Titre Original : Goodfellas
De : Martin Scorsese
Avec Ray Liotta, Robert De Niro, Joe Pesci, Lorraine Bracco
Année : 1990
Pays : Etats-Unis
Genre : Thriller
Résumé :
Depuis sa plus tendre enfance, Henry Hill, né d’un père irlandais et d’une mère sicilienne, veut devenir gangster et appartenir à la Mafia. Adolescent dans les années cinquante, il commence par travailler pour le compte de Paul Cicero et voue une grande admiration pour Jimmy Conway, qui a fait du détournement de camions sa grande spécialité. Lucide et ambitieux, il contribue au casse des entrepôts de l’aéroport d’Idlewild et épouse Karen, une jeune Juive qu’il trompe régulièrement. Mais son implication dans le trafic de drogue le fera plonger…
Avis :
S’il y a bien un réalisateur qui est indissociable de la mafia au cinéma, c’est Martin Scorsese. Qui a le mieux retranscrit ce monde si fermé que lui au cinéma ? Et ce ne sont pas des films comme Casino, Mean Streets, Les Nerfs à Vif ou encore Les Infiltrés qui vont nous faire dire le contraire. Alors il y a peut-être Francis Ford Coppola avec sa trilogie du Parrain, mais avec Scorsese, le milieu mafieux est une redondance de son cinéma, une sorte de catharsis qu’il met aux yeux du monde. Mais le plus difficile avec ces films, c’est d’élire celui qui nous semble le meilleur de tous. Le choix est assez grand, d’autant plus que la filmographie du réalisateur est incroyable. Mais si on ne devait en nommer qu’un, ce serait certainement Les Affranchis.
Avec ce film, Martin Scorsese touche au sublime sur plusieurs points et la première chose qui saute aux yeux, c’est la narration. En effet, le film débute avec une voix off, celle de Ray Liotta, qui va raconter sa jeunesse et comment il a réussi à entrer dans le milieu de la mafia, un milieu qui le fascine depuis toujours, notamment parce que les hommes ont tout ce qu’ils veulent, peu importe la manière de faire. En faisant ainsi, Scorsese va donner de la puissance à son histoire et surtout une certaine crédibilité. On va rapidement se prendre d’affection pour ce jeune homme qui sèche les cours pour gagner plus d’argent et qui va se faire chérir par les parrains mafieux, voyant en lui un avenir radieux et un homme à tout faire indispensable. Mais fort heureusement, le réalisateur ne se focalise pas uniquement sur ce personnage, même s’il reste central. De temps à autre, une autre voix va venir se poser sur celle de Liotta, notamment celle de sa femme, Lorraine Bracco, qui va raconter comment elle est tombée amoureuse de ce type. En alternant les points de vue sur les gens qui gravitent autour du « héros », Scorsese montre à quel point le milieu de la mafia est fermé, et comment, entre eux, ils s’entraident. Mais la chose la plus intéressante, c’est qu’il ne donne jamais les pensées des gros bonnets, que ce soit Paul Sorvino, Joe Pesci ou encore Robert De Niro.
Outre la narration qui est faite de façon très intelligente, on aura aussi droit à une mise en scène aux petits oignons. Avec Les Affranchis, Martin Scorsese donne de l’ampleur à sa réalisation, alternant des moments assez grandiloquents avec d’autres passages plus intimes, mettant en avant, encore une fois, l’aspect renfermé de la mafia. Les parties de cartes sont donc en vase clos, permettant de mettre plus en avant les personnalités fantasques de ce monde. On remarquera que Joe Pesci est complètement frappé, tuant à n’importe quel, étant un être impulsif et violent, faisant référence aux gangsters des années 30. On verra aussi que Robert De Niro est un homme qui possède un grand self-control, mais dont les intentions ne sont pas clairement visibles. Bref, ces petits moments intimistes permettent donc de renforcer des personnalités. Mais le plus incroyable dans ce genre de film reste les plans-séquences que Scorsese nous concocte avec minutie. Les passages dans les cuisines de boîte de nuit, les mouvements suivants les personnages, tout est fluide et montre une précision à couper le souffle. Une mise en scène aussi précise que les mauvais coups de ces trois mafieux.
Enfin, difficile de ne pas voir le talent inné de tous les acteurs du film. Outre la prestance incroyable de Robert De Niro dans un rôle qui lui collera à la peau, il faut aussi saluer le jeu de Joe Pesci, tout dans la surenchère et dans la nervosité. L’acteur n’aura pas volé son Oscar du meilleur second rôle en 1990, car il arrive à avoir deux facettes, l’une drôle et l’autre très inquiétante. D’ailleurs, on ne saura jamais vraiment quand il rigole et quand il est sérieux, lui donnant ce côté imprévisible et donc très dangereux. Mais le film met en avant un jeune premier pour l’époque, à savoir Ray Liotta. Beaucoup de légendes circulent sur ce choix de casting, mais Scorsese a avoué que c’est lorsque Ray Liotta a voulu lui parler durant le festival du film à Venise qu’il a décidé de l’engager. En effet, l’acteur se fit rejeter durement par les gardes du corps du cinéaste (et pour cause, il présentait La Dernière Tentation du Christ et cela faisait polémique) et ce dernier est resté très calme, très stoïque, ce qui a plu à Scorsese. Quoi qu’il en soit, le choix s’avère payant, puisque Ray Liotta est rayonnant dans ce rôle et prouve au monde entier qu’il peut être à la fois touchant et bouleversant, notamment sur la fin du film.
Car il ne faut pas croire, Les Affranchis n’est pas qu’un film sur des gangsters ayant déjà existé. Derrière cette toile de fond, le réalisateur en profite pour peindre un monde moins joyeux qu’il n’en a l’air, très violent, et où l’espérance de vie n’est pas bien longue. Une vie solitaire, qui détruit d’autres vies, comme celle de sa femme ou de ses différentes maîtresses. Avec ce métrage, Martin Scorsese pointe du doigt un milieu renfermé, qui ne se soucie guère du quidam, considérant d’ailleurs les autres personnes, celles qui travaillent et se tuent à la tâche, comme des ploucs. Une attitude déplorable et qui va finir par se retourner contre le protagoniste principal, devant devenir tout ce qu’il méprise pour survivre. Bref, il s’agit d’un film très riche, très profond et qui pose de vraies questions sur un milieu toujours en activité et qui fait rêver plus d’un jeune garçon.
Au final, Les Affranchis de Martin Scorsese est un excellent film. Il s’agit même peut-être de son meilleur film, tout du moins celui qui pose un regard très juste sur le monde de la mafia et ses dérives. En juxtaposant une réalisation sublime, des acteurs habités, une narration prodigieuse et une bande originale rock à tomber par terre, le cinéaste américain livre un film désormais culte et qui se bonifie avec le temps. Comme un bon chianti.
Note : 19/20
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Par AqME
Une réflexion sur « Les Affranchis »