avril 19, 2024

L’Ile Rouge – L’Adieu au Colonialisme

De : Robin Campillo

Avec Nadia Tereszkiewicz, Quim Gutierrez, Charlie Vauselle, Amely Rakotoarimalala

Année : 2023

Pays : France, Belgique

Genre : Drame

Résumé :

Début des années 70, sur une base de l’armée française à Madagascar, les militaires et leurs familles vivent les dernières illusions du colonialisme.

Avis :

Robin Campillo est un cinéaste français qui a navigué en toute discrétion dans le paysage du cinéma français. Ayant étudié le cinéma dans les années 80, il y rencontre Laurent Cantet, réalisateur entre autres du futur Palmé « Entre les murs« . Tour à tour scénariste ou monteur, c’est en 2004 que Robin Campillo réalise son premier film, « Les revenants« , film qui inspirera la série Canal + par ailleurs. Pendant plus d’une dizaine d’années encore, le metteur en scène oscille, écrivant ou montant pour Laurent Cantet, Gilles Marchand ou encore Rebecca Zlotowski. S’il a bien réalisé « Eastern Boy » en 2013, c’est en 2017 que Robin Campillo explose avec le fou et bouleversant « 120 battements par minute« .

Ce troisième film a été un véritable succès qui lui vaudra d’ailleurs un Grand Prix à Cannes, et pas moins de six César, dont le prestigieux meilleur film. Comme il l’avait toujours fait jusqu’alors, Robin Campillo va prendre son temps pour passer à un autre projet, et voici que six ans après « 120 battements par minute« , le cinéaste est de retour avec « L’île rouge« , un film particulier, qui s’envole pour Madagascar au début des années 70.

« Le réalisateur s’intéresse aux derniers moments de l’armée française sur l’île de Madagascar. »

Autant dire qu’avec la qualité du cinéma de Robin Campillo, j’attendais « L’île rouge » avec beaucoup de curiosité, et j’en ressors assez partagé. Partagé entre une première partie de film incroyable, qui démontre entre une fois l’incroyable maîtrise de Campillo avec ses images, mais face à elle, le film s’abîme dans une seconde partie interminable, qui traîne en longueur et dont on ne voit pas vraiment où le film veut aller, ce qui est franchement dommage.

De 1970 à 1972 sur l’île de Madagascar, les militaires français vivent enfermés dans leur petit monde, au sein de la base de l’armée. Loin des problèmes du pays, alors que l’île a obtenu son indépendance il y a une dizaine d’années, les militaires sur l’île vivent dans l’illusion du colonialisme. Parmi les hommes et les femmes qui habitent la base, un couple, installé avec ses trois enfants, vit ses derniers mois sur ce qu’il appelle la plus belle île du monde.

Après avoir plongé dans les années 90, Robin Campillo déplace sa caméra de vingt-ans en arrière pour nous emmener dans les années 70, dans un lieu particulier, à un moment de l’histoire tout aussi particulier, puisque le réalisateur s’intéresse aux derniers moments de l’armée française sur l’île de Madagascar.

«  »L’île rouge » reste intéressant et beau de bout en bout de film. »

Le projet est singulier et le film va l’être tout autant. Écrit, réalisé et monté (comme toujours) par Robin Campillo, la première chose qui me reste en tête, c’est la claque visuelle que le réalisateur offre encore une fois. Visuellement grandiose et visuellement intéressant, Robin Campillo est un maître de l’image. C’est bien simple, il en fait ce qu’il veut, il emmène son film où il veut. Sa lumière est superbe, ses mouvements de caméra, ses cadres, ses séquences, sont de petits bijoux. Puis il y a ce montage, car même si le film va traîner en longueur dans sa deuxième partie, qui s’éloigne de la famille pour se centrer sur les habitants de l’île, au niveau de son montage et l’ambiance que tient le film, « L’île rouge » reste intéressant et beau de bout en bout de film.

Ce visuel accompagne une intrigue des plus particulières, puisque comme je le disais plus haut, Robin Campillo s’intéresse aux derniers instants de familles et militaires sur l’île de Madagascar, et ce qui est surprenant, du moins dans sa première partie, c’est le fait qu’au sein du scénario de Robin Campillo et Gilles Marchand, il ne se passe pas grand-chose, et pourtant, ce qui nous est raconté est franchement intéressant. Sous couvert de suivre « le dernier été » d’une famille, le réalisateur aborde tout un tas de sujets passionnants. Ainsi, le réalisateur y parle beaucoup de l’illusion de ces militaires et familles françaises qui vivent dans leur confort et ne voient pas spécialement le problème et la révolte de l’île. C’est très subtil, car Robin Campillo nous place à la même hauteur que ces familles, ce qui fait qu’on entend par-ci, par-là quelques petites choses, quelques petits éléments qui laissent entendre une colère.

«  »L’île rouge » est un film qui s’arrête beaucoup sur l’imaginaire d’un des enfants de la famille. »

Derrière ça, le réalisateur nous parle aussi beaucoup d’une époque et d’une famille, avec la place de la femme et de l’homme au sein du couple. Ici, la femme est au foyer et s’occupe des enfants, pendant que monsieur travaille. Toujours dans ce scénario, le réalisateur aborde aussi les relations de couple mixte, entre des soldats et des locaux, intérêt, tensions, ou désillusions sont au programme. Et enfin, parti pris audacieux, « L’île rouge » est un film qui s’arrête beaucoup sur l’imaginaire d’un des enfants de la famille. Ici, ses lectures prennent vie devant la caméra de Campillo et ça offre quelque chose en plus à son film. De plus, il est aussi intéressant de voir cette époque à travers les yeux de cet enfant.

Mais voilà, si cette première partie est passionnante, une fois arrivé à la vieille du départ de l’île, le film s’arrête sur la dernière nuit et entre une virée nocturne pour l’un des enfants, et le changement d’axe, puisque l’on va sortir de la base pour y suivre une locale, le film s’allonge et on a l’impression qu’il fait du sur place, ce qui est très étonnant, car ce qu’il raconte de la révolte qui gronde sur le papier est intéressant, mais à l’image, c’est tout autre, et l’on a bien du mal à voir où le cinéaste veut aller, d’autant plus que le film nous laissera sur notre faim, comme s’il n’en avait pas (de fin, jeu de mots, tout ça…). D’un coup, on quittera tous ces personnages. Cette deuxième partie a franchement abîmé cette séance de cinéma qui était superbe, jusqu’à cette dernière.

Ainsi, je ressors quelque peu déçu de ce nouveau Robin Campillo. Le réalisateur tient un sujet passionnant, et il arrive à le sublimer pendant une grande partie de son métrage. Malheureusement cette « … île rouge » ne tient pas ses promesses jusqu’au bout, et petit à petit, alors même que ça reste intéressant, le film s’enlise et se fait long, très long. Dans un sens, je ne regrette pas de m’y être arrêté, car visuellement, le film est une claque, puis il est intéressant dans ce qu’il raconte, au sein de cette première partie qui, je le répète, est passionnante.

Note : 14/20

Par Cinéted

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