De : Xavier Legrand
Avec Marc-André Grondin, Yves Jacques, Anne-Elisabeth Bossé, Blandine Bury
Année : 2024
Pays : Canada, France, Belgique
Genre : Drame
Résumé :
Heureux et accompli, Ellias devient le nouveau directeur artistique d’une célèbre maison de Haute Couture française. Quand il apprend que son père, qu’il ne voit plus depuis de nombreuses années, vient de mourir d’une crise cardiaque, Ellias se rend au Québec pour régler la succession. Le jeune créateur va découvrir qu’il a hérité de bien pire que du cœur fragile de son père.
Avis :
Xavier Legrand est un réalisateur qui a fait sensation dès son entrée dans le paysage du cinéma. Bien avant les cinq César pour son premier long-métrage, l’impeccable « Jusqu’à la garde« , Xavier Legrand s’est fait grandement remarquer avec son premier et seul court-métrage, « Avant que de tout perdre« , qui est en gros les prémices de « Jusqu’à la garde« . Avec ce court, Xavier Legrand a remporté le César du Meilleur court-métrage, et plus loin de cela, il sera, pour ce même film, nommé aux Oscars.
Après la claque que fut « Jusqu’à la garde« , autant dire que le nouveau film de Xavier Legrand était très attendu, et le réalisateur aura mis du temps avant de revenir, puisqu’il aura fallu attendre six ans. Mais autant le dire tout de suite, je veux bien attendre six années de plus, voire même plus, pour avoir des films de cette qualité-là, car avec ce deuxième long, Xavier Legrand démontre qu’il est un grand réalisateur. Dégueulasse, c’est bien le mot qui vient en premier pour parler de ce « … successeur« , tant le film nous entraîne dans une spirale inarrêtable. Une spirale qui plus elle se dessine, et plus elle se fait froide, dure, étouffante, implacable et surtout dégueulasse. On en ressort les jambes coupées, avec la sensation d’avoir vécu une grande expérience de cinéma.
« l’histoire que Xavier Legrand nous raconte est au-delà de l’imaginable. »
Elias Barnès est un homme heureux et accompli dans son travail. Petit prince de la mode qui vient de succéder un grand nom à la tête d’une immense maison de couture, on peut dire que tout va bien pour le jeune homme. Québécois, cela faisait plus de vingt ans qu’il n’était pas revenu chez lui, et qu’il n’avait plus de contact avec son père. Ce dernier vient de mourir, et Elias doit retourner chez lui pour régler des formalités. Un dernier rendez-vous avec son passé, et on n’en parle plus. Enfin ça, c’est ce qu’il pensait, car ce qu’il va découvrir sur place est au-delà de l’imaginable, et cela va l’entraîner dans une spirale, dont la sortie indemne est impossible.
Dégueulasse donc, puis étouffant, voilà le schéma qui vient directement en tête à la sortie du nouveau film de Xavier Legrand. Au départ, « Le successeur » est un film qui commence comme un drame familial ordinaire, avec un fils qui ne parle plus à son paternel, et qui lors du décès de ce dernier, se voit obligé de revenir sur « les lieux de son passé » pour régler certaines affaires. De là, on pense à un film qui partirait à la reconquête d’un cœur, celui d’un fils qui redécouvrirait ce père qu’il ne connaissait pas.
Alors oui, il est vrai que le film parle de ça, mais il n’en parle absolument pas de la manière dont on pouvait l’imaginer. D’ailleurs, l’histoire que Xavier Legrand nous raconte est au-delà de l’imaginable. Arrivant avec un scénario torturé et glaçant, « Le successeur » est une chute vertigineuse et interminable dans l’horreur. « Le successeur« , c’est l’histoire d’un personnage qui, comme à l’image de son défilé au départ, se prend les pieds dans une spirale d’une noirceur absolue, et comme un tourbillon, elle ne va faire qu’avaler le personnage.
« Ce « … successeur » vire au thriller on ne peut plus sombre. »
Hyper tendu, terrible et terrifiant même dans ce qu’il raconte, le plus dur avec cette intrigue, c’est qu’elle n’a pas vraiment de limites, et plus cette dernière avance et plus l’histoire qu’elle nous raconte, plus ce que découvre le personnage, se pose comme parfaitement dégueulasse. C’est répugnant, c’est le genre d’histoire dont on ne peut se remettre, et c’est le genre de film dont l’histoire ressort avec nous de la salle, un peu comme l’avait déjà été « Jusqu’à la garde« .
Allié à cette excellente histoire, il faudra aussi compter sur l’implacable mise en scène de Xavier Legrand, qui nous offre ici de sacrés moments de tensions ou d’émotions. Comme je le disais, le film débute comme un drame français typique, puis petit à petit, au fil des découvertes, ce « … successeur » vire au thriller on ne peut plus sombre, pour ne pas dire macabre, et j’y reviens, mais oui, dégueulasse. À noter l’excellente de la BO signée Sebastian Akchote, ou encore l’excellence du son, qui offre une ambiance étouffante sur plus d’une séquence.
Puis, on trouve beaucoup d’émotions au sein de cette terrible histoire. Une émotion que l’on doit d’un côté grâce à la vision de Xavier Legrand, et de l’autre, grâce à Marc-André Grondin, acteur que l’on n’avait pas vu depuis un petit bout de temps, et qui trouve ici un rôle complexe et terrible. Un rôle étonnant, fragile et dur, et même si certaines de ses décisions peuvent être grandement remises en question, il y a en permanence cette idée de spirale qui l’aspire encore et encore, au point que son issue est une interrogation permanente.
Bref, cette descente en enfer signe le grand retour Xavier Legrand, qui avec ce second film, s’impose comme un grand metteur en scène. Dur, étouffant, terrible et répugnant, cette histoire d’un fils qui part malgré lui à la découverte de son père qu’il ne connaissait finalement pas du tout, fait l’effet d’un choc, et ce film-là, ce personnage-là, cette histoire-là, on n’est franchement pas près de l’oublier. Comme je le disais plus haut, pour le coup, je veux bien attendre autant de temps de plus pour avoir un troisième Xavier Legrand, si c’est pour avoir un film de cette qualité-là.
Note : 17/20
Par Cinéted