avril 29, 2024

Zillion – Sexe, Drogue et Décadence

De : Robin Pront

Avec Matteo Simoni, Charlotte Timmers, Barbara Sarafian, Geert Van Rampelberg

Année : 2023

Pays : Belgique, Pays-Bas

Genre : Biopic

Résumé :

Gloire et décadence d’un gérant de boîte de nuit. Retour en 1997. Frank Verstraeten, génie informatique au flair avéré pour les affaires est fasciné par la vie nocturne. Son rêve ? Avoir sa propre discothèque, et écraser, mieux, annihiler la concurrence. Piste de danse tournante, spectacles laser, feux d’artifice, le Zillion en met plein la vue. Pour mettre toutes les chances de son côté, Frank noue une alliance avec Dennis Black Magic, roi du porno local, pour s’assurer la présence des plus belles femmes du Royaume. Sexe, drogue, et musique techno. Mais le succès attise la jalousie, et Frank ne tarde pas à se faire des ennemis aussi bien parmi ses employés que ses concurrents.

Avis :

Aujourd’hui, on part poser nos valises de cinéphile en Belgique pour s’attarder sur le réalisateur Robin Pront. Le cinéaste m’avait marqué en 2016 avec son film noir, « Les Ardennes« , qui était d’ailleurs son premier long-métrage. Le film avait reçu le Magritte du meilleur film flamand cette année-là. Avec un tel premier film, j’attendais avec beaucoup de curiosité le film suivant et malheureusement pour nous, public, son deuxième film est passé totalement inaperçu. J’apprends même l’existence de ce deuxième film à l’écriture de cette chronique. Sorti en 2020, « The Silencing » est sorti directement en DVD. Le film, présenté comme un thriller noir, a de quoi piqué la curiosité (et je vais m’y attarder d’ici peu).

De retour sur les grands écrans de salles de cinéma, « Zillion » est donc le troisième film de Robin Pront, et cette fois-ci, le réalisateur s’est intéressé à une personnalité qui a marqué la Belgique à la fin des années 90 et au début des années 2000, Frank Verstraeten. Totalement inconnu chez nous, cet homme a défrayé les chroniques avec un club qui s’est vite imposé comme l’un des plus prisés d’Europe.

« Deux heures vingt de démesure. »

Fou, démesuré, flamboyant, violent, parfois trop long, énergique, musical, torturé, sombre, amoureux, le nouveau Robin Pront est une excellente expérience de cinéma, qui rappelle aussi bien « Trainspotting » qu’un film de mafieux, et l’alliance de ceci donne un film comme on en voit peu.

1997, Frank Verstraeten est un génie de l’informatique qui a monté une petite boite qui tourne très bien. Ayant besoin de blanchir de l’argent, il va investir en tant que producteur dans le porno sur les films de Dennis Black Magic. Un soir, s’étant fait refouler d’un club à la mode, Frank, par vengeance, décide d’ouvrir le sien, et de renvoyer le Carré au stade de la préhistoire. Ainsi, il va monter le Zillion, club de toutes les fêtes, les débauches, les trafics, et plus tard de tous les regards.

De la fête, de la boisson, de la drogue, du sexe, des rapports de force, de la jalousie, de la confidence, du fric, beaucoup de fric, des soirées folles, de la techno, de la house et de la dance, le tout saupoudré d’un soupçon de mafia, de règlements de comptes, et autres chantages, voici le cocktail détonnant du nouveau film de Robin Pront, qui s’étale sur deux heures vingt environ. Deux heures vingt de démesure, qui dresse le portrait d’un homme qui, en manque de confiance en lui, a l’envie de montrer au monde entier (ou du moins à la Belgique et du côté de chez lui) qu’il pouvait toucher les étoiles et faire ce qu’il voulait.

« le film de Robin Pront est très intéressant et il se laisse délicieusement suivre. »

Ainsi, « Zillion« , c’est la montée fulgurante et la chute de Frank Verstraeten, petit génie de l’informatique, considéré comme un nabot, et pendant une dizaine d’années, ce petit homme est devenu une sorte de Roi. Si le parcours de ce personnage est très classique, et presque sans surprise, le film de Robin Pront est pourtant très intéressant et il se laisse délicieusement suivre, grâce à une mise en scène folle et pleine d’idées, et avec ça, le film tient tout un tas de personnages assez détestables (il n’y en a pas un pour rattraper l’autre), mais paradoxalement, ils sont touchants et l’on apprécie les suivre dans leurs dérives, leur manque de chance, et surtout leurs rapports conflictuels qui les unissent (ou pas).

Écrit par Robin Pront, « Zillion » n’est pas seulement un film qui raconte une montée et une chute. Non, avec ceci, le film raconte aussi une époque, une envie de faire la fête, puis derrière ça, il y a un lieu, le Zillion, immense boite de nuit concept, où les fêtes y étaient démesurées et les idées y foisonnaient. Le film raconte aussi une histoire d’amour entre deux marginaux, qui s’accordent aussi bien que l’inverse. Ultra référencée, cette immense fiesta qui vire au cauchemar se pose un sombre mélange entre « Trainspotting« , « Les affranchis » et avec un soupçon du « … loup de Wall Street« . Ne s’arrêtant jamais, tenant un rythme dingue, même si parfois les deux heures vingt que dure « Zillion » sont longues, notamment vers la fin de sa seconde moitié, Robin Pront arrive à nous tenir avec intrigue, intérêt et émotion, jusqu’à son final, certes convenu (d’ailleurs, comme il aurait pu en être autrement ?), mais excellent toutefois.

« Robin Pront livre un film riche et intense, qui arrive à se faire aussi sombre que festif. »

Ce qui fait aussi qu’on est pris dans cette histoire et ce lieu, c’est grâce à ces acteurs qu’on découvre avec grand plaisir, et derrière ça, ils sont surtout géniaux dans la peau de ces personnages qui sont tous un peu barges. Ainsi, Matteo Simoni en Roi du Porno, ou Charlotte Timmers en Miss Belgique déchue, composent des personnages qui sont une palette de nuances, et même si parfois, ils ont des côtés agaçants, ils n’en demeurent pas moins géniaux. Puis devant eux, « Zillion« , c’est surtout Jonas Mermeulen, qui incarne Frank Verstraeten, un personnage passionnant, à la trajectoire immense, loin des conventions, et qui malgré son côté arrogant, voire même connard, arrive dans le fond à se faire touchant de par son manque de confiance en soi, qui se traduit par une envie d’en foutre plein la gueule aux autres pour se prouver quelque chose à lui-même, quitte à manipuler tout le monde, ou encore à tout perdre. Bref, il est irritant, mais tellement passionnant.

On avait déjà remarqué le talent de mise en scène de Robin Pront, qui arrive à créer des ambiances. Ici, il réitère l’essai et surtout, il confirme qu’il est un excellent réalisateur qui foisonne d’idées. Si « Zillion » est trop long, et aurait mérité de tourner autour des deux heures, car dans son intrigue, il y a de la répétition, et parfois, cette dernière a du mal à avancer, devant cela, il y a surtout cette réalisation folle qui propose toujours quelque chose. Une réalisation qui arrive aussi bien à tenir ses scènes de fêtes dantesques, que son côté sombre et mafieux, avec ce qu’il faut de violence et d’horreur, tout comme il tient aussi le coup lorsqu’il s’engage dans un film plus intime, allant chercher du côté du drame familial. Robin Pront livre un film riche et intense, qui arrive à se faire aussi sombre que festif, ce qui est un sacré défi.

À l’image des « … Ardennes« , « Zillion » sera sûrement mal distribué et jouira d’une sortie assez confidentielle, et même s’il n’est pas parfait et trop long, il sera dommage de passer à côté de cette soirée belge, audacieuse et folle, qui de surcroît, nous raconte un homme, un lieu, et des histoires sombres, entre sexe, drogue, violence et amour. Bref, ce troisième film pour Robin Pront est une sacrée expérience de cinéma !

Note : 15/20

Par Cinéted

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