De : Robin Campillo
Avec Olivier Rabourdin, Kirill Emelyanov, Danil Vorobyev, Edea Darcque
Année : 2014
Pays : France
Genre : Drame
Résumé :
Daniel aborde Marek dans une gare parisienne où ce dernier traine avec sa bande. Il lui propose de le retrouver chez lui le jour suivant. Mais lorsque Daniel ouvre la porte de son appartement le lendemain, il est loin d’imaginer le piège dans lequel il s’apprête à tomber et qui va bouleverser sa vie.
Avis :
Réalisateur français, Robin Campillo est le papa de « 120 battements par minute« , odyssée affolante et passionnante qui retrace les débuts d’Act Up et surtout une superbe histoire d’amour. Mais avant de poser ce bijou, Robin Campillo s’était déjà fait remarquer. Co-scénariste de plusieurs films de son pote Laurent Cantet, Robin Campillo va livrer un premier film très intéressant en 2004, « Les revenants« . Le film inspirera la série de Canal + du même titre.
Après ce premier film moyennement accueilli, ce qui est dommage, il faudra attendre dix ans avant de voir le réalisateur revenir derrière la caméra. Reparti du festival de Venise avec le prix du Meilleur film, « Eastern Boy« , le second film de Robin Campillo, est un film étonnant, car le réalisateur pose un regard bien loin des convenances et de ce que l’on aurait pu imaginer avec un sujet pareil. Beau, solaire, engagé sans trop l’être non plus, « Eastern Boy » est un film hybride qui s’aventure dans bien des directions, tout en restant, au-dessus de tout ça, une histoire très humaine faite à partir d’une « belle » rencontre. On en ressort touché.
Daniel, la quarantaine, rencontre Marrek à la gare du nord. Marrek est tchétchène et il traîne avec sa bande dans la gare, vivant de petites arnaques et un peu de prostitution. Marrek propose à Daniel, moyennant une certaine somme, de le retrouver chez lui le lendemain. Daniel accepte et sa vie, comme celle de Marrek, va en être totalement bouleversée.
Robin Campillo est un électron libre dans le paysage du cinéma français. Le réalisateur prend le temps de savoir ce dont il a envie de parler et de maturer ses histoires, quitte à ce qui se passe dix ans entre son premier et son second film. Après s’être intéressé à la question de la vie après la mort, Robin Campillo s’aventure ici dans un film qui va emprunter plusieurs sentiers en même temps, étant aussi bien une histoire de rencontre, et peut-être d’amour, qu’un film qui abordera les mouvements de population, l’immigration, les sans-papiers et l’envie de s’en sortir, et la survie de son personnage principal.
« Eastern Boy » est un film qui peut véhiculer des craintes à la découverte de tous ces sujets mélangés. On peut aisément se dire qu’on tient encore une fois un film engagé, qui serait moralisateur, comme on en a vu arriver pas mal dans les années 2000, mais ce n’est pas l’envie de Robin Campillo qui veut que son « Eastern Boy » aille plus loin que ça, et surtout soit dénué de tout jugement. Ainsi donc, on sera pris et étonné par le scénario que nous a réservé Robin Campillo. « Eastern Boy » est un film qui s’aventure dans tant de directions, qu’il ne cesse de nous surprendre. Imprévisible, « Eastern Boy » arrive à être à la fois beau et romantique, tendu et touchant. Robin Campillo aborde aussi bien les rencontres amoureuses, la compassion, la tolérance, que la confiance en l’autre, que l’immigration, la délinquance, ou les blessures vives du passé. Ces personnages sont beaux, et sont surtout très justes. Le réalisateur instaure beaucoup de profondeur et parfois avec peu d’éléments. On avait déjà saisi cette façon de faire avec « Les revenants« , et avec ce film, on sent que Campillo a gagné en assurance et écriture. On est touché par la solitude des personnages, on est touché par les sourires qui cachent bien souvent des blessures. Robin Campillo livre des personnages très bruts et évite de sombrer dans le misérabilisme ou le jugement. Non, le réalisateur a décidé de filmer ses personnages avec leur qualité et leur défaut et en conjuguant tout ceci, il nous offre de très beaux portraits et au-delà de ça, une belle histoire, entre deux âmes qui se rencontrent, se font du bien, se réparent en un sens et voient finalement l’avenir s’éclaircir.
Si le film est aussi juste et touchant, c’est aussi grâce à la performance toute en simplicité et nuance de ces deux acteurs principaux. « Eastern Boy« , c’est un Olivier Rabourdin magnifique et intense. L’acteur tient là à coup sûr le plus beau rôle de sa carrière et ce film démontre bien qu’il est un grand acteur qui mériterait bien plus de lumière. Puis face à lui, en tête d’affiche et se posant comme une très belle révélation, on trouve le jeune acteur russe, Kirill Emelianov. Le jeune homme crève l’écran dans un rôle qui est loin d’être évident. À noter aussi Daniil Vorobyovqui incarnant le chef de la bande, qui est terriblement troublant.
Très solaire, « Eastern Boy » est un film très original aussi dans sa construction. Monté en chapitres, mélangeant les ambiances pour mieux tenir son spectateur en haleine et en émotion, Robin Campillo livre là un film qui ne cesse d’évoluer. « Eastern Boy » sait aussi bien se faire intime que tendu, penchant même vers le thriller quand l’histoire le demande. De plus, le réalisateur évite avec brio de tomber dans tous les clichés du film « gay », et là où l’on aurait pu penser trouver un film de drague lourd et déjà vu, Robin Campillo livre une source d’émotion et de pudeur. Et quand il s’approche du film engagé et politique, à la place de juger et pointer du doigt, il préfère nuancer ses personnages, et rester au plus proche de l’humain.
Bref, Campillo est vraiment un réalisateur étonnant dans ses choix, ses histoires et la façon qu’il a de raconter ces histoires. « Eastern Boy » est un beau film qui touche avec cette histoire bien loin de ce que l’on avait pu imaginer. En trois films, Robin Campillo a su imposer une filmographie de qualité, qui fourmille de sujets, d’émotions et de personnages magnifiques.
Note : 15/20
Par Cinéted
Une réflexion sur « Eastern Boys »