avril 30, 2024

La Petite Fille qui Aimait Trop les Allumettes – Noir, c’est Noir

De : Simon Lavoie

Avec Marine Johnson, Antoine L’Ecuyer, Jean-François Casabonne, Alex Godbout

Année : 2017

Pays : Canada

Genre : Drame, Horreur

Résumé :

Élevés seuls par leur père dans l’obscurantisme religieux et le mensonge, deux adolescents sans nom vivent reclus dans un manoir décrépi à la campagne. Un matin, quand ils trouvent l’homme pendu dans sa chambre, ils sont brusquement livrés à eux-mêmes.

Avis :

Certains réalisateurs font des choix drastiques en ce qui concerne leur carrière et la façon dont ils veulent être perçus. Prenons comme exemple le cinéaste canadien Simon Lavoie, dont La Petite Fille qui Aimait Trop les Allumettes est le dernier film en date. Il est pour l’instant à la naissance de quatre longs-métrages, et chacun est très particulier. Tout d’abord Laurentie, qui est une sorte de drame autour d’un homme addict au porno et qui va être fasciné par son voisin. Puis Le Torrent, long drame de plus de deux heures trente, où l’ostracisme religieux va être la cause de la surdité d’un jeune homme. Et enfin, Ceux qui font les Révolutions à Moitié n’ont fait que se creuser un Tombeau est un faux documentaire autour d’un choc générationnel. Bref, on peut dire que Simon Lavoie a un parcours particulier, et il aime rester dans l’ombre.

Avec son dernier film, il continue son exploration d’un monde déshumanisé, où la religion pèse sur l’Homme. Ici, on va suivre une jeune fille, qui doit se faire passer pour un garçon, qui vit reclus dans une ferme avec son grand frère et son père. Un père tyrannique qui chasse tous ceux qui s’approchent de sa maison à coups de fusil. Seulement, cette jeune fille se fait violer par son frère, tombe enceinte, et lorsque le père apprend cela, il décide de se pendre. Afin de mettre le corps en terre, elle décide de partir au village du coin pour demander de l’aide, mais elle ne va faire qu’attirer le regard sur elle et sa famille, avec un père qui fut prêtre, et qui cache un vilain secret dans sa cave.

« La Petite Fille qui Aimait Trop les Allumettes est un film lourd, pesant, nihiliste. »

Baignant dans un noir et blanc teinté de gris, La Petite Fille qui Aimait Trop les Allumettes est un film lourd, pesant, nihiliste et qui est très difficile d’accès. Si le choix de l’absence de couleur se justifie pleinement, avec de sublimes plans éclairés à la lampe-tempête, ou avec des bougies, ce ne sera pas la même tambouille au niveau du son et de la profondeur du scénario. Car oui, le film de Simon Lavoie est très économe en paroles, à un tel point qu’au départ, on pourrait croire en un film muet. Si cela correspond bien à de l’obédience religieuse, avec le vœu de silence de certains bigots, cela ne fonctionne pas vraiment au sein du film, qui est déjà assez complexe comme cela. En effet, dès le départ, on ne sait pas trop dans quel lieu on est, ni à quelle époque on se situe.

Le réalisateur souhaite nous perdre d’entrée de jeu, avec une petite fille qui trouve un livre à moitié brûlé et va le lire, puis un frère qui joue avec elle avant de la violer. Les images sont très dures, il y a vraiment une aura malsaine qui survole l’ensemble, et il va être difficile de s’accrocher à cette histoire, la faute à des personnages antipathiques au possible, et à un scénario cryptique au possible, qui oublie de nous guider un peu. D’autant plus que l’atmosphère lourde empêche le spectateur de se plonger dans cet univers, qui reste très terre à terre. On n’est pas dans un Bertrand Mandico qui, malgré des histoires alambiquées, arrive à créer un univers éthéré et unique. Là, on est dans la noirceur pure et l’ensemble manque cruellement d’innovation, ou d’envie de créer quelque chose de plus onirique.

« On est vraiment dans une histoire malsaine qui peut en rebuter plus d’un. »

Le seul petit espace étrange qui pointe le bout de son nez, c’est lorsque l’on découvre dans la cave le secret du père, un enfant carbonisé encore vivant, ressemblant à un monstre et vivant dans une cage en bois. Là encore, on va y déceler une inhumanité crasse, et surtout une incompréhension flagrante sur le sort de cette créature, dont on saure le passé via des flashbacks qui popent sans réelle explication. On a la sensation que cette section du scénario a été rajoutée pour créer une atmosphère encore plus cynique, encore plus sombre, encore plus glauque. Un glauque qui se retrouve aussi dans les réactions des villageois, qui ne seront pas tendre avec la jeune fille, alors même qu’ils la connaissent à peine. Bref, on est vraiment dans une histoire malsaine qui peut en rebuter plus d’un.

Alors oui, le film essaye de démontrer plein de choses, dont la première est à quel point la religion est un fléau pour l’humanité. Au nom de qui doit-on se grimer en garçon ? Pourquoi vivre dans le silence et reclus des autres ? Quand on découvre tous les maux faits à sa famille, on a du mal à comprendre ce père, qui dès lors se noie dans l’alcool et dans une sorte de sévérité non justifiée. Et tout cela aurait pu être intéressant si la mise en scène n’avait pas été aussi difficile d’accès, avec des choix radicaux qui enferment le film dans une catégorie pas évidente. Alors il faut croire que c’est un choix assumé par le réalisateur, mais cela gâche tout le potentiel du métrage, qui se fait en plus de ça relativement long, n’arrivant pas à tenir son suspens sur les quasiment deux heures.

Au final, La Petite Fille qui Aimait Trop les Allumettes est un film déroutant, compliqué et qui s’adresse non seulement à un public averti, mais aussi à un public avide d’expériences nihilistes et dépressives. Simon Lavoie déballe beaucoup de thèmes intéressants et importants, mais il le fait avec des choix radicaux qui portent préjudice à la visibilité de son film, mais aussi à notre attention et notre envie de connaître ces personnages. Bref, un film dur, et malheureusement pas forcément pertinent.

Note : 06/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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