qui existe encore trop souvent. Tenu par des acteurs extraordinaires, la seule petite chose que l’on pourrait lui reprocher finalement, c’est d’être un poil classique pour raconter cette histoire.

« Ce sentiment d’étouffer est contrasté par la beauté et la simplicité de l’endroit où se joue ce drame. »

Adi, dix-sept ans, s’est fait violemment agresser par deux hommes dont il n’a pas eu le temps de voir le visage. Dans la petite ville où il habite, très vite, le chef de la police retrouve les agresseurs d’Adi, et il apprend que s’il s’est fait casser la gueule, c’est parce qu’il a été vu ce soir-là en train d’embrasser un garçon. Avec cette découverte, très vite, ses parents ne le regardent plus comme avant, chamboulés par la surprise, la honte, l’incompréhension. Puis très vite aussi s’installe le regard des autres, que se passerait-il si jamais ça s’ébruitait ?

L’homophobie, c’est un sujet que le cinéma ne cesse de traiter depuis des années, et si bien souvent, aujourd’hui, il le fait de manière trop légère, ou s’en amuse (coucou « Épouse-moi mon pote« ), il reste parfois des réalisateurs et des films qui montrent le visage de l’homophobie et qui la prennent au sérieux. Le dernier en date à l’avoir fait de manière brutale, c’était Nabil Ben Yadir avec son « Animals« .

Et plus d’homophobie qu’il va dénoncer dans ce film, faisant passer sa victime en pratiquement coupable qu’il faut impérativement cacher et soigner, « Trois Kilomètres … » est aussi un film qui va être très intéressant car il se passe en Roumanie, pays qui, s’il a fait de belles avancées de ce côté, lorsque l’on s’éloigne des grandes villes, il reste encore beaucoup de travail à faire.

Tenu par un scénario très bien écrit, Emanuel Pârvu nous raconte la descente en enfer d’un jeune homme qui du jour au lendemain devient un paria qu’il faut absolument cacher. Ici, défendre la victime devient bien moins important que de la cacher, pour éviter les jugements. Petit à petit, un peu comme une traînée de poudre, les parents d’Adi vont aller de plus en plus loin dans leurs actes, convoquant la religion pour les aider à affronter ce qui leur fait peur. Ici, tout le monde est impliqué, et nous, spectateurs, on assiste impuissant à cet engrenage qui se met en place, et tout comme le personnage d’Adi, on n’arrive pas à entrevoir une porte de sortie, ce qui est assez terrible. Ce sentiment d’étouffer est contrasté par la beauté et la simplicité de l’endroit où se joue ce drame.

«  »Trois Kilomètres jusqu’à la fin du monde » souffre d’un côté déjà-vu. »

Pour contrebalancer avec l’étroitesse d’esprit de ses personnages, Emanuel Pârvu a choisi de filmer cette petite ville avec de grands angles, ce qui permet de profiter de la beauté des lieux (le détroit du Danube) dont on a l’impression que le temps s’est arrêté ici.

 Après, comme je le disais, si le film est bon et sait nous entraîner et nous tenir, peut-être que ce « Trois Kilomètres jusqu’à la fin du monde » souffre d’un côté déjà-vu. Il faut dire que le cinéma a déjà parlé de ces histoires, et parfois, il l’a fait de manière plus surprenante ou émouvante. D’ailleurs, très étrangement, si le film est beau et bon, et s’il est révoltant, il lui manque de l’émotion, pas grand-chose, mais suffisamment pour qu’il ne passe pas le statut de grand film, et ça, c’est quelque peu dommage.

Ce que j’aime lorsque je m’aventure dans des films qui viennent d’autres pays que ceux qu’on a l’habitude de voir (France, Amérique, Angleterre), c’est la découverte de visages et de nouveaux acteurs, et là, on est servi avec plus particulièrement deux comédiens qui sortent du lot, Ciprian Chiujdea qui tient le rôle d’Adi, et surtout Bogdan Dumitrache qui incarne le père complétement dépassé du jeune homme. Sa mère, dont le rôle est tenu par Laura Vasiliu, est tout aussi excellente.

Si « Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde » manque peut-être d’originalité et d’émotions, cela ne l’empêche pas d’être un excellent film, qui sait nous tenir du début à la fin. Injuste, révoltant et archaïque dans ses pensées, ainsi que son intolérance qui fera presque passer la victime comme le coupable, ce premier film d’Emanuel Parvu qui arrive jusqu’à nous mérite qu’on s’y arrête, enfin, si jamais on a la chance d’avoir un cinéma qui ose le jouer, car bien souvent, ce genre de petit cinéma est bien mal distribué, et malheureusement, celui-ci ne risque pas d’échapper à la règle.

Note : 15/20

Par Cinéted

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