avril 28, 2024

Testament – La Société Vue par un Vieux

De : Denys Arcand

Avec Rémy Girard, Sophie Lorain, Marie-Mai, Guylaine Tremblay

Année : 2023

Pays : Canada

Genre : Comédie

Résumé :

Dans une ère d’évolution identitaire, Jean-Michel, un célibataire de 70 ans, a perdu tous ses repères dans cette société et semble n’avoir plus grand chose à attendre de la vie. Mais voici que dans la maison de retraite où il réside, Suzanne, la directrice, est prise à partie par de jeunes manifestants qui réclament la destruction d’une fresque offensante à leurs yeux. Alors qu’il observe avec ironie cette époque post pandémique où tout lui semble partir à la dérive, Jean-Michel reprend en main sa vie… et celle des autres.

Avis :

Aujourd’hui, c’est au Québec qu’on s’arrête pour s’intéresser à l’un de ses réalisateurs les plus emblématiques, Denys Arcand. Cinéaste ayant débuté dans les années 60, Denys Arcand a joliment commencé sa carrière, avant d’être révélé en 1987 avec « Le déclin de l’Empire Américain« . Le film, qui sera le premier chapitre d’une trilogie, a connu un très gros succès, qui lança la carrière de Denys Arcand à l’étranger.

Denys Arcand, c’est dix-huit films, des César, un Oscar, et surtout beaucoup de succès avec le public, comme va encore en attester son dernier film, « Testament« , qui, au Canada, est porté par un excellent bouche-à-oreille, le faisant dépasser des records au point de s’imposer comme le plus gros succès de son réalisateur.

«  »Testament » se pose comme une comédie tordante et corrosive. »

Sorti en Octobre dernier, voici donc qu’arrive chez nous, de manière assez discrète, le nouveau film du réalisateur des « … invasions barbares« . Avec à peine une centaine de salles qui jouent le film sur le territoire, « Testament » ne risque pas d’aller tutoyer les records qu’il a connus de l’autre côté de l’Atlantique, et c’est bien dommage, car ce nouveau Denys Arcand est un film aussi drôle qu’il est piquant. Touchant dans la peinture de son personnage, acerbe dans sa façon de regarder le monde, la politique, et beaucoup des mouvements qui font la société d’aujourd’hui, « Testament » se pose comme une comédie tordante et corrosive, qui en plus de ça, démontre qu’à quatre-vingt-deux ans, le metteur en scène québécois en a encore sous le capot.

Jean-Michel a soixante-dix ans, et vit dans l’attente de la mort. Jean-Michel ne se reconnaît plus dans la société d’aujourd’hui. S’il a bien écrit quelques livres il y a longtemps de cela, ces derniers sont oubliés aujourd’hui, et comme il n’a jamais été marié, ni jamais eu d’enfants, Jean-Michel sait qu’il mourra dans l’indifférence générale, et cela ne lui pose pas de problème.

Jean-Michel vit dans une maison des anciens, c’est-à-dire qu’il a son appartement, qu’il est autonome, mais qu’il y a aussi, au sein de cette maison, une équipe qui est là pour veiller au moindre problème. Parmi l’équipe, il y a Suzanne, la directrice de l’établissement, qui a l’air d’être aussi seule que lui, et Jean-Michel va se rapprocher d’elle, lorsque devant la « maison de retraite » arrivent des manifestants qui veulent à tout prix, qu’une peinture qui se trouve sur un mur soit détruite, car cette dernière offense les premières nations, à savoir les indiens, qui étaient là bien avant les canadiens.

« Denys Arcand va nous livrer un film plein lumière, qui va se poser comme une redoutable comédie. »

Pour son nouveau film, Denys Arcand s’interroge sur notre société moderne, sur son hypocrisie, et pourquoi pas ses dérives, avec un doigt pointé et une langue bien pendue, en ce qui concerne les politiques et les mouvements wokistes. Ce regard sur le monde va alors se faire à travers les yeux et les sensations d’un vieil homme qui n’attend plus rien de la vie. Un vieil homme qui n’éprouve plus aucune connexion avec les générations plus jeunes qui l’entourent. Ce personnage aussi doux qu’amer attend la mort sans la craindre, car finalement, c’est ce qui attend chacun d’entre nous et ce n’est pas grave.

Cette base de départ est assez sombre, et pourtant, malgré ça, Denys Arcand va nous livrer un film plein lumière, qui va se poser comme une redoutable comédie. À travers des portraits, Denys Arcand nous entraîne dans un scénario très riche en sujets. Un scénario au travers duquel le réalisateur s’intéresse aussi bien à la politique et au « courage » des politiques (et ils en prennent pour leur grade), qu’à la presse, aux manipulations de cette dernière, ou plutôt au zoom et à la manière dont elle peut dramatiser une situation qui ne l’est pas autant. Puis avec ça aussi, le réalisateur s’intéresse aux évolutions et dérives de la société, avec tous ces combats à défendre, la cancel culture, les réappropriations culturelles, avec une certaine caste qui se pose comme des militants professionnels, qui s’approprient tous les combats, et se font le porte-voix de tous.

« Comme toujours, Rémy Girard est extraordinaire, posant toujours le bon ton et la bonne réplique. »

Avec des scènes bien tournées, bien imaginées, des scènes qui ont du mordant et qui s’amusent de la bêtise humaine, et pointe du doigt de part et d’autre, le réalisateur livre un regard déconcertant et désabusé, qui saura aussi bien nous amuser que pousser à la réflexion. Puis au-delà cela, même s’il pointe du doigt tout cela, le film nous laissera juge de ces évolutions, ce qui est très bien, car après toutes les discordances, les gesticulations et autres agitations, « Testament« , qui était au départ sombre, ira vers un final inattendu et plein de lumière, de sentiment et d’humanité.

Fidèle du cinéma de Denys Arcand, puisque c’est leur cinquième film ensemble, le réalisateur a donc fait appel à l’immense Rémy Girard et le comédien, dans la peau de ce vieil homme désabusé, aussi caustique que drôle, est absolument parfait. Se posant énormément de questions sur le monde d’aujourd’hui, le regardant avec un regard assez unique, on sera touché par la beauté de ce personnage, qui véhicule avec lui beaucoup d’autres sujets, avec en point d’orgue, la solitude des personnages âgées. Comme toujours, Rémy Girard est extraordinaire, posant toujours le bon ton et la bonne réplique. Pour la drôlerie, on appréciera beaucoup le retour de comédiens habitués au cinéma de Denys Arcand, comme Yves Jacques ou Pierre Curzi. Puis au sein de ce joli casting, dans la peau de Suzanne, la directrice de la maison des aînés, on trouvera une grande et très touchante Sophie Lorain.

Gros succès au Canada, le nouveau Denys Arcand mérite bien tous les éloges que le public lui fait. Excellente comédie aussi acerbe que pleine d’humanité, porté par un grand acteur, joliment mis en scène, oscillant parfaitement entre drame et comédie, « Testament » se pose comme un joli coup de cœur, qui m’aura amusé de scène en scène, avant de me serrer la gorge, là où je ne l’ai pas vu arriver. À quatre-vingt-deux ans, Denys Arcand a encore la forme d’un jeune cinéaste, et j’espère vraiment que ce « Testament » ne sera pas son dernier film.

Note : 16/20

Par Cinéted

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