De : Jacques Audiard
Avec Zoe Saldana, Karla Sofia Gascon, Selena Gomez, Adriana Paz
Année : 2024
Pays : France, Mexique, Etats-Unis
Genre : Drame, Musical, Thriller
Résumé :
Surqualifiée et surexploitée, Rita use de ses talents d’avocate au service d’un gros cabinet plus enclin à blanchir des criminels qu’à servir la justice. Mais une porte de sortie inespérée s’ouvre à elle, aider le chef de cartel Manitas à se retirer des affaires et réaliser le plan qu’il peaufine en secret depuis des années : devenir enfin la femme qu’il a toujours rêvé d’être.
Avis :
Parmi les auteurs de notre époque, Jacques Audiard est un cinéaste qui s’est plus qu’imposé dans le paysage du cinéma français. Jacques Audiard, c’est une filmographie qui a de la tronche et du caractère, « Sur mes lèvres« , « Un prophète« , « De rouille et d’os« , « Un héros très discret« , « Les frères Sister« , « Les Olympiades« , « Dheepan« , « De battre mon cœur s’est arrêté« , ou encore « Regarde les hommes tomber« , Jacques Audiard a installé la barre très haute et avec ça, il a su souvent créer la surprise, étant là où on ne l’attendait pas.
Et en parlant de surprise, « Emilia Perez » se loge vraiment là où l’on n’attendait pas le réalisateur, puisque Jacques Audiard nous revient avec une comédie musicale, qui se posera comme un sacré ovni. Film inclassable de par son style, mais aussi de par ce qu’il raconte, « Emilia Perez » est un risque fou. D’ailleurs, lorsque l’on jette un œil rapide dessus, on peut même se demander comment Jacques Audiard a pu se dire à un moment que ça allait marcher, tant le film sur le papier (et en vrai) part dans tous les sens. Mais c’est là qu’un grand metteur en scène se distingue, car non seulement tout se conjugue à la perfection et au-delà de ça, « Emilia Perez » se pose comme l’un des films les plus passionnants de l’année !
« Jacques Audiard offre un numéro d’équilibriste incroyable. »
Rita est une petite avocate qui travaille pour un cabinet de Mexico qui se fiche bien de savoir si le client qu’il défend est innocent ou non. Épuisée et désespérée, Rita entrevoit une surprenante porte de sortie lorsqu’un chef de Cartel, Manitas, lui impose de travailler pour lui. Le travail en question ? Rita va devoir trouver un chirurgien d’exception pour réaliser le rêve que Manitas a en secret, ce dernier voulant se ranger des affaires et devenir la femme qu’il a toujours rêvé d’être…
Trois ans après avoir filmé le quartier des « … Olympiades » en noir et blanc, voici que Jacques Audiard pose sa caméra au Mexique, pour ce qui se pose comme son film le plus risqué à ce jour. « Emilia Perez » est donc une comédie musicale qui se déroule en partie dans l’univers des cartels mexicains. Pour l’instant, c’est déjà osé comme pitch, mais on ajoutera à cela un chef de cartel, Manitas, qui désire par-dessus tout devenir une femme, et autant dire que là, ça se complique quelque peu et au-delà de ça, une fois devenu Emilia, le film s’aventure autre part, tutoyant le cinéma d’un Almodovar qui serait sous acide.
Sur le papier, même si le projet est intéressant et qu’il a à sa tête un immense réalisateur, « Emilia Perez » coche trop de cases, et il y avait peu de chance que le film soit une réussite totale, et pourtant, c’est ce qu’il va être de bout en bout, Jacques Audiard offrant un numéro d’équilibriste incroyable qui va imposer son film comme l’une des bombes atomiques de cette année 2024.
« Fou, débridé, libre, passionné et passionnant »
Fou, débridé, libre, passionné et passionnant, « Emilia Perez » est à la fois une comédie musicale on ne peut plus originale, qu’un drame superbe sur la rédemption d’un personnage, qu’un thriller autour des cartels, et surtout des actes passés, tout comme le film est aussi capable de se poser comme un très beau drame sur la recherche et l’acceptation de soi. Vibrant et vivant comme jamais, la sorte d’odyssée d’Emilia, mais aussi de Rita, nous offre de grands moments de cinéma, que ce soit du côté du drame, que dans ses séquences de comédie musicale, qui nous en offrent tellement qu’un deuxième visionnage, juste pour le plaisir, est plus que nécessaire.
De plus, l’histoire que nous raconte Jacques Audiard se tient de bout en bout, se faisant imprévisible, nous tenant avec l’idée de « que va-t-il se passer par la suite ? ». D’ailleurs, le final, aussi beau que dur, est bouleversant et scelle ce grand film dans nos têtes et nos cœurs.
Avec ça, Jacques Audiard nous revient plus inventif que jamais. Le réalisateur se réinvente totalement, offrant sûrement le film le plus complexe et maîtrisé de sa carrière. Fou et passionnant sont bien deux adjectifs qui s’imposent tant Jacques Audiard, dès son ouverture, offre des scènes que l’on n’avait jamais encore vues au cinéma. Et cette exigence, le metteur en scène va la tenir de son ouverture à sa conclusion. Avec ça, il est impossible de passer à côté de la magnifique BO de Camille et Clément Ducol qui pour l’occasion, ont créé une BO hybride, qui navigue dans plusieurs genres, ce qui rend le film d’Audiard encore plus fou et passionnant.
Enfin, l’excellence d’ »Emilia Perez« , c’est aussi ce duo d’actrices magnifiques et bouleversantes. Si le film tient de bons seconds rôles, avec une étonnante Selena Gomez, « Emilia Perez« , c’est surtout Zoé Saldana et Karla Sofía Gascón, qui forment un duo magnifique. Les deux actrices trouvent des rôles complexes, qu’elles tirent vers le haut en permanence, nous offrant deux grandes performances, desquelles on ressort vraiment touché.
Ce nouveau Jacques Audiard avait bien des arguments sur le papier pour laisser dubitatif, se faisant bien trop lourd, avec beaucoup trop d’éléments pour que son histoire tienne la route et finalement, tout, absolument tout, fonctionne. Jacques Audiard livre un film incroyable à la croisée des chemins, allant chercher aussi bien chez Almodovar, que Blake Edward mâtiné de cinéma noir qui colle si bien au cinéma d’Audiard. D’ailleurs, si Jacques Audiard se réinvente, il se tient aussi, car « Emilia Perez« , dans ce qu’il raconte de la trajectoire de ses personnages, c’est du Audiard à 100 %.
Bref, je n’y croyais pas forcément, même si Jacques Audiard, et finalement, « Emilia Perez » s’est révélé comme l’un des meilleurs films que je verrais en salle cette année, et déjà le 28 Août me paraît bien trop loin, car je n’ai qu’une envie, c’est de me laisser de nouveau emporter dans cette histoire, et dans ses séquences de folie.
Note : 20/20
Par Cinéted