Titre Original : Pat Garrett and Billy the Kid
De : Sam Peckinpah
Avec James Coburn, Kris Kristofferson, Bob Dylan, Richard Jaeckel
Année : 1973
Pays : Etats-Unis
Genre : Western
Résumé :
En 1881, au Nouveau-Mexique, dans le repaire de Fort Sumner, Pat Garrett retrouve Billy, son ancien compagnon de route, et lui annonce qu’il est devenu shérif. Pat lui recommande alors de quitter les environs, sinon il sera dans l’obligation de l’éliminer. Billy ignore son conseil. Commence alors une poursuite impitoyable entre le policier et le jeune hors-la-loi.
Avis :
Le cas Sam Peckinpah est très intéressant à découvrir. Le réalisateur connait rapidement la gloire, mais il va se rendre compte que son humeur est incompatible avec certains acteurs (notamment Charlton Heston avec qui il s’est brouillé sur le tournage de Major Dundee) et les studios. Charcuté dans tous les sens, Major Dundee va rester en travers de la gorge du cinéaste qui mettra plusieurs années à s’en remettre et rejettera ses démons dans La Horde Sauvage, son film culte. Par la suite, malgré ses accès de colère, il va connaître plusieurs grands succès et sera reconnu comme celui qui mettra le mieux en scène la violence. A titre d’exemple, lors du tournage de Pat Garrett et Billy le Kid, il va exploser plusieurs miroirs chez lui et sera ravagé par la drogue et l’alcool. Pour autant, il accouche d’un chef-d’œuvre où les rôles de méchants et gentils sont floués.
Deux légendes
Le film débute d’entrée de jeu par une première confrontation entre les deux hommes. Billy tue des poulets avec ses amis, et Pat Garrett arrive du Mexique. Les deux hommes échangent autour d’un verre et Garrett conseille à Billy de quitter le pays, sans quoi, devenu shérif, l’ex-acolyte Pat va devoir le tuer. Le climat est tendu et on sent qu’il y a déjà un vécu entre les deux hommes. Et pour cause, ils furent associés dans le crime il y a quelques années de cela. Une fois cette introduction passée, et un aveu de Billy qui considère encore et toujours Garrett comme son ami, le film va se placer comme une longue course-poursuite. Billy arrive à s’échapper à chaque fois alors que Pat recrute tant bien que mal des hommes pour stopper la fuite en avant d’un brigand des grands chemins.
Dès lors, le film va être une constante rivalité entre les deux hommes. Une rivalité qui va se voir de façon directe lorsqu’ils se font face. Mais aussi une rivalité indirecte, Sam Peckinpah s’amusant à comparer les parcours des deux hommes dans des situations similaires. C’est là toute la force du récit qui va nous montrer les évolutions des deux hommes aux yeux de la société, mais aussi avec leur entourage. Le réalisateur sait bien que Billy le Kid est un personnage plus connu que Pat Garrett et qu’il est vu comme un bandit sanguinaire et capricieux. C’est pour cela qu’il va prendre tout le monde à revers avec ce film. En effet, si le début montre un jeune homme qui tire sur des poulets semi-enterrés, on va très vite se rendre compte que derrière la gouaille et le rictus se cache un homme fragile, plus sensible qu’il n’y parait.
Qui est le bien ? Qui est le mal ?
C’est à travers le parcours de Pat Garrett et Billy le Kid que l’on va voir les évolutions de chacun. Celui qui est du côté de la loi, Garrett, va avoir un tracé tumultueux. Il ne touche plus sa femme, recrute des voyous et des tueurs comme adjoints afin d’arriver à ses fins, et surtout, il fait chanter certaines personnes quand il en a besoin. C’est un personnage qui n’arrive pas à exprimer ses sentiments et qui part parfois dans des dérives libidineuses, comme ce moment où il couche avec cinq filles de joie. De l’autre côté, Billy sera un être fidèle à ses amis. Il a une forte communauté, des amis, et il va même susciter des avenirs, avec un jeune homme qui arrête son métier pour suivre cette troupe. Il est aussi un homme aimant, doux et qui respecte les personnes qui ne lui veulent pas de mal.
En faisant de cette course-poursuite des situations similaires dans le temps, Sam Peckinpah va réussir à nous retourner. On va ressentir une profonde empathie pour Billy, et on va presque détester Pat. C’est très malin, car dans notre subconscient, Pat est supposément le gentil, celui du côté de la loi, mais avec un tel montage, on se rend compte que Billy est peut-être bien le héros de cette histoire, malgré ses tricheries et ses meurtres, qui ne sont là que pour assurer sa survie. Outre ces deux personnages emblématiques, le film possède un fond qui reste aujourd’hui d’actualité. Le film est très politique. Le réalisateur montre un shérif nommé à brûle-pourpoint alors qu’il est un meurtrier. Il recrute d’ailleurs des bandits connus et reconnus. Sam Peckinpah interroge alors sur la légitimité des élus, des politiques et des forces de l’ordre. La corruption est constamment présente à l’écran.
Knockin’ on Heaven’s Door
Ce qui est constamment à l’écran aussi, c’est la violence. C’est le thème de prédilection de Peckinpah, et même si on reste dans quelque chose de plus sage que la Horde Sauvage, ce film n’hésite à enchaîner les morts et les fusillades. Des morts inutiles, des morts cruelles qui ne sont que le fruit d’une confrontation sans but, démontrant que la violence est inhérente à l’être humain. Afin de donner du poids à ses différents propos, Sam Peckinpah offre une réalisation crépusculaire et relativement intimiste. On s’immisce dans la vie de ces personnages et on découvre leurs mœurs de façon simple. Moins grandiloquent que La Horde Sauvage, Pat Garrett et Billy le Kid reste un métrage dont la réalisation permet d’accentuer certains thèmes. Le montage permet aussi une évolution parallèle, montrant les chemins parcourus. Et que dire des deux acteurs principaux, si ce n’est qu’ils sont incroyables.
Au final, Pat Garrett et Billy le Kid est un petit chef-d’œuvre. Si on cite souvent La Horde Sauvage comme le plus grand film de Peckinpah, il ne faudrait pas oublier celui-ci, qui brille par son montage malin, par ses thèmes toujours autant d’actualité et par des prestations sans faille d’acteurs formidables. James Coburn, Kris Kristofferson ou encore Bob Dylan sont totalement investis dans leur rôle. Bref, il s’agit-là d’un grand film, d’un grand western, qui fait partie des incontournables de la filmographie de Peckinpah.
Note : 18/20
Par AqME