mai 3, 2024

Home for Rent

De : Sophon Sakdaphisit

Avec Nittha Jirayungyurn, Penpak Sirikul, Thanyaphat Mayuraleela, Sukollawat Kanarot

Année : 2023

Pays : Thaïlande

Genre : Horreur

Résumé :

Lorsque ses bons locataires commencent à poser problème, une propriétaire terrifiée doit faire face à une secte qui semble fasciner son mari… et menacer sa fille.

Avis :

Tout d’abord scénariste sur des films d’horreur à succès (Shutter en 2004 et Alone en 2006), il ne faudra pas bien longtemps à Sophon Sakdaphisit pour passer derrière la caméra. Il commence en 2008 avec Program na Winyan Akat, un autre film d’horreur, genre qu’il ne lâchera jamais, que ce soit pour le cinéma ou la télévision. Malgré un certain succès dans son pays, les films du réalisateur thaïlandais sont encore inédits chez nous, et malgré tout le mal que l’on peut penser des plateformes de streaming (notamment sur leurs productions anémiques), elles permettent de mettre en avant des longs-métrages au folklore inconnu. C’est donc le cas de Home for Rent, le dernier film de Sophon Sakdaphisit, sorti dans les salles obscures thaïlandaises au mois de Mai, et qui se retrouve sur Netflix, en France.

Comme c’est bien souvent le cas avec les films d’horreur thaïlandais, Home for Rent va partir sur de l’ésotérisme et des légendes folkloriques. Ici, on va suivre une jeune femme qui retrouve l’appartement qu’elle loue complètement saccagé, et elle va devoir louer sa maison principale pour vivre dans cet appartement, afin de faire les réparations et de renflouer son compte en banque. Mais sa tante, qui est aussi sa voisine, l’appelle en urgence, car les nouveaux habitants se comportent bizarrement et semblent faire partie d’une secte sataniste. Les choses s’accélèrent lorsque la pauvre femme découvre que son mari fait aussi partie de cette secte, et que c’est leur fille qui semble être visée pour on ne sait quel rituel. Bref, un puzzle qui se met en place au fur et à mesure du récit, enchaînant alors les twists et les lignes temporelles pour nous raconter tout ça.

« D’un point de vue scénaristique, c’est assez malin. »

Et franchement, ce n’est pas si mal que ça. Il faut dire que d’un point de vue scénaristique, c’est assez malin. Le film part sur le point de vue de la jeune propriétaire, et nous laisse suivre une découverte macabre autour de deux bonnes femmes qui vont des rituels plus ou moins sataniques. Disparition, nuée de corbeaux, incantations et yeux qui brillent dans le noir, voilà le cocktail que l’on nous propose au départ, laissant présager un coup monté pour on ne sait quelle raison. Une raison qui trouvera son chemin lorsque l’on va adopter alors le point du vue du mari, et comment il s’est fait embrigader dans cette secte. Le scénario change alors, restant dans l’horreur mais en y apportant une couche dramatique que l’on ne peut que comprendre, même si on ressentira des résidus un peu hasardeux.

Puis sur la fin, on change encore une fois de point de vue. Cette fois-ci, le film nous place du côté des méchants et de leurs intentions, permettant au scénario de boucler la boucle, et de nous faire comprendre tous les enjeux, que ce soit ceux du père ou de la sorcière. En ce sens, Home for Rent réserve son lot de surprises et permet de brasser de nombreux thèmes, comme le deuil et la difficulté de faire celui d’une petite fille, suite à une mauvaise réparation. La culpabilité sera alors au centre des choix des personnages. Le gros défaut que l’on peut évoquer sur l’écriture concerne les relations père/fille qui sont très froides, alors qu’elles devraient être fortes, notamment à cause du passif du paternel. Il est dommage que le script se plante un peu là-dessus, car tout le reste est bon et intéressant.

« L’autre gros défaut du film provient de sa durée. »

Bien sûr, que serait un film d’horreur thaïlandais sans un peu de folklore et de magie noire là-dedans. Home for Rent va cocher toutes les cases du genre, avec ses sorcières et ses incantations qui font venir tout un tas de corbeaux et des esprits qui se matérialisent à travers les écrans et les miroirs. Il est dommage que le film ne soit pas plus inventif là-dessus, n’arrivant pas à créer un peu de tension autour des scènes qui jouent avec les dimensions parallèles. On reste dans quelque chose de très classique, qui évite de justesse les jumpscares, mais qui manque cruellement d’identité. Même dans le rollercoaster final où tout un chacun lutte pour ses enjeux, il manque des éléments effrayants pour vraiment nous marquer. Et il ne suffit pas de dire que c’est tiré de faits réels pour vraiment impacter le spectateur.

L’autre gros défaut du film provient de sa durée. On a l’impression que si les thaïlandais ne font pas un film d’horreur qui dure plus de deux heures, ils meurent d’une malédiction quelconque. Et là, ça dessert le film et joue sur son efficacité. A plusieurs reprises, on va ressentir que le film traîne la patte au lieu d’aller droit au but. Certains séquences ne servent à rien et remplissent plus qu’autre chose. Ce constat est d’autant plus triste qu’il entre en conflit avec une réalisation plutôt de qualité. Sophon Sakdaphisit joue avec les contrastes rouges et noirs lors des phases de spiritisme, apportant un vrai cachet (en plus des lectures nez dans le bouquin), et il y a une vraie volonté de créer un drame familial lorsqu’il faut rester dans le monde réel. On est loin du DTV de base et c’est très propre.

« Le film perd, encore une fois, en efficacité et étire sa fin jusqu’à la lie. »

Mais encore une fois, cette mise en scène est gâchée sur la fin avec des effets spéciaux hasardeux, rajoutant un trope de trop, la fameuse poupée hantée. Ici, ce n’est pas elle qui tue les gens, mais elle garde en son sein l’âme d’une personne chère qu’il faut transvaser dans un corps bien vivant. Les intentions et l’idée sont bonnes, mais entre des effets numériques mal fichus et une fin qui tire un peu sur la corde du grand-guignol, on reste de marbre face à une conclusion hâtive et qui s’enlise dans du bon sentiment. Le film perd, encore une fois, en efficacité et étire sa fin jusqu’à la lie. N’y avait-il pas mieux à faire ?

Au final, Home for Rent n’est pas un mauvais film, loin de là. Il peut même prétendre à être dans le haut du panier des films d’horreur thaïlandais présents sur Netflix. Entre une narration maline et des enjeux intéressants, il est juste dommage que le film s’enferme dans des clichés folkloriques (satanisme et poupée) et une longueur non nécessaire pour raconter ce genre d’histoire. En l’état, le film demeure sympathique sur bien des points, mais il pêche par des défauts évidents qui nuisent au plaisir. Bref, un film entre deux eaux, à la fois intéressant et ennuyant.

Note : 11/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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