avril 28, 2024

Lola Montès – Le Film Maudit de Max Ophüls

De : Max Ophüls

Avec Martine Carol, Peter Ustinov, Anton Walbrook, Henri Guisol

Année : 1955

Pays : Allemagne, France

Genre : Biopic, Drame

Résumé :

A la Nouvelle-Orléans, au milieu du XIXème siècle, un cirque gigantesque donne en représentation la vie scandaleuse de Lola Montès, alias comtesse de Landsfeld. Répondant aux questions les plus indiscrètes du public, sous la direction de son manager habillé en Monsieur Loyal, elle est contrainte de raconter dans quelles conditions elle a refusé pour époux le vieillard qu’on lui destinait, préférant s’enfuir avec le jeune amant de sa mère et comment, passant de lui à d’autres, elle connut des hommes célèbres, tels que Liszt, achevant sa prodigieuse et scandaleuse carrière en qualité de maîtresse attitrée de Louis II, roi de Bavière.

Avis :

Max Ophüls est un immense cinéaste qui a eu une carrière à la fois longue… et courte. Longue dans sa filmographie, avec parfois deux films dans la même année, comme en 1935 avec Divine et La Tendre Ennemie, ou encore en 1949 avec Les Désemparés et Pris au Piège. Et courte puisque le réalisateur va mourir brutalement en 1957 des suites d’un maladie, alors qu’il est âgé de 54 ans. Son dernier film va d’ailleurs défrayer la chronique, choquant une bonne partie du public, et les producteurs vont alors charcuter le film. Max Ophüls, trop fatigué par sa maladie, va alors repartir dans son Allemagne natale, mettre en scène Le Mariage de Figaro pour le théâtre, puis s’éteindre. Lola Montès fut un choc pour l’époque, car il s’agit d’un biopic à la narration particulière, mettant en scène une femme qui s’émancipe des hommes.

L’histoire est assez simple dans ses grandes lignes. On suit une jeune femme qui va être tour à tour maîtresse de Franz Liszt, puis du roi Louis II de Bavière, et elle va enchaîner les conquêtes grâce à sa beauté. Après sa séparation forcée avec le roi Louis II (créant alors une révolution en Allemagne), elle va travailler dans un cirque, devenant l’attraction principale, et le sujet de tous les fantasmes. C’est dans ce contexte que l’on démarre le film, Max Ophüls choisissant de raconter l’histoire de cette femme via des flashbacks qui vont au gré des questions posées par les spectateurs du cirque. Et c’est cette vie qui va chambouler les mœurs du public des années 50, car on y voit une femme libre, qui décide d’elle-même de quitter ses amants, pour aller de cœur en cœur.  

« La première chose qui frappe est la maestria de la mise en scène. »

Quand on commence le visionnage de Lola Montès, la première chose qui frappe est la maestria de la mise en scène. Outre le fait que le cirque est absolument grandiose, il y a quelque chose de magique qui se déroule sous nos yeux. La caméra est ultra fluide, faisant alors un plan-séquence tournoyant, où les numéros s’enchainent dans une chorégraphie impeccable. C’est beau, c’est flamboyant, c’est inspiré et inspirant. Peter Ustinov joue un monsieur loyal débonnaire, qui sait attiser la curiosité de la foule, et on est plongé dans ce maëlstrom de couleurs et de mouvements. Le seul bémol que l’on peut apporter, c’est que le son n’est pas optimal, et parfois, on a du mal à entendre ce qu’il se dit. Un problème étrange, quand on sait que le film a connu un remaster important en 2008 pour mieux coller à a version originale d’Ophüls.

En choisissant une narration faite de flashbacks, le réalisateur bouscule les codes de l’époque, et délivre un film relativement avant-gardiste (un peu trop pour l’époque d’ailleurs). Mais en faisant cela, il permet à Lola Montès de prendre de l’ampleur, et de montrer sa montée progressive dans les strates de la société. Tout d’abord maîtresse de Liszt vivant dans des roulottes pour aller de concert en concert, elle va se retrouver livrée à elle-même et tout faire pour trouver un autre mari, si possible de bonne constitution. Pour cela, elle use de ses charmes, met en place quelques stratagèmes afin de vite se marier et avoir un certain pécule. Elle pourrait alors passer pour une garce, elle va s’imposer dans un monde machiste, ne se laissant jamais marcher sur les pieds, et démontrant au grand jour l’infidélité de certains. Cela contribue à l’empathie que l’on ressent pour elle.

« C’est à la fois beau et tendre de la part de Max Ophüls, qui se comporte comme un réel gentleman. »

Max Ophüls n’en oublie pas pour autant de travailler le côté historique. Lorsqu’elle fait du gringue au roi Louis II de Bavière, on va vite s’apercevoir de la place géopolitique qu’elle va prendre, perturbant tout un pays, qui la voit comme une espionne française, choisissant à la place du roi. Sans jamais trop en faire, sans jamais victimiser son héroïne, Max Ophüls fait le choix d’une montée progressive, en pointant du doigt une société injuste, qui refuse de connaître avant de critiquer, ou même d’attaquer. De ce fait, le contexte historique ne prend jamais la place du portrait féminin que nous dresse le cinéaste. On est là pour voir la vie de cette femme, les conséquences de ses charmes, mais en aucun pour la blâmer d’une quelconque révolution ou révolte. C’est à la fois beau et tendre de la part de Max Ophüls, qui se comporte comme un réel gentleman.

Et puis que serait le film sans son casting assez incroyable, et en tête d’affiche, la sublime Martine Carol. L’actrice entretiendra d’ailleurs quelques accointances avec son personnage, puisqu’elle sera aussi bien connue pour son rôle de Caroline Chérie que pour ses frasques amoureuses, ayant été la femme de cinq hommes. Cependant, elle connaîtra aussi une certaine déchéance, la faute à l’insuccès du film, mais aussi à des choix de carrière hasardeux, puis à Brigitte Bardot qui va lui voler le cœur des spectateurs. Elle ne pouvait qu’être Lola Montès, et elle l’incarne à la perfection. Quant au reste du casting, c’est tout simplement impeccable, notamment Anton Walbrook dans le rôle de ce roi amoureux, qui n’impute aucunement la révolte de son pays à sa maîtresse, qu’il aimera jusqu’à la fin de sa vie.

Au final, Lola Montès est un film maudit qui mérite pourtant toute notre attention. Sublime dans sa mise en scène, interprété au cordeau par une troupe de comédiens talentueux, et racontant le portrait d’une femme qui s’émancipe, avide de liberté, on peut dire que le dernier film de Max Ophüls est une grande réussite, qui démontre bien que certains films avant-gardistes méritent une réhabilitation, et que certaines critiques vieillissent mieux que d’autres…

Note : 17/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

Voir tous les articles de AqME →

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.