mai 12, 2024

Le Moulin – L’Esprit Corporate de la Mort

Titre Original : The Mill

De : Sean King O’Grady

Avec Lil Rey Howery, Pat Healy, Karen Obilom, Patrick Fischler

Année : 2023

Pays : Etats-Unis

Genre : Thriller, Horreur

Résumé :

Un homme d’affaire se réveille dans une cellule, située au cœur d’un ancien moulin, sans savoir comment il est arrivé là. Contraint de travailler comme une bête de somme pour rester en vie, il doit trouver le moyen de s’échapper avant la naissance de son enfant.

Avis :

Avec les plateformes de streaming, on voit un nouveau type de campagne de communication, celui du silence absolu. C’est-à-dire que pour certains films, on a droit à des bandes-annonces, de grandes affiches, de la publicité sur internet, et pour d’autres, inédits qui plus est, on n’a strictement rien. Nada. Que Dalle. Wallou. C’est le cas du film Le Moulin de Sean King O’Grady. Alors il est vrai que ce thriller horrifique ne possède pas un casting bankable, ni même un réalisateur connu, pour autant, mérite-t-il l’invisibilité que lui réserve la plateforme Disney+ ? Débutant dans la production au début des années 2010, le metteur en scène va tardivement se placer derrière la caméra, en 2021, pour fournir un premier film horrifique, We Need do to Something, encore inédit chez nous. Et c’est deux ans plus tard qu’il récidive avec Le Moulin, qui nous préoccupe entre ces lignes.

Film concept, Le Moulin est un mélange de trois genres qui s’entremêlent, le thriller, l’horreur et la science-fiction. Le scénario est assez simple à comprendre. On nous plonge directement auprès d’un homme qui se réveille dans une sorte de prison, et au centre de celle-ci, il y a une meule. Après quelques instants de panique, une voix lui explique ce qu’il doit faire, à savoir tourner la meule le plus possible afin d’améliorer ses performances. Les tours de meule sont comptés chaque soir, et celui qui fait le moins de tours se fait exécuter. Ce que cet homme découvre aussi, c’est que c’est la société qui l’emploie qui l’a placé dans ce piège. Ainsi donc, Le Moulin est un huis-clos qui met en avant un seul personnage, qui va devoir faire face à ses démons et trouver des solutions pour se sortir de ce traquenard.

« Sur le fond, Le Moulin est un film intelligent. »

Bien évidemment, le scénario du film se veut une critique acerbe de la société du travail, et de cette volonté des entreprises de toujours pousser plus loin leurs personnels. Les pousser à avoir un meilleur rendement, les pousser à être plus performant, quitte à bouffer l’autre, les pousser jusqu’au bout en leur faisant croire deux choses : qu’ils peuvent toujours faire plus, et qu’ils sont aussi remplaçables. Le bâton ou la carotte en somme. Et sur le fond, le film est assez bien fichu. La construction se fait crescendo, avec un homme qui croit tout d’abord en ses efforts pour l’entreprise, afin de gravir les échelons, puis qui va se rendre compte de la supercherie et qu’il n’est qu’un pion parmi tant d’autres, qui vont se faire exécuter à cause d’une faute. L’histoire pousse cela à son paroxysme et la métaphore avec l’esprit d’entreprise est maline.

Afin de bien appuyer le cynisme des sociétés, le film s’amuse à torturer l’esprit du prisonnier, notamment en le félicitant en lui offrant un stylo à son nom, chose dont il se moque éperdument dans sa situation. Ou encore en lui imposant une charge mentale supplémentaire, lorsqu’il fait trop de tours et punit de façon indirecte ses collègues, qui sont obligés de faire aussi bien que lui, sinon plus. Franchement, sur le fond, Le Moulin est un film intelligent qui fait une métaphore puissante sur notre société et sur certaines entreprises qui n’hésitent à briser leurs employés pour faire du rendement, du chiffre, parfois de manière complètement absurde. Ici, c’est symbolisé par cette meule qui ne moud rien de tout, puisque faire des tours ne produit strictement rien et n’est connecté à aucun quelconque réseau. Bref, toutes ces métaphores correspondent à l’aspect thriller du long-métrage.

« Il est dommage que le film ne soit pas un peu plus grinçant. »

Pour ce qui est de l’horreur, on restera tout de même dans quelque chose d’assez simpliste. Le film n’est pas gore et ne fait pas réellement peur. Mais il pose un contexte angoissant, et pour nous inclure dans la peau de ce pauvre type, il va construire un personnage qui se veut touchant. Pour cela, on aura droit à quelques flashbacks qui vont raconter le passé de cet homme, montrant sa femme enceinte, ainsi que sa nouvelle maison, que lui offre sa société, celle-là même qui l’a enfermé dans cette prison. Là-dessus, le script pêche un peu, la faute à une construction attendue et sans grande surprise. On aura du mal à ressentir de l’empathie pour le personnage central, car il reste trop simple, et c’est dommage. Il pourrait mourir que l’on s’en ficherait, et ce malgré la prestation de Lil Rey Howery.

Le côté science-fiction, quant à lui, s’affiche sur le dernier tiers du film. Si on se doute que tout cela se déroule dans un futur plus ou moins proche (évocation de l’intelligence artificielle, apparition d’une sorte de triangle géant chauffant la pièce de la prison, etc…), c’est sur la révélation finale que tout s’explique, changeant alors le contexte de l’histoire. Se voulant surprenant et déroutant, ce twist final reste assez classique et ne surprendra qu’à moitié, avec en prime une corrélation entre la prison et le bureau du personnage central sur la fin, qui se ressemblent fortement. Il est dommage que le film ne soit pas un peu plus grinçant, et ne bénéficie pas d’une mise en scène plus viscérale afin de nous prendre aux tripes et de nous faire ressentir toute la charge mentale du type. En gros, ça aurait pu être plus percutant.

Au final, Le Moulin n’est pas un mauvais film en soi, et il ne mérite pas le sort que lui réserve Disney+. Certes, c’est un tout petit film qui rate le coche à cause d’un format trop long et d’un personnage central trop transparent, mais globalement, son fond est intelligent et il apporte un peu de fraîcheur dans la sélection horreur de la plateforme de streaming. Mais que voulez-vous, sans acteur connu ni même un réalisateur de grand renom derrière, il semblerait que la boîte aux grandes oreilles s’en fiche un peu, et c’est triste de passer à côté de certains films sous prétexte qu’ils intéresseront moins de monde.

Note : 09/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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