avril 29, 2024

Chevalier

De : Stephen Williams

Avec Kelvin Harrison Jr., Samara Weaving, Lucy Boynton, Ronke Adekoluejo

Année : 2023

Pays : Etats-Unis

Genre : Biopic

Résumé :

Né en 1745 dans les Caraïbes françaises, De Saint-Georges était le fils illégitime d’une esclave africaine et d’un propriétaire de plantation français. Il a atteint les sommets dans la société française, éblouissant à la fois comme violoniste et compositeur, et comme champion d’escrime. Une histoire d’amour malheureuse avec une noble française et une brouille avec Marie-Antoinette et sa cour ont conduit à sa chute prématurée.

Avis :

Des biopics de personnages historiques, il en existe à la pelle, et c’est bien normal. Il faut dire qu’il y a eu de nombreuses personnalités qui ont marqué les histoires de chaque pays dans le monde et raconter leur vie au cinéma permet d’apprendre des choses de façon plus ou moins ludique. Mais c’est aussi un moyen de faire resurgir des personnages oubliés et de se rendre compte que si le temps passe, certains sujets de société perdurent de façon anormale. Avec Chevalier, ce sont les américains qui prennent à bras le corps l’histoire de Joseph Bologne de Saint-Georges, un violoniste et escrimeur de talent durant le règne de Louis XVI et la Révolution Française, mais dont les travaux furent effacés par Napoléon lorsqu’il a remis en place l’esclavage. Car oui, Joseph Bologne était un homme noir, né d’une esclave et d’un notable dirigeant des plantations dans les Antilles.

Il est tout à fait louable de la part des américains de vouloir remettre au gout du jour un personnage historique français plus ou moins oublié, notamment parce qu’il véhicule avec lui une pléthore de sujets qui sont toujours d’actualité. En effet, à travers ce film, on va voir que le racisme était déjà très prégnant au XVIIIème siècle, que ce soit dans la rue ou dans les hautes sphères du pouvoir. Durant tout le démarrage du film, on va voir que Joseph Bologne fait étalage de ses talents, que ce soit dans le violon, défiant et agaçant un certain Mozart, mais aussi en escrime, devenant alors un chevalier par la reine Marie-Antoinette. En faisant cela, et en essayant de gravir les échelons, il va se faire des ennemis, créer des jalousies, conduisant alors à des manipulations au sein de la cour pour le faire taire et le rabaisser.

« le scénario du film est bien amené, montrant à quel point le racisme et les jalousies peuvent amener à détruire un homme pour sa couleur de peau. »

Ce sujet central va prendre de plus en plus de place lorsque Joseph va défier un autre musicien pour devenir le président de l’opéra de Paris. En coulisse, la reine va devenir méfiante, se laissant influencer par des messes basses de bourgeois qui ont tout simplement peur de cet artiste. On peut dire que globalement, le scénario du film est bien amené, montrant à quel point le racisme et les jalousies peuvent amener à détruire un homme pour sa couleur de peau. Un sujet qui, bien évidemment, résonne comme d’actualité et démontre à quel point la haine de l’autre reste encrée dans les mentalités. On trouvera aussi, en filigrane, les dangers d’une trop grande ambition, ou encore la puissance des bourgeois dans une société où la justice est à deux vitesses. Difficile de faire plus contemporain dans l’écriture, pour un fait historique qui n’est pas loin des trois cents ans.

Cependant, tout n’est pas parfait dans ce film, loin de là. Tout d’abord, on est dans un film purement américain, c’est-à-dire que tout est très romancé, et tout est fait pour être « impressionnant ». La scène d’ouverture, où Joseph défie Mozart en plein concert, en est un exemple flagrant. De plus, il faut toujours qu’il y ait une romance interdite, une sorte de triangle amoureux, pour sustenter un public avide de ce genre d’histoires à l’eau de rose. Ici, on pourrait presque croire à une amourette entre Marie-Antoinette et Joseph, mais il n’en sera rien, le film préférant partir sur une histoire d’amour avec une noble, dont le mari sera puissant et très jaloux. On reste sur des rails tout tracés qui ne réservent aucune surprise. Ajoutons à cela une sorte de « modernité » dans la mise en scène qui fait un peu pub pour parfum.

« On a l’impression d’assister à un long épisode d’une quelconque série. »

Cela casse clairement l’aspect film en costumes. En même temps, en confiant le projet à Stephen Williams, il ne fallait pas s’attendre à des miracles. Le réalisateur n’a que deux films à son actif, durant les années 90 (et inédit chez nous) et par la suite, il n’a fait que des épisodes de séries, comme Lost, The Walking Dead ou encore Westworld. C’est sans doute pour cela que l’on a l’impression d’assister à un long épisode d’une quelconque série autour d’un personnage historique français. Et peut-être que le côté sérial aurait été plus intéressant pour ce personnage qui mérite vraiment une adaptation à la hauteur. On sent aussi que le film s’impose des limites pour rentrer dans un cadre trop conventionnel pour vraiment marquer. Il manque des plans marquants, des personnages plus ambigus et une envie de bousculer des codes pour mieux marquer.

Et puis il y a aussi un vrai problème de casting. Globalement, les acteurs ne sont pas mauvais, mais ils manquent cruellement de charisme pour jouer des personnages historiques. Kelvin Harrison Jr n’arrive pas vraiment à avoir de la prestance dans le rôle principal. Il est même anecdotique, aussi bien quand il gravit les échelons, que lorsqu’il se fait étriller pour la cour. Samara Weaving, qui joue l’aristocrate tombant amoureuse du « héros », n’a pas non plus l’épaisseur pour incarner une notable à la voix cristalline qui peut faire la nique à la cantatrice mise en place par le pouvoir. Mais le pire provient de Lucy Boynton, d’habitude si impliquée, qui joue une Marie-Antoinette influençable et qui ne fait que les gros yeux. Ce trio est bien trop jeune et n’arrive pas à insuffler une grâce plus prégnante à leurs personnages.

Au final, Chevalier n’est pas un mauvais film en soi, il est juste un long-métrage moyen qui tente vainement de raconter l’histoire injustement oubliée d’un homme noir à la fin du XVIIIème siècle. Alors que l’histoire est blindée de sujets intéressants et toujours d’actualité, le réalisateur n’en fait pas grand-chose, si ce n’est de suivre des balises lisses et sans grand intérêt cinématographique. C’est dommage, le personnage mérite vraiment une adaptation digne de ce nom pour montrer que le racisme ne date pas d’hier et est un véritable fléau.

Note : 11/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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