De : Joko Anwar
Avec Rio Dewanto, Hannah Al Rashid, Aridh Tritama, Izzi Isman
Année : 2012
Pays : Indonésie
Genre : Horreur
Résumé :
Parti passer un weekend en forêt avec femme et enfants, un homme va devoir subir une série d’épreuves avant de pouvoir retrouver sa famille, enlevée et dissimulée…
Avis :
En 2011, un film indonésien venait exploser les salles obscures dans un déluge d’action et de violence encore jamais vu. Gareth Evans, avec The Raid, retourne le cinéma d’action et démontre, par la même occasion, que le cinéma indonésien est à prendre en compte et peut receler bien des pépites. Fleurant bon la poule aux œufs d’or, certains distributeurs sont alors allés fouiner dans le pays pour trouver de nouveaux films au concept intéressant, afin de les faire venir dans notre contrée. C’est ainsi que deux ans plus tard, en 2013, sort dans les salles obscures Modus Anomali, sous-titré Le Réveil de la Proie, un nouveau film à concept indonésien, mais qui lorgne cette fois-ci vers le thriller et l’horreur. Seulement, comme pour chaque pays, tout n’est pas bon, et si le film de Joko Anwar n’est pas une purge, il reste relativement timide, se reposant trop sur son concept.
Le film débute dans le vif du sujet. Un homme se réveille alors qu’il est enterré vivant. En sortant de terre, il essaye d’appeler la police, mais il se rend compte qu’il ne sait plus comment il s’appelle. En déambulant dans la forêt, il trouve une grande cabane, et à l’intérieur, un caméscope sur lequel est écrit « press play ». La vidéo se met en route et montre un type qui bute une femme enceinte, femme qui se trouve dans le chalet en question, juste derrière le canapé. En découvrant cela, le type fuit, fouille dans ses poches, trouve un portefeuille avec une carte d’identité et une photo. Il en déduit qu’il s’agit de sa femme, et il est persuadé d’être traqué par un taré. Cependant, il décide de retrouver ses enfants qui semblent encore vivants. Bref, on est dans un survival qui devient par la suite classique.
« Le scénario du film tient, au départ, sur un timbre-poste. »
Il faut dire que le scénario du film tient, au départ, sur un timbre-poste. On suit un type qui essaye de survivre dans les bois, trouve quelques aménagements, et va tout faire pour retrouver ses gosses. C’est taiseux au possible, les dialogues étant réduits au strict minimum, et on retrouve quelques passages un peu tendus qui mettent la vie du type en danger. On notera alors un moment dans un coffre qui prend feu, ou encore un tir d’arbalète qui va finir dans le bras du personnage principal. Seulement, on sait rapidement que quelque chose cloche, et que ce type, dont on n’apprend pas grand-chose au fur et à mesure du métrage, nous cache un truc. La tension a du mal à tenir, notamment parce que la construction du film reste assez linéaire et se contente de flouer le spectateur de façon simpliste et un peu débile.
D’ailleurs, on va avoir un twist vingt minutes avant la fin du long-métrage, comme on pouvait s’en douter. Ce retournement essaye de nous prendre à revers, et s’amuse même avec nos nerfs. En effet, Joko Anwar se croit malin en nous faisant attendre le générique de fin à bord d’une voiture, mais il n’en sera rien, et on va bouffer une explication d’un quart d’heure qui essaye d’augmenter le bodycount du film. Néanmoins, malgré cela, des incohérences persisteront, et on restera sans réponse sur certains points, avec notamment les blessures du protagoniste, ou l’innocence affichée des enfants à sauver. En fait, le réalisateur oblitère volontairement certains passages pour maintenir son suspens et son mystère, mais avec la résolution, cela ne marche pas vraiment, et on voir que c’est un subterfuge pour tromper le spectateur. Une preuve que l’écriture n’est pas le point fort du film.
« Joko Anwar fait tout pour rendre son long-métrage viscéral. »
Mais on ne peut retirer au métrage quelques qualités non négligeables. En premier lieu, le film repose entièrement sur les épaules de Rio Dewanto, et le comédien est relativement bon. Il doit jouer sur le tableau de la peur et de la découverte, et il s’avère convaincant, même si on sait peu de chose sur lui. Cependant, il affiche un bon jeu lorsqu’il faut changer radicalement de registre, notamment sur le dernier tiers, montrant un nouveau visage. Tenant son concept jusqu’au bout, on regrettera tout de même une absence de seconds rôles qui ne permet pas de développer le personnage, ni même l’environnement du film. On suit un type, hagard, dans les bois ou encore deux chalets. Il manque quelque chose de plus prégnant au film pour vraiment nous prendre aux tripes et nous tenir jusqu’au bout.
Mais là aussi, on peut laisser une dernière bonne chose au film, sa mise en scène. Joko Anwar fait tout pour rendre son long-métrage viscéral, et il va nous mettre au plus près de son personnage. Si la caméra bouge lorsque le personnage erre dans les bois, ou tente de fuir, cela permet de mieux nous plonger dans cette forêt obscure. De même, il y a un joli travail sur le son, et notamment sur les silences, qui peuvent vite devenir oppressant, constituant un bel écrin à un environnement hostile. On ne peut pas dire que le réalisateur n’essaye pas de nous plonger dans la peau de son protagoniste, de nous mettre dans une situation angoissante. Il est dommage que l’écriture soit si pataude et que ce personnage en question manque de profondeur. On n’arrive pas vraiment à ressentir de l’empathie pour lui.
Au final, Modus Anomali est un film qui souffle le chaud et le froid. Si on peut garder une ambiance bien travaillée, un acteur relativement bon et une mise en scène protéiforme, pour tout le reste, on est plus mitigé. Il manque un meilleur travail en amont pour ne pas constamment jouer sur les ellipses de montage afin de garder le suspens entier, et il manque aussi un personnage central plus travaillé, plus touchant dans sa survie. De ce fait, le film de Joko Anwar n’est pas désagréable, mais il demeure un « petit » survival qui essaye de surprendre avec son concept, mais ne va jamais plus loin.
Note : 11/20
Par AqME